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    L’actu vue par REMAIDES : "VIH, IST : les sujets du moment"

    • Actualité
    • 26.01.2024

    Par Jean-François Laforgerie et Fred Lebreton 

    VIH, IST : les sujets du moment

    Passage de flambeau au 190 avec l’arrivée d’un nouveau directeur médical ; Utilisation du tecovirimat dans la prise en charge du Mpox chez les PVVIH ; Un traitement Prep en deux injections par an ? ; Une grande variabilité dans la détection de lésions précancéreuses anales dues au Papilloma virus humains… Les sujets importants sur le VIH et les IST et leur prise en charge n’ont pas manqué ces derniers jours. La rédaction de Remaides fait le point.

    Passage de flambeau au 190 : un nouveau directeur médical

    Dr Michel OhayonFondé en 2010, Le 190 est le premier centre de santé sexuelle LGBT+ ouvert en France. C’est un centre de santé privé, associatif, à but non lucratif. Situé à Paris, Le 190, c’est aujourd’hui une équipe de 23 personnes soignantes et non soignantes proposant en un même lieu une offre pluridisciplinaire. Fort d’une file active de plus de 4 200 usagers-ères avec un taux de nouveaux-lles patients-es de près de 50 % en 2022. C’est un lieu de référence en santé sexuelle communautaire. Grand changement en ce début d’année 2024, le Dr Thibaut Jedrzejewski succède au Dr Michel Ohayon à la direction médicale du 190. Médecin généraliste au 190 depuis 2018, passé par La Place Santé, le Cegidd du Figuier, puis le Csapa Gaïa, Thibaut est spécialiste des enjeux de santé des minorités sexuelles et de genre et particulièrement de la santé gay et du chemsex. Contacté par la rédaction de Remaides, Michel Ohayon nous explique les raisons de ce changement : « Cela faisait un moment que je voulais organiser un changement de direction à la tête du 190. Je suis extrêmement fier (et chanceux) d'avoir pu créer ce centre et d’avoir pu le faire vivre pendant 14 ans avec une équipe de rêve et particulièrement stable. Mais à bientôt 62 ans, je n'ignore pas que je suis aussi un « homme du passé » qui traîne avec lui son expérience du sida des années 80-90. Cette mémoire est indispensable, mais il faut que d'autres générations inventent de nouvelles choses pour que le combat finisse un jour par s'achever par la victoire », explique celui qui a fondé le 190 en 2010. « J'ai entièrement confiance en Thibaut Jedrzejewski, que j'ai connu et suivi alors qu'il était encore étudiant en médecine et qui chemine avec nous depuis les quasi débuts du 190, de loin, puis de plus en plus près », assure Michel Ohayon.

    📷​ : Dr Michel Ohayon

    Pas question pour autant de prendre sa retraite, le médecin reste actif et engagé dans la santé communautaire : « De mon côté, je vais passer un an à l'accompagner pour lui transmettre ce qui lui sera utile et l'aider à éviter quelques chausse-trappes. Je vais également consacrer de plus en plus de temps à mon métier, qui consiste à soigner des gens, tout simplement. Et ma mission, en tant qu' « ancien », va être de faire la synthèse de ce que nous avons construit, appris et, finalement, peu transmis ». De son côté, le Dr Thibaut Jedrzejewski ne cache pas sa fierté de prendre la succession de son mentor : « Je suis très heureux et fier de prendre la suite de Michel Ohayon sur la direction médicale du 190. Son travail et celui de l’équipe, qui va au-delà de la lutte contre le VIH, est pionnier dans le développement de la santé communautaire. Mon nouveau rôle sera, à la fois, de porter l’expertise et les projets innovants de l’équipe tout en continuant de travailler avec les personnes concernées et à partir de leurs besoins ». Et Michel Oyayon de conclure sur un projet qui lui tient à cœur : « J'espère, pour les 15 ans du 190, en 2025, pouvoir organiser un colloque sur la santé gay et, pourquoi pas, diffuser notre expérience sous d'autres formes qui restent à définir. Je reste donc un pilier du 190, mais différemment ». Longue vie au 190 et à son équipe.

    Mpox : utilisation précoce du tecovirimat recommandée pour les PVVIH?

