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    L’actu vue par REMAIDES : "L’Union européenne loin d’atteindre les objectifs de l’Onusida"

    • Actualité
    • 12.03.2024

    union européenne

    © DR

    Par Jean-François Laforgerie et Fred Lebreton 

    L'Union européenne loin d'atteindre les objectifs de l'Onusida

    Le compte n’y est pas. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a publié (21 février 2024) un dossier sur l'avancement des États membres de l'UE (Union européenne) et de l’EEE (Espace économique européen) dans la réalisation des objectifs de l'Onusida 2030. Si l’objectif de la cascade des trois 95 (voir plus bas) fixé pour 2025 semble atteignable. L’objectif global de mettre fin à l’épidémie de VIH en 2030 (zéro nouvelle infection) semble de plus en plus illusoire…

    En bonne voie pour les objectifs de 2025...

    Le document de 15 pages offre une mise à jour sur les progrès en matière de prévention, de dépistage et de traitement du VIH, du nombre de nouvelles infections par le VIH, des décès liés au sida et de la stigmatisation/discrimination liées au VIH dans l'Union européenne et l’Espace économique européen. Ce dossier repose en grande partie sur les données collectées entre février et août 2023 par l'ECDC (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies) pour suivre la mise en œuvre de la Déclaration de Dublin de 2004.

    En ce qui concerne la prévention, bien que la disponibilité et l'adoption de la Prep aient augmenté dans toute la région, neuf pays en Europe n'ont toujours pas élaboré de directives sur la Prep. Dans les pays où la Prep est disponible, il y a encore des améliorations possibles dans le nombre de personnes y ayant accès et l'équité hommes/femmes dans son déploiement.

    En ce qui concerne l’incidence (les nouveaux diagnostics), malgré les avancées dans la prévention du VIH et l'accessibilité accrue aux services de prévention, tels que la Prep, le nombre estimé de nouvelles infections par le VIH dans l'UE/EEE reste élevé. En 2022, environ 18 000 personnes y ont été nouvellement infectées par le VIH. Bien que cela représente une diminution de 34 % du nombre annuel estimé de nouvelles infections par le VIH depuis 2010, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour réduire davantage ce nombre et mettre la région sur la bonne voie pour atteindre l'objectif d'une réduction de 75 % des nouvelles infections par le VIH d'ici 2025.

    Concernant le dépistage et le traitement, la zone (UE/EEE) est en bonne voie pour atteindre les objectifs « 95-95-95 » fixés par l'Onusida, pour 2025 :

    • 91 % de toutes les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) connaissent leur statut : Vingt-six pays de l'UE/EEE ont pu fournir des données sur le nombre estimé de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) ayant été diagnostiquées. Sur les 778 237 PVVIH estimées dans ces 26 pays, 706 541 ont été diagnostiquées (91 %). Seuls, deux pays atteignent actuellement l'objectif de 95 %, et 13 pays supplémentaires se trouvent à moins de 5 % de l'objectif de 2025. Ces données suggèrent que les services de dépistage dans toute la région doivent être intensifiés afin d'atteindre l'objectif de 2025, soit que 95 % de toutes les personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique.
    • 93 % des PVVIH qui connaissent leur statut sont sous traitement : Dans les 26 pays capables de fournir des données sur le nombre de personnes vivant avec le VIH diagnostiquées et sous traitement, environ 669 927 personnes ont été diagnostiquées comme vivant avec le VIH, dont 622 283 étaient sous traitement antirétroviral. Neuf des 26 pays atteignent actuellement l'objectif de 95 %, tandis que sept se trouvent à moins de 5 % de l'objectif. Les pays qui ne sont actuellement pas dans les 5 % de l'objectif de 2025 devraient supprimer les obstacles à l'accès au traitement et intensifier les services de traitement accessibles.
    • 91 % des PVVIH sous traitement ont une charge virale indétectable (suppression virale) : Dans les 23 pays de l'UE/EEE qui ont signalé des données sur le pourcentage de PVVIH ayant une charge virale indétectable, sur les 605 270 personnes qui suivent un traitement, 549 676 d'entre elles (91 %) ont une charge virale indétectable (suppression virale). Cela suggère que l'UE/EEE dans son ensemble n'est pas sur la bonne voie pour atteindre l'objectif de suppression virale d'ici 2025, sept pays ne se trouvant actuellement pas à moins de 5 % de l'objectif de 2025.

    Mais de nombreux pays loin d'atteindre les objectifs de 2030

    Dans l'ensemble, 23 pays de l'UE/EEE ont pu fournir des données pour les quatre étapes du continuum des soins du VIH en 2023. Sur la base de ces données, 77 % (549 676 personnes) des 712 968 PVVIH estimées avaient une charge virale indétectable, ce qui est en deçà de l'objectif substantiel de 86 %. Cela signifie que près d'une personne vivant avec le VIH sur quatre (23 %) dans les 23 pays de l'UE/EEE avec des données disponibles, n'avait toujours pas atteint la suppression virale.

