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    L'actu vue par REMAIDES : "La Défenseure des droits s’inquiète d’une « banalisation des atteintes aux droits »"

    • Actualité
    • 18.04.2024

    actu remaides

    © Studio Capuche

    Par Jean-François Laforgerie et Fred Lebreton 

    France : la Défenseure des droits s'inquiète d'une "banalisation des atteintes aux droits"

    Le rapport annuel de la Défenseure des droits met les pieds dans le plat et tient lieu de mise en garde. Notre pays fait face à « une banalisation des atteintes aux droits » et une fragilisation « préoccupante » de l’État de droit. À l’étranger, la Thaïlande fait une nouvelle avancée vers la légalisation du mariage homosexuel, tandis que la Russie s’enfonce dans une homophobie profonde ; le pays vient d’ajouter le « mouvement international LGBT » à sa liste des « terroristes et extrémistes ». Au Japon, on bloque encore (et toujours) sur les droits LGBT+. Au niveau européen (contexte électoral oblige), plusieurs syndicats et organismes de défense des droits des droits des femmes ont lancé, mi-mars, un « appel à l’Union européenne » pour assurer une meilleure « protection des femmes et des personnes LGBTQI ». La rédaction de Remaides fait le point.

    La Défenseure des droits s'inquiète

    Mise en garde. L’année 2023 a été marquée par « une banalisation des atteintes aux droits » et une fragilisation « préoccupante » de l’État de droit, s’inquiète la Défenseure des droits qui a publié, mardi 26 mars, son rapport annuel. « On observe une sorte de banalisation des atteintes aux droits, cette fragilisation n’est pas nouvelle mais elle s’inscrit dans une tendance de fond avec une forme d’accélération », a expliqué Claire Hédon à l’AFP. L’autorité indépendante, qui est chargée notamment de défendre les droits des citoyens-nes face à l’administration, a reçu en 2023 plus de 137 000 réclamations, soit 10 % de plus que l’année précédente. Les réclamations traitées par les 600 délégués-es répartis-es sur le territoire concernent majoritairement les relations avec les services publics (plus de 92 000 réclamations, en hausse de 12 % sur un an). « Il y a un fossé qui s’est construit entre les usagers et le service public », relève Claire Hédon. « On nous dit : « Ça s’améliore », moi, ce que je constate, c’est qu’on a de plus en plus de saisines, ce qui n’est pas du tout rassurant ». Les autres réclamations concernent la lutte contre les discriminations, les droits de l’enfant, la déontologie des forces de sécurité et la protection des lanceurs d’alerte.

    Dans son rapport, la Défenseure des droits pointe du doigt plusieurs réformes législatives ou règlementaires ayant « restreint le bénéfice de certains droits ». Dans son viseur, la loi « pour le plein emploi » ; la loi Kasbarian « visant à protéger les logements contre l’occupation illicite » ou encore la loi sur l’immigration.  « On met encore plus en difficulté des populations déjà très vulnérables », estime la Défenseure des droits.  À cela s’ajoutent « des propos et des actes par lesquels des décisions de justice ont été remises en cause ou critiquées », des phénomènes qui « n’ont rien d’anecdotique et qui traduisent une fragilisation éminemment préoccupante de l’autorité du juge et, au-delà, de l’État de droit », peut-on lire. L’autorité indépendante cite comme exemple « l’instrumentalisation du Conseil constitutionnel à qui il a été demandé de sanctionner des dispositions législatives malgré leur inconstitutionnalité manifeste » dans le cadre de la loi sur l’immigration. « Notre système démocratique n’est pas basé que sur les élections, il est fondé sur un équilibre des pouvoirs, sur le fait que les pouvoirs publics sont soumis au droit », insiste Claire Hédon.

