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    L’actu vue par REMAIDES : "VHC, VIH : des nouvelles tout azimut"

    • Actualité
    • 19.01.2024

    prison

    Par Jean-François Laforgerie et Fred Lebreton 

    VIH, VHC : des nouvelles tout azimut

    L’accès aux traitements anti-VHC en prisons, une étude sur l’alcool et le traitement du VHC par AAD, une hausse des cas de VIH à Madagascar, les propositions du TRT-5 CHV pour améliorer le recueil et le traitement des données épidémio, la mobilisation des sociétés savantes sur le I = I, le lien entre VIH et prise de poids, l’effet sur les reins de la Prep à la demande, un nouveau traitement à longue durée d’action contre le VIH + le VHB, etc. Ces dernières semaines, l’actualité sur le VIH et les hépatites virales n’a pas manqué. La rédaction de Remaides fait le point.

    Atelier Actions Traitements : Que savons-nous sur les douleurs? Comment les diminuer?

    Cet atelier est proposé par Actions Traitements, mercredi 24 janvier de 18h à 20h. Au cours de l'atelier, les deux intervenants-es vont, à partir des expériences des participants-es, travailler ensemble sur comment définir la-les douleur-s. Cela permettra d'aborder, en lien avec les données de la recherche, les différents moyens permettant de les faire diminuer, surtout lorsqu'elles existent en permanence depuis des mois… Cet atelier sera animé par la Dre Collin, médecin de la douleur et médecin ETP à Actions Traitements et un patient intervenant.

    📍Où ? Actions Traitements. 23, rue Duris. 75020 Paris. Métro 2 ou 3 Père Lachaise.

    Belgique : la prise en charge du VHC en prison doit être améliorée

    Critique. Après plus de deux ans de consultations spécialisées en hépatologie dans les prisons bruxelloises, le Réseau Hépatite C-Bruxelles a décidé d’interrompre ses activités. Ces consultations concernaient des personnes en détention vivant avec le VHC. Pourquoi cet arrêt ? On en trouve l’explication dans un communiqué de la Ligue des droits humains en Belgique. L’ONG y explique que si les consultations se déroulaient bien, dans les faits, « l’administration pénitentiaire [belge, ndlr] ne permettait (…) qu’aux seules personnes détenues condamnées d’avoir accès à ces soins, laissant sur le carreau les personnes en détention préventive ». Le Réseau Hépatite C-Bruxelles estimait qu’il s’agissait d’une « décision discriminatoire » qu’il refusait de cautionner. Dans son texte, l’ONG estime que cette « situation illustre les graves carences en matière de respect du droit à la santé dans les prisons en Belgique ». L’ONG est d’autant plus critique qu’elle considère que le Réseau a mis en œuvre des moyens techniques conséquents pour assurer une prise en charge optimale des personnes concernées « Avec son cargo électrique, l’équipe achemine jusque dans la prison un matériel de pointe pour évaluer la maladie hépatique et traiter par un antiviral les personnes détenues concernées par cette infection ». La Ligue rappelle aussi que cette action est une « nécessité, une question de santé publique et une opportunité » puisque « l’on estime que la population carcérale est environ sept fois plus touchée par [le VHC] que la population générale ». Et la Ligue d’expliquer : « Si les personnes détenues sont des groupes à risques, c’est en raison de leur vulnérabilité, mais aussi du milieu particulièrement à risque pour la transmission que constitue la prison, étant donné ses mauvaises conditions d’hygiène, le partage de matériel entre détenus-es et l’usage répandu de stupéfiants entre ses murs ».

