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    L'actu vue par REMAIDES : "VIH en France : plus de dépistages, pas moins de diagnostics"

    • Actualité
    • 29.11.2023

    diagramme

    Par Jean-François Laforgerie et Fred Lebreton 

    VIH en France : plus de dépistages, pas moins de diagnostics

    Comme chaque année, à l’occasion du 1er décembre, Journée mondiale de lutte contre le sida, Santé publique France (SpF) a communiqué les chiffres de l’épidémie de VIH et des IST en France. En 2022, si le nombre de dépistages augmente et atteint un niveau supérieur à celui de 2019, le nombre de diagnostics ne diminue pas pour autant. Des estimations qui demeurent fragiles, même si SpF déclare avoir pris en compte les recommandations du Conseil national du sida et des hépatites (voir encart). Décryptage.

    Work in progress !

    Vendredi 24 novembre, Santé publique France (SpF) a organisé sa traditionnelle conférence de presse en visio pour présenter les « résultats actualisés sur la surveillance du VIH et des IST » en France (données 2022). Gros succès avec plus de 200 participants-es (journalistes, professionnels-les de santé, experts-es, militants-es associatifs-ves…) pour une rencontre autour d’un « ordre du jour qui va nous permettre de discuter d’un certain nombre de travaux méthodologiques qui sont en cours et qui sont importants pour nous, pour notamment estimer l’incidence du VIH », a d’ailleurs annoncé Bruno Coignard, Directeur des maladies infectieuses à SpF.

    Dans son esprit, sans doute, les griefs de l’année dernière sur la « fragilité » des données concernant le VIH, qui avaient d’ailleurs pris la forme d’un communiqué dénonciateur. Ces critiques ne s’étaient d’ailleurs pas limitées aux associations de patients-es, mais à une bonne part du champ de la lutte contre le VIH/sida en France, dont notamment le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) (voir encart plus bas). Un intérêt critique qui n’a évidemment pas échappé à SpF. « Je voudrais expliquer une chose », a déclaré Bruno Coignard avant de lancer la présentation des données 2022. « Vous avez vu comme nous un rapport du CNS publié récemment qui pointe un certain nombre de limites à la déclaration [obligatoire, ndlr] et à la surveillance du VIH aujourd’hui. Ce sont des choses qui sont bien connues de l’agence et que nous prenons en compte. Nous avons beaucoup échangé avec le CNS qui nous a auditionnés (…). On pourra vous faire part des travaux méthodologiques que nous conduisons au sein de l’agence [concernant l’incidence, ndlr], sachant que ces travaux ne remplaceront pas un point important qui est l’exhaustivité de la déclaration obligatoire (DO) qui, comme vous le savez à ses limites ». Et le Directeur des maladies infectieuses à SpF d’indiquer : « Nous avons un travail à conduire qui est sur plusieurs angles. Il y a bien sûr des aspects techniques et méthodologiques, mais il y a aussi une vraie discussion à avoir avec l’ensemble des parties prenantes, déclarants compris, sur les objectifs de cette surveillance et son évolution au regard des limites que j’ai rappelées ». Work in progress.

    Le dépistage du VIH augmente

    Le nombre de sérologies VIH réalisées en 2022 par les laboratoires de biologie médicale  dans le cadre de LaboVIH est de 78 % ; il était de 68 % en 2021. Les données de LaboVIH  indiquent que le nombre de sérologies VIH réalisées en 2022 est été estimé à 6,5 millions, soit en moyenne 96 sérologies pour 1 000 habitants-es ; un chiffre qui varie cependant selon les régions. Des niveaux de dépistage plus élevés sont observés en Guyane, en Guadeloupe ou en Martinique. L’activité de dépistage du VIH, qui avait diminué entre 2019 et 2020 en raison de l’épidémie de Covid-19, a de nouveau augmenté pour atteindre en 2022 un niveau supérieur à celui de 2019. Les données SNDS (système national des données de santé) indiquent une augmentation du nombre de dépistages du VIH en 2021 et 2022. « En 2022, le nombre de dépistages VIH remboursés est de 5,16 millions et 4,42 millions de personnes ont bénéficié d’un test remboursé au moins une fois dans l’année (dont 62 % de femmes) », indique Santé publique France (SpF). Le dispositif  VIHTest (dépistage en labo de ville, sans ordonnance, sans rendez-vous et sans avance de frais), en place depuis janvier 2022, a donné lieu à 250 948 tests. Une part équivalente d’hommes et de femmes en ont bénéficié. De plus, 65 600 autotests VIH ont été vendus en 2022 par les pharmacies (ventes en ligne comprises), c’est du même niveau qu’en 2021, mais toujours moins qu’à leur lancement : 79500 en 2019.