    Les recommandations pour la prise en charge clinique de l'infection par le Mpox (Monkeypox ou variole du singe) incluent, dans les cas graves, d'utiliser le tecovirimat, un antiviral, tout en reconnaissant les preuves limitées. Les résultats d'une étude récente fournissent de nouvelles données soutenant l'utilisation précoce du tecovirimat dans les sept jours suivant l'apparition des symptômes du Mpox, rapporte le site médical I-BASE. L'étude a inclus des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) qui ont reçu un diagnostic de Mpox, entre juin et octobre 2022, dans quatre cliniques spécialisées en suivi VIH à Atlanta, en Géorgie. Les participants-es ont été divisés-es en deux groupes : les personnes qui ont reçu du tecovirimat dans les sept jours suivant les premiers symptômes du Mpox (65 personnes) et celles qui l'ont reçu plus tardivement ou pas du tout (197 personnes). Le délai moyen pour commencer le tecovirimat dans le groupe précoce était de quatre jours ; 20 personnes ont reçu du tecovirimat dans le groupe tardif à un délai moyen de 10 jours après le premier symptôme. Les caractéristiques socio-démographiques comprenaient un âge moyen de 45 ans, 96 % d'hommes cisgenres, 85 % d'ethnie noire. Environ 40 % de chaque groupe avaient une charge virale du VIH détectable à plus 200 copies/ml (rappelons que l’étude a lieu aux États-Unis ou l’accès aux ARV n’est pas aussi simple qu’en France). La progression de la maladie Mpox s'est produite chez trois personnes dans le groupe précoce contre 15 personnes dans le groupe tardif. Le délai moyen de progression des symptômes était également significativement plus long pour les personnes utilisant le tecovirimat tôt : une moyenne de 22 jours contre 4 jours dans l’autre groupe.

    Les auteurs-rices ont conclu que même si cette étude était de petite taille, ces résultats soutenaient l'utilisation précoce du tecovirimat chez toutes les personnes vivant avec le VIH dès que le Mpox est diagnostiqué. Bien que les effets indésirables n'aient pas été signalés, d'autres études plus importantes ont fait état d'une bonne tolérance. Cependant, un commentaire éditorial sur l'article scientifique suggérait qu'une approche plus prudente pourrait encore être justifiée avant de prescrire « universellement » le tecovirimat à toutes les personnes atteintes de Mpox, compte tenu des limitations des données observationnelles et de l'accès limité au tecovirimat.

    De son côté, le site I-BASE précise que les recommandations actuelles, y compris celles du CDC américain, pour l'accès au tecovirimat, sont fondées sur la gravité des cas de Mpox et sur les facteurs de risque qui augmentent le risque d'une forme grave. Il est important de donner la priorité à l'accès aux personnes vivant avec le VIH ayant un faible taux de CD4 (inférieur à 200 cellules/mm3) ou avec une charge virale détectable.

    Lors de la dernière conférence de la Croi, en février 2023, Chloe Orkin, une médecin britannique et professeure spécialisée dans le VIH à l'Université Queen Mary de Londres, avait présenté une étude sur les liens entre la mortalité liée au Mpox et le taux de CD4 chez des PVVIH co-infectées. Sur la base de cette étude, la Dre Orkin et ses collèges pensaient que la forme nécrosante sévère, avec maladie systémique liée au Mpox, était une condition définissant le stade sida causée par un pathogène opportuniste chez les personnes en stade avancé de l’infection à VIH. La Dre Okin plaidait pour que le Mpox soit ajouté à la classification des maladies opportunistes liées au VIH/sida. Précision importante : seules, 21 personnes en stade sida avaient fait le vaccin Mpox préventif, mais aucun décès n’a eu lieu chez ces personnes. Un plaidoyer imparable pour que les PVVIH à risque d'infection par le Mpox soient prioritaires dans l’accès aux vaccins préventifs. La vaccination Mpox sauve des vies !

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    Un traitement Prep en deux injections par an?