    Dans son rapport, la Défenseure des droits déplore également « l’inexécution de plus en plus importante des décisions de justice, y compris adoptées par les plus hautes juridictions », que ce soit le Conseil d’État ou la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Observée depuis des années, « la non-exécution massive des décisions de justice en matière de droit au logement opposable (Dalo) ou d’accès des étrangers aux préfectures » est quant à elle « dans certaines régions, une constante », dénonce-t-elle. Les restrictions des libertés d’expression, de manifestation et d’association se sont poursuivies, selon le rapport. Au total, l’institution dit avoir été saisie « de près de 170 réclamations mettant en cause la déontologie des forces de sécurité dans le maintien de l’ordre » à l’occasion des manifestations contre la réforme des retraites. Ces saisines répétées « peuvent dissuader des personnes d’aller manifester et restreignent ainsi la possibilité d’utiliser la manifestation comme vecteur de contestation des décisions publiques », s’alarme-t-elle. Autres sources d’inquiétudes, les mesures de restriction observées en 2023 et qui ont empêché « certaines personnes en situation de précarité d’accéder à leurs droits ». L’autorité indépendante cite notamment en exemple l’arrêté préfectoral pris en octobre 2023 et interdisant dans un secteur parisien pendant un mois toute distribution alimentaire. Les personnes précaires doivent également composer avec des « discriminations persistantes », notamment dans le domaine de l’accès aux soins. « Il existe encore aujourd’hui des refus de soins discriminatoires opposés à des personnes qui bénéficient de la complémentaire santé solidaire », relève le rapport.

    Thailande : nouvelle avancée vers la légalisation du mariage homosexuel

    Step by step. La Thaïlande a franchi (27 mars) une étape cruciale vers la légalisation du mariage homosexuel, une première en Asie du Sud-Est, après que les députés-es ont donné leur feu vert à une large majorité. Le texte marque une avancée importante, mais doit encore passer devant le Sénat, avant sa promulgation définitive par le roi Maha Vajiralongkorn. La procédure pourrait prendre encore plusieurs semaines, voire des mois, indique l’AFP. « Aujourd’hui, la société nous a prouvé qu’elle faisait attention aux droits LGBT+ », a réagi auprès de l’AFP le député de l’opposition Tunyawaj Kamolwongwat, membre du parti progressiste Move Forward. « Maintenant, nous allons enfin avoir les mêmes droits que les autres », a-t-il insisté. Le royaume pourrait devenir le premier pays d’Asie du Sud-Est à reconnaître l’union entre deux personnes du même sexe, et le troisième en Asie après Taïwan et le Népal. La communauté LGBT+ est très visible dans le pays réputé pour ses valeurs de tolérance, mais des lois jugées conservatrices continuent d’alimenter les discriminations vis-à-vis des couples homosexuels ou des personnes transgenres. Après des décennies de lutte par les activistes, le projet de mariage pour tous suscite aujourd’hui une large adhésion des principaux mouvements politiques, aussi bien auprès du Premier ministre, Srettha Thavisin, que de Move Forward, qui défend une refonte en profondeur des institutions. La proposition adoptée par les députés-es vise à modifier les références aux « hommes », aux « femmes », aux « maris » et aux « épouses » dans la loi sur le mariage pour les remplacer par des termes non genrés. La nouvelle législation doit conférer aux couples de même sexe des droits en matière d’adoption et d’héritage. Intronisé en 2023, le Premier ministre, Srettha Thavisin, a maintenu sa promesse de campagne de légaliser le mariage pour tous, malgré la présence de partis pro-armée conservateurs au sein de l’actuelle coalition gouvernementale. Si la Thaïlande s’apprête à autoriser l’union entre personnes du même sexe, la loi n’accorde pas de reconnaissance aux personnes transgenres ou non-binaires qui veulent faire modifier leur genre sur leurs papiers d’identité, rappelle l’AFP.