    Pour la mortalité liée au VIH/sida, on estimait, en 2022, à 3 500 le nombre de décès liés au sida, selon les estimations du modèle Spectrum de l'Onusida pour la région. Cela représente une baisse de 27 % des décès liés au sida depuis 2010. Cependant, les estimations pour la période depuis 2020 suggèrent que la réduction des décès liés au sida dans la région stagne, ce qui peut s'expliquer, en partie, par le vieillissement de la cohorte de PVVIH. Il est important que les pays continuent à intensifier les services de dépistage et de traitement accessibles pour atteindre l'objectif de 2025, soit une réduction de 75 % des décès liés au sida.

    Par ailleurs, plus de 10 % des personnes vivant avec le VIH déclarent avoir été confrontées à la stigmatisation et à la discrimination liées au VIH dans les établissements de santé et les milieux communautaires, ce qui indique qu'il est nécessaire de poursuivre les efforts pour atteindre l'objectif de zéro stigmatisation. Pour certains indicateurs, en particulier ceux liés à la stigmatisation et à la discrimination, un nombre significatif de pays n'ont pas fourni de données. Le manque de données robustes et fiables représente un défi important pour progresser sur certains aspects de la réponse au VIH. Des systèmes de surveillance et de déclaration améliorés sont nécessaires de toute urgence.

    En conclusion, les experts-es de l’ECDC mettent en garde les dirigeants-es de l’UE/EEE : « Les données recueillies en 2023 suggèrent que de nombreux pays de l'UE/EEE sont actuellement loin d'atteindre les objectifs fixés par l’Onusida (…). Bien que le nombre de nouvelles infections par le VIH et les taux de mortalité liés au sida dans l'UE/EEE aient diminué au cours de la dernière décennie, selon les trajectoires actuelles, il est nécessaire d'accélérer les progrès pour atteindre les objectifs de 2025 et 2030. De plus, tous les pays n'ont pas des mesures assez robustes pour permettre l'affichage et la comparaison des données au niveau national », souligne le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies. Et l’ECDC de conclure avec une note d’espoir : « Néanmoins, les baisses au niveau de l'UE/EEE suggèrent que les services existants de prévention du VIH (c'est-à-dire la Prep), de dépistage et de traitement ont été efficaces, même s'ils doivent être intensifiés pour réduire davantage le nombre de nouvelles infections et de décès liés au sida ».

    Infos clés à retenir

    • En 2022, environ 18 000 personnes ont été nouvellement infectées par le VIH dans l'UE/EEE, dont 48 % de diagnostics tardifs ;
    • En 2022, on estimait à 3 500 le nombre de décès liés au VIH/sida dans l'UE/EEE ;
    • 778 237 personnes vivent avec le VIH en Europe ;
    • 163 000 personnes vivent avec une charge virale non contrôlée (détectable) et donc un virus transmissible (23 %). Parmi ces 163 000 personnes, 40 % ne sont pas diagnostiquées (elles ignorent donc leur séropositivité et n’ont pas accès à un traitement) et 26 % sont diagnostiquées, mais ne suivent pas de traitement ;
    • 130 000 personnes sont sous Prep (dont 47 000 en France) dans l'UE/EEE ;
    • Plus de 10 % des personnes vivant avec le VIH dans l'UE/EEE déclarent être victimes de stigmatisation et de discrimination liées au VIH dans le cadre des soins de santé et dans la communauté.
    • En page 15, un tableau précise les données et progrès vers les objectifs de la Stratégie mondiale de l'Onusida pour le VIH au niveau des pays. Il est intéressant de noter que seuls deux pays (l’Autriche et la Roumanie) ont atteint le premier objectif (95 % de toutes les PVVIH connaissent leur statut). La France n’a donc pas atteint cet objectif, mais elle a atteint l’objectif 2 (95 % des PVVIH qui connaissent leur statut sous traitement) et l’objectif 3 (95 % des PVVIH sous traitement ont une charge virale indétectable). 

    Quelles différences entre UE et EEE?

    L'Union européenne (UE) et l'Espace économique européen (EEE) sont deux entités distinctes mais liées sur le plan économique en Europe. L'UE est une union politique et économique composée de 27 pays européens (l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, Chypre, la Croatie, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède). Elle vise à promouvoir la coopération et l'intégration économique, politique et sociale entre ses membres. L'UE a ses propres institutions politiques, telles que la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne. L'EEE est une zone de libre-échange qui comprend les pays de l'UE ainsi que trois pays non membres de l'UE : l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège. Il vise à étendre les avantages du marché unique de l'UE aux pays participants de l'EEE, en garantissant la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux. Les pays de l'EEE doivent appliquer la législation de l'UE concernant le marché unique, mais ils ne sont pas membres de l'UE et ne participent pas à toutes les politiques et institutions de l'UE, comme la Politique agricole commune ou la Politique étrangère et de sécurité commune.