    Cinq essais cliniques sont en cours pour tester le lenacapavir en Prep administré par injection sous-cutanée une fois tous les six mois. Le lenacapavir (commercialisé par la firme pharmaceutique Gilead sous le nom de Sunlenca) est un nouvel inhibiteur de capside, soit une nouvelle cible du cycle viral du VIH. La molécule agit en bloquant l'enveloppe protéique du virus VIH-1 (la capside), interférant ainsi avec plusieurs étapes essentielles du cycle viral. Le lenacapavir a une longue demi-vie et une forte puissance antivirale. Cette molécule n’a pas de résistance croisée connue avec d’autres classes d'antirétroviraux disponibles et offre donc une nouvelle option de traitement, administrable tous les six mois, aux personnes vivant avec le VIH dont le virus n'est plus contrôlé efficacement par leur traitement. La dose initiale de lenacapavir est administrée sous forme de comprimés oraux et d'injections sous-cutanées (sous la peau), suivie d'injections d'entretien tous les six mois ; le lenacapavir est administré en association avec un ou plusieurs autres antirétroviraux. Le potentiel du lenacapavir en traitement VIH deux fois par an par voie injectable est pour l’instant limité. En effet, il n’existe pas actuellement de molécules « partenaires » tout aussi durables pour constituer un schéma complet de bithérapie injectable. Les personnes vivant avec le VIH qui font les injections de lenacapavir deux fois par an doivent donc continuer de prendre un comprimé quotidien d’un autre ARV.

    Cependant, le lenacapavir est étudié en monothérapie (une seule molécule) pour la Prep. Des études ont montré que cette molécule protégeait les singes exposés à un virus similaire au VIH, soit par voie rectale, soit par voie intraveineuse. La molécule est testée actuellement en monothérapie dans cinq essais cliniques Prep, comme le rappelle le site Poz dans un article.
    Les essais PURPOSE évaluent des injections de lenacapavir deux fois par en comparaison à la Prep orale quotidienne chez différents groupes de personnes exposées à un risque de contracter le VIH. Les études compareront le taux d'acquisition du VIH chez les personnes utilisant l'une ou l'autre forme de Prep par rapport au taux d'infection chez les personnes ne prenant pas de Prep :

    • PURPOSE 1 évalue la sécurité et l'efficacité du lenacapavir et du ténofovir alafénamide/emtricitabine (Descovy, une nouvelle forme du Truvada) chez les adolescentes cisgenres et les jeunes femmes âgées de 16 à 25 ans en Afrique du Sud et en Ouganda. La Prep avec Descovy n'est pas approuvée actuellement pour les personnes exposées au VIH par des rapports sexuels vaginaux. Cet essai de phase III est entièrement recruté, avec plus de 5 300 participantes. Les premiers résultats sont attendus à l’automne 2024.
    • PURPOSE 2 évalue la sécurité et l'efficacité du lenacapavir et du ténofovir disoproxil fumarate/emtricitabine (TDF/FTC, vendu sous le nom de Truvada ou ses équivalents génériques) chez les hommes cisgenres, les hommes transgenres, les femmes transgenres et les personnes non binaires ayant des rapports sexuels avec des hommes aux États-Unis, en Argentine, au Brésil, au Mexique, au Pérou, en Afrique du Sud et en Thaïlande. Cet essai de phase III a recruté plus de 3 000 participants-es. Les premiers résultats sont attendus au début de l'année 2025.
    • PURPOSE 3 étudie le lenacapavir et le TDF/FTC en tant que Prep pour les femmes cisgenres aux États-Unis, qui sont affectées de manière disproportionnée par le VIH, en mettant l'accent sur les femmes racisées (non blanches). Cet essai de phase II, visant à recruter 250 participantes, évaluera la pharmacocinétique du lenacapavir ainsi que la sécurité et l'acceptabilité du lenacapavir et du TDF/FTC. Il devrait se terminer en 2027.
    • PURPOSE 4 étudie le lenacapavir et le TDF/FTC en tant que Prep pour les personnes qui s'injectent des drogues aux États-Unis. Cet essai de phase II, visant à recruter 250 participants-es, évaluera la pharmacocinétique du lenacapavir ainsi que la sécurité du lenacapavir et du TDF/FTC. Il devrait se terminer en 2027.
    • PURPOSE 5 évalue le lenacapavir et le TDF/FTC en France et au Royaume-Uni, en se concentrant sur des participants-es disproportionnellement touchés-es par le VIH et souvent sous-représentés-es dans les essais cliniques. Cet essai de phase II examinera la persistance, c'est-à-dire l'utilisation continue, du lenacapavir et du TDF/FTC chez les personnes qui n'utilisent pas actuellement la Prep.

