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    L'actu vue par REMAIDES : "Mylène contre le VIH : une génération désenchantée ?"

    • Actualité
    • 29.02.2024

    Par Fred Lebreton 

    Mylène contre le VIH : une génération désenchantée ?

    Un essai sur Mylène Farmer dans Remaides ? Quelle drôle d’idée… Et pourtant, en se penchant sur l’artiste qui fête ses 40 ans de carrière en 2024, on découvre ses liens étroits et souvent discrets avec la lutte contre le VIH. Rencontre avec Marielle Toulze et Arnaud Alessandrin, les deux co-auteurs-rices du livre Sociologie de Mylène Farmer, paru en janvier 2024 aux Éditions Double Ponctuation. Une plongée passionnante dans l’univers de l’artiste et de ses fans.

    sociologie de Mylène Farmer Remaides : Jusqu’à présent, Mylène Farmer n’a pas beaucoup intéressé les sciences humaines. Pourquoi ce livre aujourd’hui et pour qui ?

    Arnaud Alessandrin : La première chose, c’est que nous  avions une envie amicale de le faire ensemble. Je crois que c’est un bon début pour une écriture. Nous ne sommes pas tombés dans le piège de l'actualité des 40 ans de carrière de Mylène Farmer, car nous nous sommes seulement rappelé de cet anniversaire, la semaine dernière [après la sortie du livre, ndlr]. Et pourquoi faire un livre sur Mylène Farmer et plus précisément une sociologie de Mylène Farmer ? Parce qu'actuellement, il existe des biographies sur l'artiste, mais en réalité aucun livre avec Mylène Farmer comme objet d'étude. Nous voulions la mettre, elle, au centre de l'analyse…

    Marielle Toulze : Plus exactement ses fans.

    Arnaud Alessandrin : Oui, en la mettant, elle, au centre de l'analyse, nous avons exploré le personnage, son univers, son esthétique et ses fans. Nous avons découvert un monde qui nous a donné envie, pas simplement d'y travailler, mais de s'y plonger pendant un an. 

    Marielle Toulze : Pour moi, au départ, cela a été plutôt par amour pour Arnaud qui est mon meilleur ami et qui m’a proposé de faire ce livre avec lui. Arnaud était déjà fan de l’artiste et je me suis dit que c’était l'occasion de découvrir son univers et de mieux le comprendre. Après un an de travail, je suis moi-même devenue fan et j'ai complètement plongé dans l'univers Farmer. Pour moi, ce qui est au cœur de cet objet : ce sont les fans et comment Mylène, son univers, son personnage, ont été une source d'inspiration pour eux.

    Remaides : Quelles méthodes avez-vous utilisé pour mener cette enquête ?

    Arnaud Alessandrin : Nous avons suivi nos méthodes habituelles de travail. Nous voulions répondre à cette question : « Qui sont les fans de Mylène Farmer ? ». Pour cela, nous avons lancé une enquête statistique afin d’avoir un portrait-robot du fan de l’artiste à la fois en termes de profils sociodémographiques, mais aussi en terme de représentation, c’est-à-dire que Mylène Farmer représente pour eux et elles ? Nous avons lancé un questionnaire court et léger, parce qu'au fond, nous n’avions pas beaucoup d'hypothèses sur lesquelles travailler. La difficulté statistique, c'est que, bien sûr, nous avons le sentiment que diffuser un questionnaire auprès des fans peut biaiser l'analyse statistique. Pour contourner ce problème et avoir des profils variés, nous avons diffusé le questionnaire sur des espaces radicalement différents : des sites musicaux, des espaces de fans, différents réseaux sociaux pour toucher différents âges, mais aussi nos réseaux sociaux personnels, de manière à toucher des personnes qui auraient pu être fans un temps, puis passer à autre chose. Ça, c'est pour la dimension statistique, mais elle ne suffit pas. Il fallait aussi incarner ces parcours de vie. Nous avons donc mené des entretiens qualitatifs. D’une part, des entretiens brefs sur les réseaux sociaux avec des fans de l’artiste. Puis, nous avons réalisé des récits de vie plus approfondis. Enfin Mylène, c'est un univers hyper référencé, d’où la proposition d’embarquer Marielle avec moi, parce qu'il fallait qu'on puisse traiter des références à la fois artistiques, littéraires, et poétiques de l’artiste. Marielle a une méthodologie de sémiologue plus apte à réaliser ce travail [la sémiologie est la science qui étudie les systèmes de signes, au niveau du langage, des images ou encore des couleurs, ndlr]