    Pour le Réseau Hépatite C-Bruxelles et la Ligue des droits humains qui le soutient, il est incompréhensible que l’accès aux traitements soit réservé aux seules personnes condamnées alors que le passage en prison (même lorsqu’il s’agit d’attendre un jugement) peut être une occasion de reprendre contact avec le milieu du soin et de démarrer un traitement dont l’efficacité est forte et la durée courte. Dans son communiqué, la Ligue explique que plus d’un tiers de la population carcérale est en attente d’un jugement. De plus, cette différence de traitement entre détenus-es serait « non seulement illégale, tant au regard de la loi de principes du 12 janvier 2005 qui encadre les soins de santé des personnes détenues que de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, mais elle est également contreproductive : selon l’OMS, seule une approche globale, structurelle et coordonnée permettra d’atteindre les objectifs fixés en termes d’éradication de la maladie pour 2030 ». « La direction des soins de santé pénitentiaire justifie en interne cette exclusion par des raisons budgétaires (…). Il est vrai que les traitements antiviraux coûtent chers, mais cela ne peut constituer un obstacle au traitement systématique des personnes détenues, quel que soit leur statut », souligne la Ligue.

    Une étude sur l'alcool et traitement du VHC

    Longtemps (il est probable que ce soit encore le cas dans certains endroits), il a semblé impossible de démarrer un traitement anti-VHC (y compris par antiviraux à action directe) chez des personnes consommatrices d’alcool… comme si le sevrage d’une consommation excessive d’alcool était le préalable au démarrage d’un traitement par AAD et de son succès. Le site d’infos Catie a récemment publié un article qui donne les infos clefs d’une « étude d’envergure », conduite aux États-Unis sur le sujet. Elle a évalué la consommation d’alcool chez plus de 69 000 personnes traitées pour l’hépatite C et la réussite d’un traitement anti-VHC. Depuis 2014, une nouvelle classe de médicaments contre le VHC a vu le jour : les antiviraux à action directe ou AAD. Ces traitements sont aujourd’hui utilisés en association sous forme de comprimés uniques. Ils sont plutôt bien tolérés et permettent d’atteindre des taux de guérison de l’infection de 95 % (en huit à douze semaines). Différentes études américaines font état des hésitations, voire des refus de certains hôpitaux et cliniques à traiter des personnes vivant avec le VHC chronique et se « trouvant aux prises avec un trouble de l’usage d’alcool ». Comme l’explique Catie, une équipe américaine a analysé les données concernant plus de 69 000 personnes vivant avec une hépatite C (VHC) chronique auxquelles un traitement par AAD avait été prescrit entre 2014 et 2018. « Selon cette équipe, 47 % des personnes n’ont pas bu d’alcool durant leur traitement (….) ; 19,4 % ont fait preuve d’une « consommation à faible risque » ; 4,5 % ont fait preuve d’une « consommation à risque modéré » ; 16,2 % ont fait preuve d’une « consommation à risque élevé ou avaient un trouble de l’usage d’alcool » ». L’équipe de recherche n’a pas constaté de différences entre les taux de guérison de l’hépatite C selon le niveau de consommation d’alcool. Par conséquent, l’équipe a affirmé que « le fait de restreindre l’accès au traitement par AAD en fonction de la consommation d’alcool crée un obstacle non nécessaire pour les patients-es et rend difficile l’atteinte des objectifs d’élimination du VHC ».

    ➡️​ Cartwright EJ, Pierret C, Minassian C et al. Alcohol use and sustained virologic response to hepatitis C virus direct-acting antiviral therapy. JAMA Network Open. 2023 Sep 5;6(9):e2335715. 