    Entre 4 200 et 5 700 nouveaux diagnostics de VIH

    Le nombre de personnes ayant découvert leur séropositivité VIH en 2022 a été estimé entre 4 200 (fourchette basse) et 5 700 (fourchette haute) pour l’année 2022 en France. Ce nombre a réaugmenté en 2021 et 2022, suite à la forte baisse observée en 2020 (contexte de Covid-19), mais reste inférieur à celui de 2019. À partir de 3 326 découvertes de séropositivité au VIH en 2022 déclarées au 30 juin 2023 (nombre brut), le nombre total de personnes ayant découvert leur séropositivité VIH en 2022 a été estimé entre 4 233 (estimation « basse ») et 5 738 (estimation « hausse »). À partir de ce chiffre brut, SpF procède à une correction des données : cela donne un nombre corrigé de découvertes (avec l’exhaustivité des données hospitalières) et un nombre corrigé de découvertes (avec l’exhaustivité des données : hôpital + ville).

    Au final, il faut retenir les chiffres suivants : le nombre de personnes ayant découvert leur séropositivité VIH en 2022 a été estimé entre 4 200 et 5 700, soit entre 62 à 85 découvertes par million d’habitants-es. Après une diminution du nombre de découvertes de séropositivité VIH en 2020, plus nette chez les personnes nées à l’étranger que chez celles nées en France, le nombre de nouveaux diagnostics augmente de nouveau en 2022 « aussi bien chez les hétérosexuels-les nés-es à l’étranger que les HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes) nés à l’étranger ». Si on regarde sur un temps plus long (2012-2022) : « le nombre de découvertes est quasi stable chez les femmes hétérosexuelles nées à l’étranger, diminue chez les femmes hétérosexuelles nées en France, les UDI [personnes usagères de drogues par injection, ndlr], les hommes hétérosexuels nés en France et ceux nés à l’étranger (respectivement de – 24 %, - 21 %, - 16 % et -14 % sur la base des estimations « hautes ») ». La diminution la plus importante est observée chez les HSH nés en France (- 32 % sur 2012-2022). « Elle peut être « expliquée par le recours à la prophylaxie pré-exposition (Prep) pour une part de cette population », indique SpF. Sur l’ensemble de la période 2012-2022, la diminution du nombre de découvertes de séropositivité est estimée entre -11% (selon les estimations « hautes ») et – 21 % (selon les estimations « basses »).

    Quelles sont les personnes concernées ?

    Parmi les personnes ayant découvert leur séropositivité en 2022 : 54 % sont des hétérosexuels-les (dont 38 % sont nés-es à l’étranger et 16 % sont nés-es en France), 41 % sont des HSH (dont 27 % nés en France et 14 % nés à l’étranger), 2 % des personnes trans infectées par rapports sexuels et 1 % des usagers-ères de drogues injectables (UDI). Concernant les personnes trans, leur proportion a augmenté progressivement depuis quelques années passant de 0,7 % des découvertes en 2012 à 2 % en 2022, soit 109 personnes. Moins de 1 % des découvertes concernent des enfants de moins de 15 ans, principalement infectés par transmission de la mère à l’enfant (materno-fœtale).

    Si on entre un peu plus dans le détail, les hommes cis représentaient 67 % des découvertes de séropositivité VIH en 2022, les femmes cis (31 %). Les personnes ayant découverte leur séropositivité en 2022 avaient un âge médian de 37 ans : 14 % étaient âgées de moins de 25 ans, 64 % de 25 à 49 ans et 22 % de 50 ans et plus. La proportion des plus de 50 ans a tendance à augmenter depuis 2017. Autre donnée : plus de la moitié des découvertes en 2022 concernaient des personnes nées à l’étranger (56 %) : 34 % étaient nées en Afrique subsaharienne, 8 % sur le continent américain, 7 % en Europe et 7 % dans une autre zone géographique. Les femmes cis et les personnes trans étaient plus souvent nées à l’étranger que les hommes cis (respectivement 80 % et 82 % versus 44 %). Parmi les 54 % des personnes personnes infectées lors de rapports hétérosexuels, 71 % étaient nées à l’étranger, dont 74 % en Afrique subsaharienne. Parmi les HSH, 33 % étaient nés à l’étranger, dont 34 % en Afrique subsaharienne, 19 % sur le continent américain, 17 % en Europe et 30 % dans une autre zone géographique. Si l’on regarde la répartition des taux de découverte de séropositivité en 2022 selon les régions, voici ce que cela donne : 1 149 cas par million d’habitants-es en Guyane, puis 338 cas par millions d’habitants-es à Mayotte, 323 en Guadeloupe, à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, 217 en Martinique, 190 en Île-de-France, 64 en PACA, 57 en Centre Val-de-Loire, 54 en Occitanie, etc.