    La Russie ajoute le "mouvement international LGBT" à sa liste des "terroristes extrémistes"

    Homophobie. La Russie a placé le « mouvement international LGBT » sur sa liste des personnes déclarées « terroristes et extrémistes », selon une notice du service russe des renseignements financiers consultée, vendredi 22 mars, par l’AFP. Le « mouvement international LGBT » avait déjà été banni par la Cour suprême russe en novembre 2023, même si aucune organisation ne portant ce nom n’existe en Russie, note l’agence de presse. Cette formulation, délibérément floue, avait ouvert la voie à de lourdes peines de prison. Vladimir Poutine, reconduit à la tête de son pays pour six ans, promeut de longue date « la famille » et la religion face à un Occident décrit comme « décadent », voire « sataniste ». Et depuis la guerre contre l’Ukraine, déclenchée fin février 2022, les autorités russes répriment parallèlement de plus en plus fortement les minorités sexuelles. Mercredi 20 mars, les autorités ont annoncé avoir placé en détention provisoire les gérants d’un bar dans l’Oural, qui risquent jusqu’à dix ans de prison pour « extrémisme » LGBT+. Selon l’accusation, « au cours de l’enquête, il a été établi que les accusés, des personnes ayant une orientation sexuelle non traditionnelle, (...) soutiennent également les opinions et les activités de l’association publique internationale LGBT interdite dans notre pays ». Il s’agit de la première affaire pénale pour ce motif, mais plusieurs Russes ont été condamnés ces dernières semaines à des amendes pour avoir par exemple mis en ligne des photos comportant des drapeaux arc-en-ciel ou encore, dans le cas de deux femmes, d’avoir diffusé en ligne une vidéo de leur baiser. Depuis 2013, une loi en Russie interdit la « propagande » de « relations sexuelles non traditionnelles » à l’adresse des personnes mineures. Cette législation a été considérablement élargie, fin 2022, pour interdire désormais toute forme de « propagande » LGBT+ dans les médias, sur Internet, dans les livres et dans les films. En juillet 2023, les députés-es russes avaient également voté une loi interdisant notamment aux personnes transgenres les opérations chirurgicales et les thérapies hormonales.

    Droits LGBT+ : le Japon bloque encore

    Au Japon, un tribunal a statué (mi-mars) que l’interdiction du mariage entre personnes du même sexe était une « situation inconstitutionnelle » et une violation de leur « droit fondamental de fonder une famille », expliquent plusieurs agences de presse. Ce jugement marque la fin d'un premier cycle d’une bataille juridique lancée en 2019 pour la reconnaissance du mariage pour tous-tes au Japon. Comme le rapporte le site Euronews, en cinq ans, cinq décisions de justice ont donné raison aux militants-es en faveur des droits LGBT+. Parmi les décisions les plus récentes, on notera celle du tribunal de district de Tokyo (14 mars) qui a statué que le cadre juridique en vigueur, qui ne reconnaît pas le mariage entre personnes de même sexe, ne peut raisonnablement se justifier au regard de la dignité individuelle et de l’égalité fondamentale entre les sexes, et doit être considéré comme une violation de l’article 24-2 de la Constitution. La seconde est l’arrêt de la Haute cour de Sapporo qui a statué (14 mars), que les dispositions du Code pénal et de la Loi sur le registre de famille qui ne reconnaissent pas le mariage entre personnes de même sexe sont inconstitutionnelles, car elles violent l’article 24-1 et 2, et l’article 14-1 de la Constitution.

    Ces dernières années, le soutien au mariage pour tous-tes a considérablement augmenté dans le pays, mais la classe politique, dont le Parti libéral-démocrate actuellement au pouvoir, reste, lui, très opposé à toute révision de la loi. « Le gouvernement japonais doit maintenant prendre les devants et cheminer vers la légalisation du mariage homosexuel afin que les couples puissent jouir pleinement des mêmes droits en termes de mariage que leurs homologues hétérosexuels », a commenté Boram Jang, chercheuse sur l’Asie de l’Est à Amnesty International, dans un communiqué de l’ONG. Et d’expliquer : « La loi adoptée par le gouvernement l’an dernier visant à promouvoir la compréhension à l’égard des personnes LGBTI n’est pas suffisante. Il faut mettre en place des mesures concrètes et juridiques afin de protéger les couples homosexuels et la communauté LGBTI au Japon contre toutes les formes de discrimination ».