    Madagascar : inquiétude face à une hausse des cas de VIH

    À Madagascar, le VIH progresse, même si, à ce jour, la prévalence reste faible : le taux de personnes vivant avec le VIH est inférieur à 0,5 % de la population. Mais le nombre de Malgaches séropositifs-ves a triplé sur l’île au cours de la dernière décennie et le taux de mortalité a été multiplié par 5, durant cette même période, constate RFI (10 janvier). L’Onusida estime à presque 70 000 le nombre de PVVIH dans le pays. Un chiffre en constante augmentation, explique le docteur Haja Randriantsara, secrétaire exécutif du Comité national contre les IST-Sida, cité par RFI. « Sur l’année 2023, on a constaté une augmentation de nouveaux cas de VIH surtout chez les jeunes, et également les populations clés, telles que les professionnels du sexe, les hommes ayant des rapports avec des hommes, les utilisateurs de drogues injectables, et aussi les femmes enceintes. C’est vraiment alarmant puisque c’est une bombe à retardement pour notre pays. Le problème qu’on a, c'est qu’une grande partie de la population pense que le sida n’existe pas à Madagascar. Ça, c'est dû au fait qu’en 2016, on a arrêté la sensibilisation et la prévention au niveau des médias grand public », explique l’expert. Selon une modélisation, le « pic de l’épidémie pourrait être atteint en 2033 », avec une prévalence variant « entre 9 % et 24 %, si aucune action significative n’est prise ». Les pouvoirs publics ont d’ores et déjà rédigé un nouveau plan stratégique de riposte pour les cinq ans à venir, explique RFI.

    VIH, VHC : La FDA autorise la Floride à se fournir en traitements au Canada

    L'autorité américaine des médicaments et de l'alimentation (FDA), l’organisme qui règlemente la santé aux États-Unis vient d’autoriser l’État de la Floride à importer des médicaments du Canada car ils coûtent moins cher dans ce pays, indique RFI (8 janvier). « Grâce au plafonnement des prix, les ordonnances reviennent deux à trois fois moins chères au nord de la frontière. Ces mesures inquiètent les Canadiens car cela pourrait accentuer le phénomène des ruptures de stocks. Pour l’instant, les médicaments concernés par une possible importation depuis le Canada vers la Floride traitent des maladies comme le VIH, le diabète ou encore l’hépatite C. Contrairement aux Américains, les Canadiens bénéficient d’un système de plafonnement des prix sur ce type de produit », indique RFI. Selon les prévisions, les consommateurs-rices américains-es pourraient économiser environ 150 millions de dollars chaque année avec ce système qui pourrait s’étendre ensuite à d’autres États. Cette mesure inquiète au Canada où le marché est trop petit pour approvisionner son voisin. Du côté des pharmaciens-nes canadiens-nes, on craint de voir s’aggraver les pénuries qui touchent régulièrement 10 à 15 % des médicaments.

    Données épidémio : le TRT-5 CHV propose des améliorations

    Cela fait désormais des années que les associations de lutte contre le sida, les hépatites virales et les IST s’alarment de la qualité des données de surveillance concernant ces maladies. C’est particulièrement vrai du TRT-5 CHV, collectif sur les enjeux thérapeutiques et la recherche, dont AIDES est membre, qui s’est exprimé à plusieurs reprises sur la question. Le TRT-5 CHV y a d’ailleurs consacré sa dernière Journée scientifique (Données de recherche, recherche de données, 27 septembre 2023). Le collectif a publié, fin septembre, ses « Recommandations pour l’amélioration des données de surveillance et de recherche en matière de VIH, d’hépatites virales et d’IST ». Ce « document de position » (c’est grosso modo la doctrine du collectif sur cette question) rappelle « l’intérêt fondamental des données de surveillance » et plus largement des données de recherche en matière de VIH, d’hépatites virales et d’IST pour la « conception des stratégies de lutte contre les épidémies » et « l’élaboration de politiques publiques cohérentes ». Le collectif se montre critique quant à la qualité des « données issues de la surveillance épidémiologique ». Alors que ces données sont « essentielles pour la compréhension des dynamiques du VIH, des hépatites virales et des IST », cette « surveillance fait l’objet d’un désinvestissement apparent depuis plusieurs années », souligne le TRT-5 CHV. Et d’asséner : « L’amenuisement des données exploitables à des fins de surveillance épidémiologique atteint aujourd’hui un stade critique ». Le « document de position » comporte un ensemble de onze préconisations pour guider les réformes dont la surveillance épidémiologique fait l’objet. Il s’agit, entre autres, d’améliorer l’organisation du système de déclaration obligatoire, de disposer de données en fonction des besoins particuliers des territoires pour cibler et opérationnaliser les politiques de prévention ou encore d’’intégrer les données produites par les associations en tant qu’actrices de la surveillance et de la recherche publique, etc.