    28 % de diagnostics au stade avancé de l’infection

    Dans les découvertes, il y a d’une part les diagnostics précoces (ils reflètent à la fois le dépistage et l’incidence du VIH dans l’année du diagnostic), et d’autre part les diagnostics tardifs qui, eux, reflètent le dépistage actuel et l’incidence des années précédentes.

    En 2022, 43 % des infections à VIH ont été découvertes à un stade tardif de l’infection, dont 28 % au stade avancé de l’infection (stade sida ou moins de 200 CD4/mm3, hors primo-infection), des proportions qui ne diminuent pas depuis plusieurs années. À contrario, seulement 30 % de découvertes de séropositivité chez les adultes étaient des diagnostics précoces (profil virologique de séroconversion, stade clinique de primo-infection, test d’infection récente positif, etc.). La part des diagnostics précoces en 2022 était la plus élevée chez les HSH : 48 % chez ceux nés en France et 35 % chez ceux nés à l’étranger. Chez les personnes hétéros, cette part était plus élevé pour ceux-celles nés en France (32 %) que parmi ceux-celles nés-es à l’étranger (14 %). Chez les personnes trans, elle était de 35 % en 2022. Côté diagnostics tardifs, la part est toujours plus élevé chez les personnes hétéros (51 % en 2022) que chez les HSH (33 %). Chez les personnes hétéros, elle était plus élevée chez les hommes : 48 % chez ceux nés en France et 60 % chez ceux nés à l’étranger ; que chez les femmes, respectivement 38 % et 51 %. En 2022, environ 2 450 personnes ont découvert leur séropositivité alors qu’elles étaient déjà un stade tardif de l’infection à VIH : environ 1 200 hétérosexuels-les né-es à l’étranger, 500 HSH nés en France, 400 hétérosexuels-les nés-es en France, 280 HSH nés à l’étranger, 35 personnes trans contaminées par rapports sexuels et 30 personnes usagères de drogues par injection. Enfin, le nombre de diagnostics en stade sida a été estimé à 796 en 2022. Ce chiffre baissait progressivement, il est désormais stable depuis trois ans. Les personnes diagnostiquées avec un stade sida en 2022 avaient un âge médian de 44 ans. Parmi elles, 67 % ignoraient leur séropositivité et donc n’avaient pas pu, de ce fait, bénéficier d’un traitement ARV avant le stade sida ; 18 % connaissaient leur séropositivité, mais n’avaient pas été traitées par ARV.

    Les données 2022 pour les IST bactériennes

    Trois infections sexuellement transmissibles sont plus particulièrement surveillées : les Chlamydiae trachomatis, les infections à gonocoque (gonococcies) et la syphilis. Les données présentées par Santé publique France (SpF) concernent à la fois l’activité de dépistage, le nombre de cas, le taux d’incidence et le taux de positivité.

    En 2022, 2,6 millions de personnes ont bénéficié au moins une fois d’un dépistage remboursé d’une infection à Chlamydiae, 3 millions d’un dépistage d’une infection à gonocoque et 3,1 millions d’un dépistage de la syphilis. SpF note que le « taux de dépistage de ces trois IST a continué à augmenter en 2022 comme depuis plusieurs années, en dehors d’une baisse ponctuelle en 2020 », du fait de l’épidémie de Covid-19 qui a notablement freiné le dépistage des IST. Les taux de dépistage rapportés à la population sont les plus élevés dans les départements et régions d’Outre-mer (à l’exception de Mayotte), en particulier en Guyane. Par exemple, ce taux est de 138 pour 1 000 habitants concernant les Chlamydia, même chose pour les infections à gonocoque. Le chiffre monte à 151 pour 1 000 pour le dépistage de la syphilis. Les taux de diagnostic y sont également les plus élevés. L’Île-de-France est également une région où le taux de dépistage et de diagnostic des IST est élevé, avec notamment un taux de diagnostic de syphilis le plus important. Les taux de dépistage pour les Chlamydiae et les gonococcies sont également élevés en Occitanie et en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), alors qu’ils sont plus faibles dans les Hauts-de-France, en Centre-Val de Loire et en Bourgogne-Franche-Comté. Comme le montre SpF, les diagnostics d’infection à Chlamydia trachomatis, de gonococcies et de syphilis augmentent sur les années récentes. Les données sont issues de deux sources : le SNDS (système national des données de santé) et les Cegidd (centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic des infections par le VIH et les hépatites virales et les infections sexuellement transmissibles). C’est à partir des chiffres de ces deux sources que sont établis le nombre de cas pour chaque IST.