    Marielle Toulze : C'est aussi un dialogue entre Arnaud et moi. En tant que sémioticienne [spécialiste de l’étude des signes, des symboles et de leur signification, ndlr], j'ai analysé beaucoup de matériel visuel sur l'artiste ; à la fois, le documentaire qui a été réalisé sur sa tournée en 2019, mais tous les concerts, les chansons et les clips de Mylène depuis 40 ans. J'ai pioché dedans pour essayer de voir ce qui faisait écho et résonance entre ce qui était dit des bifurcations des parcours de vie des fans et l’univers de l’artiste. Quelles chansons sortent à ce moment-là de leur vie et ce qui s’est passé dans notre société au moment de l’écriture de ces chansons.

    Remaides : La parole des fans est très importante dans ce projet. Les témoignages sont nombreux tout au long de votre analyse. Qui sont les fans de Mylène Farmer d’après les résultats de votre enquête ?

    Arnaud Alessandrin : Le portrait-robot statistique, c'est plutôt un homme gay de 40 ans, fan de la première heure, qui s’inscrit partiellement ou pleinement dans des réseaux de fans. Beaucoup moins d’hommes hétérosexuels, quasiment pas. Paritaire en termes d'homos et d'hétéros, ce qui est très étrange statistiquement, puisque bien sûr, en France, il y a beaucoup plus d'hétérosexuels-les que d’homosexuels-les. Parmi les hétérosexuels-les, beaucoup de femmes, peu d'hommes, et de moins en moins de jeunes fans de Mylène Farmer. Néanmoins, quelque chose de trans-générationnel, puisqu'on le voit avec ces figures quasi-immortelles de la pop culture, que ce soit des films, des peintures, des photos ou des chansons, qui se transmettent, par passion parentale, à des enfants. Des enfants qui sont plus ou moins réceptifs à cela, mais qui finissent par connaître et apprécier l’artiste. Dans le livre, nous avons essayé de montrer que ces fans avaient des points communs, au-delà, de leur âge, de leur sexe ou de leur sexualité. Des chansons communes, par exemple, des collections communes, des références communes, des savoirs communs.

    Marielle Toulze : Quand j'ai fait écouter Mylène Farmer à mes enfants qui ont 14 et 16 ans et qu’ils m'ont vu plonger dans cette écriture, cela a été un vecteur pour leur expliquer ce que j'avais vécu quasiment à leur âge, quand j'avais 17-18 ans, en pleine crise du sida, etc. Et j’y ai vu un écho avec ce qu'ils avaient vécu pendant le confinement [lié à la Covidi-19], c'est-à-dire la peur de faire un simple bisou à un ami ou de lui parler sans masque. J'ai retrouvé des choses que nous avions vécues quasiment à des âges similaires, 30 ans auparavant. 

    Remaides : La question du VIH/sida est un fil rouge dans l’œuvre et la carrière de Mylène Farmer. Pouvez-vous donner quelques exemples de cet engagement ?

    Arnaud Alessandrin : Ce livre trace un fil entre les premiers engagements de Mylène Farmer, dès les années 87-88, jusqu'à 2023. Il n'y a pas de trou dans sa carrière en matière d'engagement dans la lutte contre le VIH/sida. En 1987, par exemple, elle fait la couverture de VSD, entourée de stars qui souhaitent une bonne année aux lecteurs et lectrices, en disant : « Mais surtout, protégez-vous ». Elle écrit et offre des chansons comme Dernier sourire [sortie en 1989, la chanson est offerte à l'album caritatif Urgences - 27 artistes contre le sida, ndlr] à des associations de lutte contre le sida.  Bien sûr, la chanson Que mon cœur lâche sortie en 1992 parle de la capote. En 1999, le clip de la chanson : « Je te rends ton amour » est censuré à la télévision. Dans le clip, après avoir été crucifiée, le corps nu de Mylène baigne littéralement dans une mare de sang. L’artiste décide de sortir le clip dans le commerce en cassette vidéo. En une semaine, la vidéo se vend à plus de 70 000 exemplaires et la chanteuse reversera tous les bénéfices au Sidaction. Il y a d’autres exemples, certes très ponctuels, mais sur lesquels elle ne fait aucune publicité, comme le dernier t-shirt qu'elle a sorti avec Act Up-Paris lors du lancement de sa tournée en 2023. On observe donc un engagement sur le long terme, toujours avec une certaine discrétion qui la caractérise, mais c’est une continuité.