    VIH et prise de poids : marcher... ça marche!

    Augmenter l'activité physique peut aider les personnes âgées vivant avec le VIH à réduire leur tour de taille, en plus d'offrir d'autres avantages pour la santé globale, selon les résultats d'une étude publiée dans la revue scientifique AIDS, rapporte le site américain Poz. La recherche clinique continue de produire des résultats contradictoires concernant les prises de poids liés aux antirétroviraux. De nombreuses études ont constaté que les personnes qui commencent un nouveau traitement ou passent à un nouveau traitement peuvent prendre du poids, en particulier si celui-ci inclut des anti-intégrases. Une prise de poids peut également être attribuable à un retour à la « normale » après le début du traitement VIH ou à des changements normaux liés à l'âge. En effet, il n’est pas rare de perdre du poids lors de la phase de primo infection du VIH, quand le virus se réplique rapidement et que les défenses immunitaires sont attaquées de toutes parts.
    Comment faire pour limiter une prise de poids qui peut avoir des effets néfastes sur sa santé globale ? Allison Webel, docteure en sciences infirmières à la School of Nursing de l'Université de Washington, à Seattle, et ses collègues ont examiné l'association entre l'activité physique mesurée objectivement et l’accumulation de graisse abdominale chez les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) bien contrôlées (sous traitement et avec une charge virale indétectable). L'essai PROSPER-HIV est une étude observationnelle sur l'impact de l'activité physique et de l'alimentation sur les résultats à long terme chez les PVVIH. Cette analyse incluait 416 personnes sous traitement antirétroviral. La majorité (77 %) était des hommes. Un peu plus de la moitié étaient d'origine afro-américaine, et l'âge moyen était de 58 ans. Toutes les personnes avaient une charge virale indétectable, et 78 % prenaient des anti-intégrases. Au début de l'étude, l'indice de masse corporelle (IMC) moyen était de 28,1, se situant au milieu de la plage de surpoids, et 88 % présentaient une accumulation de graisse abdominale excessive, indiquée par un tour de taille important.

    Les participants-es à l'étude ont utilisé un accéléromètre (capteur des mouvements linéaires) porté à la hanche pendant sept à dix jours pour enregistrer leur activité physique, et leur tour de taille et de hanche ont été mesurés. Pendant cette période, ils-elles ont réalisé en moyenne 4 905 pas par jour, avec une fourchette de 3 233 à 7 140 pas. Ils-elles étaient sédentaires, c'est-à-dire inactifs-ves, pendant 5,4 heures par jour en moyenne. Plus de la moitié (55 %) ont atteint l'objectif de condition physique fixé par le gouvernement fédéral américain, soit au moins 150 minutes d'activité physique d'intensité modérée ou 75 minutes d'exercice vigoureux par semaine. Après ajustement pour l'âge, le genre, le statut professionnel et l'utilisation d'anti-intégrases, le nombre de pas effectués par jour était associé à une réduction de la graisse abdominale. Le tour de taille était d'environ un centimètre de moins pour chaque 1 000 pas supplémentaires par jour. En revanche, une plus grande quantité de temps sédentaire quotidien était associée à un tour de taille plus grand. « Une activité physique plus importante est associée à une réduction de l'adiposité abdominale chez les personnes vieillissantes vivant avec le VIH », ont conclu les auteurs-rices de l'étude. « Les travaux futurs devraient étudier comment adapter la quantité, le type et l'intensité de l'activité physique nécessaires pour réduire l'adiposité chez les personnes vivant avec le VIH prenant des traitements VIH ».