    • Chlamydiae trachomatis

    Le taux d’incidence (qui traduit la dynamique de l’épidémie) des cas diagnostiqués pour une infection à Chlamydiae augmente depuis 2014. Selon les données SNDS, il a plus que doublé en 2014 (23 500 cas) et 2022 (53 000). Il est désormais plus élevé chez les hommes que chez les femmes, parmi lesquelles il se stabilise (respectivement 103 et 88 pour 100 000 habitants), alors que plus des deux tiers (70 %) des personnes dépistées en 2022 pour cette IST sont des femmes, avec un taux de dépistage qui est de 63 pour  1 000 chez les femmes et de 29 pour 1 000 chez les hommes. Au total, entre les données SNDS et les données Cegidd, on dénombre plus de 78 000 cas de Chlamydiae pour 2022.

    • Gonococcies

    Le nombre de diagnostics d’infection à gonocoque (gonococcies) réalisés en Cegidd augmente régulièrement depuis 2016, chez les hommes cis, comme chez les femmes cis ou les personnes trans. Au total, en 2022, 14 800 cas y ont été diagnostiqués. Les cas sont majoritairement diagnostiqués chez des hommes (83 % des diagnostics en Cegidd et 75 % en médecine de ville), et en particulier des HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes). Parmi les personnes dont les pratiques sexuelles sont connues, le taux de positivité est près de cinq fois plus élevé chez les HSH (9,3 %) que chez les hommes hétéros (1,9 %), par exemple. Des infections ont également été diagnostiquées en médecine générale (réseau Sentinelles) : l’incidence annuelle des cas de gonococcies (cas vus en médecine générale dans l’hexagone) est estimée à 29 300 cas en 2022 ; elle était de 21 750 cas en 2021. Concernant cette IST, SpF indique que les spécialistes font état de résistances, voire parfois d’ultra résistance (XDR), du gonocoque à certains antibiotiques. En 2022, des souches étaient résistances à l’azithromycine, un antibiotique, dans 12 % des cas contre 9,7 % en 2021.

    • Syphilis

    Le taux d’incidence des cas diagnostiqués pour une syphilis est en augmentation depuis 2020, et de façon plus marquée en 2022, en particulier chez les hommes, qui sont les plus touchés par cette IST. Il reste plus élevé chez les personnes de 26 à 49 ans (18 pour 100 000), mais si on regarde uniquement les hommes de cette tranche d’âge, le taux se situe alors à 34 pour 100 000. En 2022, 6 000 cas ont été diagnostiqués, soit une augmentation de 27 % par rapport à 2019 (base SNDS). Le nombre de diagnostics de syphilis réalisés en Cegidd a également augmenté entre 2021 et 2022. En Cegidd, ce sont 4 100 cas qui ont été diagnostiqués en 2022. C’est stable sur la durée longue (2016-2021), mais la hausse est de 26 % entre 2021 et 2022. Les HSH représentent la majorité des cas (77 % en Cegidd et 71 % en médecine générale). Chez les personnes trans, le taux de positivité est de 4,8 % en 2022. Lorsque l’information sur le genre des partenaires est disponible, le taux de positivité est huit fois plus élevé chez les HSH que chez les hommes et femmes hétéros.

    Déclaration obligatoire du VIH : le CNS critique et recommande

    Dans un communiqué de presse, le 14 novembre dernier (soit dix jours avant la présentation officielle des données 2022 par Santé publique France), le Conseil national du sida et des hépatites virales fait état de la sortie de son « avis suivi de recommandations » sur l’amélioration de la qualité et de l’exhaustivité de la déclaration obligatoire de l’infection à VIH (DO VIH). Dans le communiqué, on sent poindre l’agacement : celui de ne pas être entendu. « Au cours des dernières années, le [CNS] s’est alarmé à plusieurs reprises des difficultés qui affectent les systèmes de surveillance épidémiologique des infections à VIH, des hépatites virales et des autres infections sexuellement transmissibles — la production et la mise à disposition régulière de données épidémiologiques robustes et actualisées étant essentielle pour concevoir, piloter et évaluer la réponse de santé publique face à ces épidémies. ». Difficile d’être plus clair et tranchant !