    Marielle Toulze : Quand on recontextualise cette première période de l’épidémie de VIH/sida dans les années 80/90 ; médiatiquement, c'était une période très anxiogène, très moralisatrice et marqué par un retour à l’ordre moral très rigide. En parallèle, on a eu des engagements artistiques très forts avec des artistes comme Nan Goldin ou Félix González-Torres. Tout à coup, il y a des récits de soi qui passent par la création artistique et la photo et qui racontent leur monde, leur univers, leur positionnement, et leur vie intime. Il y avait une scène artistique très engagée du côté des Américains-es tandis qu’en France, on avait surtout un discours d’injonction du genre : « Mettez des capotes ». Mylène Farmer a fait partie des rares artistes de cette époque qui chantaient des chansons sur la liberté sexuelle, les plaisirs de la sodomie ou la confusion des genres [les chansons Libertine, Sans contrefaçon, Pourvu qu’elles soient douces, sorties respectivement en 1986, 1987 et 1988, ndlr].

    Remaides : Le deuil et l’absence sont très présents dans l’œuvre de l’artiste avec des chansons comme Dernier Sourire (1989), Laisse Le Vent Emporter Tout (1995) ou Rêver (1995). Ces chansons sont vécues comme de véritables messes en concert. L’œuvre de Mylène Farmer a-t-elle un effet libérateur sur les personnes que vous avez interrogées ?

    Arnaud Alessandrin : Dans notre analyse, nous avons posé les questions : « Quel est le vocabulaire qui, d’après vous, caractérise le mieux Mylène Farmer ? » et  « Quels sont les souvenirs qui vous renvoient à Mylène Farmer ? ». Massivement, il y a des éléments centraux: l'adolescence, le deuil, la nostalgie et la mélancolie. Des moments et des vocabulaires qui se relient et qui font écho les uns aux autres, et bien sûr, qui font écho à l'œuvre de l'artiste. Dans la presse, on a souvent cette image caricaturale des fans de Mylène Farmer qui seraient soit gothiques, soit gays, voire suicidaires. Il y a du vrai dans la mélancolie et dans la surreprésentation de l'homosexualité chez les fans de cette artiste, mais d’autres termes sont beaucoup ressortis comme l’amour et la tendresse. Il y a toujours cette dualité et cette ambivalence. Ce qui est vrai, c’est que beaucoup de fans ont souligné à quel point dans les moments difficiles, les paroles de Mylène Farmer ont pu être des paroles aidantes. 

    Marielle Toulze : Beaucoup d'adolescents et d'adolescentes étaient alors en quête d'identification et elle a fait partie de ces personnes qui ont proposé un univers sur lequel elles et ils ont pu s'étayer et se construire dans une période morale qui était très rigide. Cela concerne les adolescents LGBTQI+ mais je pense que ça fonctionne aussi pour les adolescents hétérosexuels de l'époque, qui, eux aussi, ont souffert de cette rigidité morale. La communauté LGBTQI+, a été stigmatisée et a subi une forte injonction au port du préservatif tandis que la jeunesse hétérosexuelle a eu droit, en plus, à un discours moral autour du mariage et de la fidélité.

    « Désenchantée raconte les années sida bien sûr, mais pas que cela. C’est aussi une époque de bouleversements géopolitiques et la fin des années dorées qu'on nous avait annoncées dans les années 70-80. Les paroles disent : « Tout est chaos, rien n’a de sens » avec un clip, qui montre une révolte d’enfants dans le ghetto de Varsovie. Il y a cette idée de tout envoyer balancer, sans dire que ça sera mieux après. Un peu comme la génération d'aujourd'hui devrait faire. »

    Remaides : En page 115, vous faites un parallèle entre Mylène Farmer et la photographe Nan Goldin, connue notamment pour ses clichés sur la crise du sida qui a frappé ses proches. Selon vous, la période 1984-1995 de l’artiste a-t-elle sa place dans la culture commune et mémorielle des années sida ? 