    I = I : les sociétés savantes se mobilisent

    Fait rare en France, trois sociétés scientifiques se sont rassemblées pour faire passer le message « Zéro risque de transmission du VIH sous traitement antirétroviral efficace ». Dans un communiqué commun, publié le 23 décembre, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), le Groupe de recherches sur les infections pendant la grossesse (GRIG) et la Société française de lutte contre le sida (SFLS) se mobilisent pour diffuser le message : I = I (Indétectable = Intransmissible) auprès des patientes, des médecins et sages-femmes et de tous les soignants et soignantes : « Nous nous engageons à veiller à ce que les femmes séropositives ne vivent pas de discrimination dans les services hospitaliers et les cabinets de gynécologie et obstétrique. La preuve est établie que le VIH n’est pas transmissible quand la charge virale est contrôlée ou indétectable. Les personnes vivant avec le VIH sous traitement efficace ne transmettent plus le VIH à leurs partenaires sexuels. Elles ne transmettent plus non plus le VIH à leur enfant lors de la grossesse et de l’accouchement lorsque leur charge virale est indétectable tout au long de la grossesse », soulignent les sociétés savantes dans un communiqué clair.

    « En France, toutes les personnes vivant avec le VIH se voient proposer un traitement antirétroviral. L’enjeu est donc de dépister les personnes qui s’ignorent séropositives, dépistage qui peut être proposé à l’occasion de toute consultation de gynécologie. Lors d’une grossesse ou d’un projet de grossesse, le dépistage du VIH doit être proposé d’emblée aux deux parents », exhortent le CNGOF, le GRIG et la SFLS. « En effet, le dépistage prénatal du VIH fonctionne bien pour les femmes, mais le statut VIH du futur père reste souvent inconnu. En cas d’infection méconnue chez le partenaire, la femme sera à risque d’acquérir le VIH pendant la grossesse, et ainsi de le transmettre à l’enfant ».

    Par ailleurs, les trois sociétés savantes insistent pour une prise en charge médicale égalitaire chez toutes les femmes peu importe leur statut sérologique : « Les femmes vivant avec le VIH doivent avoir accès à tous les soins concernant l’infertilité et la contraception. Il n’y a jamais de contre-indication au dispositif intra-utérin ou à l’implant en raison du statut de séropositivité chez une femme, quel que soit son traitement. Les conditions de réalisation d’une interruption de grossesse médicamenteuse ou chirurgicale chez une patiente vivant avec le VIH sont identiques à celles de la population générale. Il en est de même pour la surveillance post-interventionnelle ». Et le CNGOF, le GRIG et la SFLS de conclure : « Faire connaître largement le message « Indétectable = Intransmissible » qui signifie qu’aucune transmission du VIH ne survient sous traitement efficace est important pour réduire les nouvelles infections par le VIH et aussi pour réduire la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH ».

    Prep à la demande : moins d'effets sur les reins?

    Dans un article publié sur le site scientifique The Body Pro, on apprend que d’après une étude récente menée à Paris, la Prep à la demande pourrait limiter les problèmes potentiels sur le rein par rapport à la Prep orale quotidienne, en particulier chez les hommes plus âgés. L'étude a également constaté que les personnes qui ont développé des situations rénales complexes sous Prep prenaient souvent un complément protéiné. L’étude en question a été publiée le 16 novembre 2023 dans la revue scientifique JAIDS (Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes). L'auteur principal est le Dr Geoffroy Liegeon, infectiologue à Paris et chercheur au Département des maladies infectieuses et de la santé mondiale à l'Université de Chicago (Illinois) et au Département des maladies infectieuses de l’Hôpital Saint Louis et Lariboisière (AP-HP, Paris).