    Dans le viseur du CNS, la déclaration obligatoire de l’infection par le VIH (DO VIH). Instaurée depuis 2003, elle est le « pivot de la surveillance épidémiologique de cette infection en France. ». Dans son communiqué, le CNS rappelle comment le dispositif fonctionne : « Les personnes vues pour la première fois à l’occasion d’une infection VIH dans un service, un laboratoire de biologie ou une consultation médicale de ville ou hospitalière doivent faire l’objet d’une déclaration obligatoire anonymisée de la part du biologiste et du médecin. Ces déclarations, qui sont faites en ligne sur la plate-forme e-DO, sont gérées par Santé publique France qui établit les statistiques annuelles de nouvelles découvertes d’infection VIH ». Le CNS fait le constat que le système est « aujourd’hui défaillant ».

    « Les données produites ne permettent plus d’analyser avec certitude la dynamique de l’épidémie ni, dans la plupart des cas, de produire des données régionales, voire infra régionales nécessaires pour guider les politiques publiques et les stratégies visant à éliminer le VIH comme problème de santé publique d’ici 2030, selon l’objectif fixé par l’Onusida et la Stratégie nationale de santé sexuelle », critique le CNS. Et l’organisme d’enfoncer le clou : « La dégradation de la production de certaines données clés atteint désormais un point critique, qui entrave la capacité des acteurs impliqués dans la réponse ». Concrètement, le problème à des causes multiples : « Les modalités d’accès à la plateforme e-DO et ses fonctionnalités actuelles s’avèrent inadaptées à la réalité du processus de déclaration, tant au niveau du parcours de soins qu’au niveau des acteurs impliqués dans la saisie et le suivi des DO », souligne le CNS. Autre élément, la « fiabilité de l’estimation annuelle du nombre de nouvelles découvertes de séropositivité (…) est compromise par les carences du dispositif actuel d’enquête annuelle auprès des laboratoires de biologie médicale [LaboVIH] pour décompter le nombre de sérologies VIH conformées positives (indispensable aux opérations de redressement statistique des données VIH) », explique le CNS.

    Face à cette situation, le CNS a donc dégainé un avis (adopté en octobre dernier) et une série de recommandations (treize au total) pour améliorer l’exhaustivité et la qualité des données produites. On les trouve ici. Le CNS conclut dans son avis que les difficultés que rencontre le dispositif de la DO VIH ne doivent pas conduire à le remettre en cause en tant que tel. « La DO demeure le dispositif de surveillance épidémiologique adapté et indispensable à l’élaboration, au suivi et à l’évaluation des actions de lutte contre l’épidémie de VIH conduites au niveau national et territorial. Il est en revanche impératif d’en améliorer rapidement le fonctionnement ». Le CNS identifie plus particulièrement quatre domaines dans lesquels des mesures correctives sont à conduire.

    Premièrement, le « dispositif ne tient aujourd’hui pas suffisamment compte du caractère essentiellement hospitalier de la DO VIH et du rôle d’opérateur des Corevih, primordial à l’échelon territorial : « les techniciens d’études cliniques des Corevih assurent la plus grande part des déclarations par délégation des médecins auxquels en incombe la responsabilité. Il convient par conséquent de préciser les missions réglementaires des Corevih en la matière, afin de les mobiliser et garantir une implication et des pratiques plus homogènes sur l’ensemble du territoire ». En deuxième, le « redéveloppement » de la plateforme e-DO et de ses fonctionnalités. Troisièmement, pour renforcer l’adhésion des acteurs-rices impliqués-es sur le terrain dans l’activité de déclaration, il faut « donner du sens à leur activité et soutenir leur motivation ». Pour le CNS : « Santé publique France doit intensifier et repenser ses échanges avec eux, en privilégiant une logique d’animation du réseau des déclarants, de dialogue régulier et de valorisation de leur contribution ». En quatrième vient la question de la « fiabilité de l’estimation annuelle du nombre de nouvelles découvertes de séropositivité », cette dernière « constitue l’indicateur majeur pour suivre l’évolution de l’épidémie ». Pour le CNS, la fiabilité de cette estimation est comprise « par les carences du dispositif actuel d’enquête annuelle auprès des laboratoires de biologie médicale pour décompter le nombre de sérologies VIH confirmées positives [LaboVIH, donc] (…). Ces difficultés pourraient être résolues en substituant à cette enquête une collecte en routine, exhaustive et fiable, des résultats de sérologie VIH confirmés positifs dans le cadre du nouveau système d’information LABOé-SI ». Et de conclure : « L’intégration des résultats du dépistage du VIH dans ce système doit donc être priorisée par les autorités en charge de la veille sanitaire ».

    En clôture de la présentation des données 2022, le 24 novembre dernier, Bruno Coignard, Directeur des maladies infectieuses à SpF, a indiqué que l’agence comptait parler de cette question avec la Direction générale de la Santé (DGS).