    Le temps de la recherche est long. Si le lenacapavir est efficace en Prep injectable tous les six mois, il n'y aura pas d'autorisation de mise sur le marché avant 2028, voire 2029, mais ces essais donnent de l’espoir pour une nouvelle option de prévention VIH très prometteuse…

    Une grande variabilité dans la détection des lésions précancéreuses anales

    Les cellules de la muqueuse du canal anal peuvent être le siège de lésions dues à une infection par un ou des virus de la famille des Papilloma virus humains (HPV). Dans cette famille, certains de ces virus sont à l’origine de condylomes internes ou externes parfaitement bénins. Mais d’autres peuvent induire des transformations précancéreuses des cellules qu’ils infectent. Ces virus nocifs sont appelés oncogènes, et sont une dizaine : types 16, 18, 31, 33, 35, 39, 45. En pratique, le virus retrouvé dans 90 % des cancers de l’anus est le type 16. Ces lésions sont confinées à l’épithélium (tissu humain composé de cellules qui recouvre la surface du corps ou qui tapisse l’intérieur des organes creux : ouche, estomac, côlon, rectum, anus, etc.), ce sont des lésions anales intra-épithéliales, aussi appelées lésions dysplasiques. On décrit ces lésions comme étant de haut grade (HSIL), ou de bas grade (LSIL). Les procédures de dépistage et les résultats des lésions précancéreuses anales différaient significativement parmi six sites d'étude en France, rapporte le site d’infos médicales The Body Pro. Des mesures de contrôle qualité et une formation supplémentaire pourraient contribuer à réduire les erreurs de diagnostic des lésions précancéreuses (intra-épithéliales squameuses de haut grade ou HSIL).

    Cette méta-analyse (analyse de plusieurs études) intitulée « la détection cumulative de lésions intra-épithéliales squameuses anales de haut grade au cours d'un suivi de deux ans chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes vivant avec le VIH en France », a été publiée en ligne le 16 novembre 2023, dans la revue scientifique The Journal of Infectious Diseases. L'auteur principal est Jean-Damien Combes, épidémiologiste et chercheur de la branche Détection précoce, prévention et infections à l'Agence internationale de recherche sur le cancer (CIRC/OMS) à Lyon (France).

    La méta-analyse portait sur six hôpitaux universitaires français qui ont dépisté 513 hommes pour des lésions intra-épithéliales squameuses anales de haut grade (HSIL). Les participants étaient des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) vivant avec le VIH. L'analyse a inclus uniquement les 410 hommes ayant effectué trois visites sur deux ans, de 2014 à 2016. Dans l'ensemble, la détection de HSIL a été observée chez 33 % des participants, mais ce taux variait entre 13 % et 51 % en fonction du site d'étude. Les tailles d'échantillons variaient de 23 participants à 110 participants selon le site. Les procédures de dépistage variaient d'un centre à l'autre, avec des biopsies réalisées chez 23 % à 84 % des participants selon les sites. Des taux de biopsie plus élevés étaient associés à une proportion plus élevée de HSIL détectées.

    Le principal facteur de risque de HSIL était l'infection par le papilloma virus humain (HPV) de type 16, au début de l'étude. La répétition de la cytologie (l'étude des cellules isolées) et l'anuscopie à haute résolution ont amélioré la détection de HSIL, mais n'ont pas entièrement remédié aux différences observées entre les sites. Le but de l’anuscopie de haute résolution (AHR) est de rechercher et de caractériser des lésions intra épithéliales au niveau de l’anus à l’aide d’une loupe et de colorations. Cet examen peut rentrer dans un cadre de dépistage, ou pour orienter le traitement ou la surveillance de lésions. Les auteurs-rices de l’étude concluent que le dépistage précoce du HPV dans cette population (HSH) pourrait identifier les hommes présentant un risque plus élevé de cancer anal et qui pourraient bénéficier d'examens proctologiques annuels. Des mesures d'assurance qualité (Quality assurance measures, selon l’étude), en particulier lorsque le personnel a une expérience limitée de l'anuscopie à haute résolution, pourraient aider à réduire les cas manqués de HSIL, tout comme une formation supplémentaire en cytologie anale.