    Les recommandations actuelles déconseillent l'utilisation de la Prep à base de TDF (ténofovir disoproxil fumarate ou Truvada) chez les personnes ayant un débit de filtration glomérulaire (DFG) estimé < 60 mL/min/1,73m². Le DFG est le volume de liquide filtré par le rein par unité de temps. C'est une valeur qui permet de quantifier l'activité du rein. Cette étude rétrospective a évalué les problèmes rénaux chez 3 114 personnes sous Prep à base de Truvada suivies dans un centre hospitalier parisien de 2012 à 2019. Presque tous-tes les participants-es étaient des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. L'âge moyen était de 35 ans, avec 11 % des participants-es âgés-es de plus 50 ans. Au départ, 65 % des participants-es utilisaient la Prep à la demande, ce taux restant similaire à la marque d'un an de l'étude (64 %), même si les participants-es n'étaient pas tenus-es de rester sur un seul mode de prise de la Prep. Neuf participants-es présentaient une « situation rénale complexe » (occurrence de deux mesures consécutives de DFG < 60 mL/min/1,73m²) à l’initiation de la Prep, dont cinq déclaraient utiliser des compléments alimentaires à base de protéines pour l'entraînement musculaire. Chez sept des neuf participants-es, la fonction rénale est revenue à la normale dans un délai médian de 9,6 mois, tout en prenant la Prep à la demande, et un participant a continué la Prep à la demande avec un DFG < 60 mL/min/1,73m².

    Au cours de l'étude, le débit de filtration glomérulaire (DFG) est passé en dessous de 60 mL/min/1,73m² chez 19 participants-es, et une situation rénale complexe a été confirmée chez 13 d'entre eux-elles. Parmi ces 13 participants-es, des caractéristiques notables incluaient quatre personnes déclarant utiliser des compléments alimentaires à base de protéines et sept personnes prenant la Prep quotidienne. Trois participants-es ont été perdus-es de vue, et parmi les dix participants-es restants-es, sept ont opté pour la Prep à la demande. Après un suivi moyen de 16,6 mois, aucun-e des participants-e prenant la Prep à la demande n'a présenté de rechute de leur fonction rénale, tandis qu'un-e participant-e a connu une rechute à cinq mois, mais n'a pas cessé la Prep quotidienne. Dans l'ensemble, les facteurs de risques de situations rénales complexes étaient l'âge (plus de 50 ans) et un DFG initial < 90 mL/min/1,73m².

    Ces résultats suggèrent que les problèmes rénaux pourraient être moins fréquents avec la Prep à la demande par rapport à la Prep en continue à base de Truvada au fil du temps. Des recherches supplémentaires sont nécessaires, en particulier étant donné que des alternatives telles que la Prep sous TAF (Descovy) ou par cabotégravir (Apretude) à action prolongée ne sont pas disponibles partout. Les évaluations de la fonction rénale devraient également tenir compte de l'impact des compléments alimentaires à base de protéines sur les mesures du DFG.

    HPV : premiers résultats de la campagne vaccinale 2023

    Les pouvoirs publics ont lancé l’année dernière une vaste campagne de vaccination contre le HPV (papillomavirus) en direction des jeunes filles et jeunes garçons. Au 26 décembre, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) n’avait pas identifié de signal de sécurité. Concernant les objectifs de la campagne, les résultats sont en deçà de ce qui était attendu. Plusieurs freins peuvent être supposés, mais cela demandera certainement une analyse plus poussée : motivations variables d’établissements, un cas de chute post vaccination (malaise) très médiatisé, effets post-covid et activisme antivax, etc. ? En 2022, la couverture vaccinale n’était que de 41,5 % chez les filles et de 8,5 % chez les garçons un taux bien en dessous de l’objectif des 80 % à l'horizon 2030 fixé dans la stratégie décennale de lutte contre les cancers ou la Stratégie nationale de santé sexuelle (SNSS). Le gouvernement comptait sur cette nouvelle campagne pour « booster » ces chiffres, avec un objectif d’au moins 30 % des élèves de 5e vaccinés-es cette année, mais la campagne n’a pas encore pris l’ampleur souhaitée avec seulement environ 3 % des collégiens-nes ciblés-es vaccinés-es début décembre. « C’est encore un peu tôt pour dire que c’est un échec, mais s’il n’y a pas une reprise en main rapide et efficace, on se dirigera tout droit vers l’échec de cette campagne en France, contrairement à nos voisins européens », s’est alarmé le Dr Manuel Rodrigues (Institut Curie, Paris) auprès de Medscape, mi-décembre. Les effets indésirables déclarés étaient de 15 à la date du 30 novembre, puis 19 ensuite, dont onze graves (majoritairement à type de malaise ou de réaction allergique). Les personnes avec effet grave étaient en voie de rétablissement. L’ANSM a recommandé des mesures de prévention des chutes/blessures post-vaccination. Face à ces effets somme toute mesurés au regard des dizaines de milliers d’injections, il faut rappeler que les HPV sont responsables chaque année de 6 400 nouveaux cancers, 30 000 lésions pré-cancéreuses du col, et que la vaccination permet de prévenir 90 % des infections.