    Emmanuel Macron dénonce les "fausses informations" concernant sa femme

    La réaction présidentielle est inédite. Emmanuel Macron a dénoncé vendredi 8 mars « les fausses informations et les scénarios montés », évoquant les rumeurs sur les réseaux sociaux prétendant que son épouse serait une femme transgenre. « La pire des choses, ce sont les fausses informations et les scénarios montés, avec des gens qui finissent par y croire et qui vous bousculent, y compris dans votre intimité », a ainsi commenté le président de la République, interrogé par des journalistes sur le sujet à l’issue de la cérémonie scellant l’IVG dans la Constitution, indique l’AFP. Depuis 2017 et l’élection d’Emmanuel Macron, des théories conspirationnistes essaiment régulièrement sur les réseaux sociaux clamant que Brigitte Macron, née Trogneux, serait en réalité une femme transgenre dont le prénom de naissance serait Jean-Michel. Un vaste complot serait à l’œuvre pour masquer ce changement d’état civil, prétend cette cette rumeur transphobe qui s’est également déclinée en accusations, plus graves, de pédocriminalité portées contre la Première dame. « Contre ce machisme, il faut utiliser le droit, la justice » a avancé Emmanuel Macron, appelant à un renforcement de « l’ordre public numérique » sur les réseaux sociaux. Deux femmes seront d’ailleurs jugées le 6 mars 2025 au pénal en diffamation à Paris pour avoir diffusé des rumeurs transphobes sur l’épouse du chef de l’État. L’ex-Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern et l’ex-Première dame américaine Michelle Obama ont elles aussi été ciblées dans le passé (2017 et 2018) par des rumeurs prétendant qu’elles étaient nées assignées homme.

    Protéger les femmes et les personnes LGBTQI, un appel à l'Union européenne

    Sursaut. L’association Choisir la cause des femmes, des responsables d’organisations féministes européennes ainsi que la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, ont récemment appelé les dirigeants-es de l’Union européenne, dans une tribune au Monde, à adopter seize mesures pour harmoniser les droits des femmes au sein de l’UE et protéger aussi les « les personnes LGBTQI ». Les personnalités signataires (dont Ailbhe Smyth (Irlande) ; Daniela Draghici (Roumanie) ; Derya Beyatli (Chypre) ; Krystyna Kacpura (Pologne) ; Rota Lace (Lettonie) ; Sarah Schlitz (Belgique) ; Silvia Yuri Casalino (Italie) ; Sophie Binet (France) ; Tonja Jerele (Slovénie) ; Violaine Lucas (France), etc.) défendent l’idée d’un « corpus législatif favorable à l’émancipation des citoyennes européennes et migrantes dans l’UE ». Ce « bouquet législatif » comprend les lois les plus avancées en faveur des droits des femmes et des personnes LGBTQI de façon intersectionnelle. Les signataires expliquent en effet que « les discriminations liées au sexe ou au genre sont (…) aggravées lorsque les personnes discriminées le sont aussi en raison de leur situation sociale, de leur origine ethnique, de leurs croyances, de leur handicap, de leur orientation sexuelle, etc. « Nous sommes convenus que, compte tenu des menaces extraordinaires qui pèsent sur la paix et les droits humains, sociaux et économiques, l’UE devrait prendre des décisions politiques fortes pour protéger les femmes et les personnes LGBTQI », explique le texte. Et celui-ci d’affirmer : « Face à toutes ces catastrophes apparemment inévitables [les crises démocratiques liées à la montée en puissance des groupes antiféministes, anti-genre, anti-migrants, anti-Union européenne et de l’extrême droite ; la montée sans complexe de l’ultralibéralisme, etc., ndlr], l’Europe a un rôle de premier plan à jouer dans la défense des droits des femmes et des personnes LGBTQI. Si l’UE ne veut pas disparaître ou être dominée par ses principaux opposants qui se préparent à prendre le pouvoir au Parlement européen, elle doit agir. Cette action doit être menée par ses partis les plus progressistes, en accord avec les valeurs fondamentales de l’UE, en particulier la démocratie, la dignité et les droits de l’homme, les droits sociaux et l’égalité ».