    Atelier Un nouveau traitement à longue durée d'action contre le VIH + le VHB?

    Une étude a montré l’efficacité en forme injectable une fois par mois de la trithérapie VIH la plus couramment prescrite au monde, le ténofovir disoproxil fumarate/lamivudine/dolutégravir, souvent connue sous le nom de TLD, rapporte le site américain Poz. En août 2023, le Fonds mondial a annoncé avoir pu obtenir cette combinaison à un prix de 45 dollars pour un an de traitement. Selon l'Initiative pour l'accès à la santé de la Fondation Clinton, 19 millions de personnes dans le monde prennent le TLD.

    L’étude en question a été publiée le 15 novembre 2023 dans la revue scientifique AIDS. La chercheuse Simone Perazzolo et ses collègues de l’Université de Washington à Seattle (États-Unis) ont utilisé une nouvelle technologie de nanoparticules combinant des médicaments, ce qui permet de combiner des agents hydrosolubles et insolubles, pour produire des antirétroviraux nécessitant une administration moins fréquente. Malgré les propriétés physiques et chimiques disparates des médicaments, les chercheurs-es ont réussi à stabiliser et à assembler le ténofovir, la lamivudine et le dolutégravir dans une formulation adaptée à une injection sous-cutanée, qu'ils ont appelée : TLD-in-DcNP.

    Contrairement à certains autres médicaments à action prolongée qui forment un « dépôt » libérant lentement les médicaments avec le temps, les agents TLD-in-DcNP sont rapidement et entièrement absorbés par le système lymphatique, sans rétention significative au site d'injection, selon les chercheurs-ses. Lorsqu'on a administré le TLD-in-DcNP à des singes dans une étude préliminaire, les niveaux de médicaments au-dessus des concentrations efficaces prévues ont été maintenus dans le plasma sanguin pendant quatre semaines après une seule injection. Les niveaux d'exposition aux médicaments étaient encore plus élevés dans les cellules que dans le plasma, suggérant une administration de combinaison de médicaments ciblée sur les cellules, selon les chercheurs-ses. Le ténofovir et la lamivudine sont également actifs contre le virus de l'hépatite B (VHB), rendant ce schéma thérapeutique adapté aux personnes coinfectées par le VIH et le VHB. Actuellement, il n'existe aucune option de traitement à action prolongée pour l'hépatite B. De plus, la formulation sous-cutanée, injectée sous la peau, pourrait permettre l'auto-administration, contrairement aux injections intramusculaires qui doivent être administrées par un-e professionnel-le de santé.

    « La transformation réussie du TLD-in-DcNP à action courte en une version à action prolongée pourrait offrir un traitement complet du VIH de première ligne, tout-en-un et à action prolongée », ont conclu les auteurs-rices de l'étude. « Avec des ajustements de dosage, cette nouvelle formulation novatrice regroupant les trois médicaments anti-VIH ouvre de nouvelles possibilités pour la thérapie du VIH à action prolongée, transformant potentiellement la vie des personnes vivant avec le VIH et le VIH/VHB ».