    Arnaud Alessandrin : Il y a eu plusieurs expos autour du VIH/sida ces trois dernières années et Mylène Farmer n’y figure pas. On peut se dire que cette dimension mémorielle fonctionne plus avec des œuvres du passé et, souvent, des artistes décédés. On fait l’archéologie des artistes et des œuvres qu’on a peur d’oublier. Or, Mylène Farmer est toujours là et elle reste toujours très populaire. En 2021/2022, elle a vendu 600 000 places de concerts et 200 000 albums sans promotion, sans faire une seule interview ou une seule photo. Donc, peut-être que son actualité et sa popularité font qu'elle n'a pas encore trouvé sa place dans cette culture commune et mémorielle.

    Marielle Toulze : Le paradoxe avec Mylène Farmer, c’est qu’elle garde une étiquette de chanteuse pop et pas d’une chanteuse à textes alors qu’elle écrit la plupart de ses chansons depuis 40 ans. La critique musicale et le monde de l’université ne la reconnaissent pas en tant qu’autrice. Il y a peut-être une forme de snobisme du milieu intellectuel et académique.

    Arnaud Alessandrin : Avec Marielle, lorsqu'on a commencé ce livre, le journal Les Inrocks a fait un article intitulé : « Mylène Farmer : le retour de hype ». Ce n’était jamais arrivé que ce magazine fasse un article positif sur l’artiste. Le même mois, France Inter a organisé un concert de reprises de chansons de Mylène Farmer. 

    Marielle Toulze : Il y a une prise de conscience qu'elle est là depuis 40 ans et qu'elle a accompagné des événements importants. Pour moi, elle aurait toute sa place dans une exposition qui retrace ces années-là. 

    Arnaud Alessandrin : Les fans nous ont montré des objets comme les fameuses capotes balancées pendant la chanson Sextonic au Stade de France en 2009. Il y a des objets de la carrière de Mylène qui auraient toute leur place dans des expositions sur le VIH/sida, même si c'est une artiste populaire. J’ai envie de dire, justement, parce que c'est une artiste populaire.

    Remaides : Vers la fin du livre, vous soulignez le manque de positionnement politique de Mylène Farmer. Comment expliquez-vous ce paradoxe entre des chansons et des clips souvent féministes et LGBT friendly et une artiste qui dans ses interviews écarte toute forme de radicalité et de militantisme ? 

    Arnaud Alessandrin : Un magazine avait demandé aux Français et aux Françaises de positionner politiquement les artistes. Et tout le monde était soit fermement à droite, soit fermement à gauche. On avait d'un côté Renaud, à gauche, de l'autre côté Johnny Hallyday, à droite. Et au centre, on avait Mylène. Peu importe les âges, peu importe les genres, on avait Mylène, qui était toujours à 50-50, comme s'il était impossible de la positionner. D'ailleurs, dans notre enquête, on aurait pu se dire que les fans de la première heure, comme les derniers, voient en elle une figure féministe, LGBT-friendly ou très clairement militante et ce n'est pas si flagrant que ça. Ce n'est pas si évident parce qu'elle s’exprime très peu publiquement sur les sujets de société et car il y a souvent plusieurs sens dans ses chansons. Chacun interprète donc l’œuvre de l’artiste à l’aune de sa propre expérience et de ses propres références. Mylène n’en donne pas les clés. Cela rend son positionnement politique très compliqué à saisir. Et cela génère d’ailleurs des paradoxes. Il y a des fans qui disent : « Pour moi, elle est féministe parce que c'est une femme puissante ». Quelque chose à la Léa Salamé qui pourrait apparaître pour d'autres féministes comme un féminisme de droite. En même temps, elle écrit et chante Fuck Them All qui est une chanson féministe contre le patriarcat. Et puis, elle fait une interview, trois mois après, dans le magazine Têtu pour dire qu'elle n'aime pas le féminisme radical, deux pages avant une interview fleuve de Virginie Despentes qui ne parle que de féminisme radical ! Il y a cette ambivalence chez Mylène Farmer, ce qui n'empêche pas d'être une personne engagée sur des sujets tels que le VIH/sida et les droits des personnes LGBTQI+. 

    Remaides : Dans la postface du livre, vous évoquez, avec pudeur, Thibault, un de vos amis décédés des suites du sida dans les années 90. En écho à ce drame, vous citez la chanson et le clip de Désenchantée, sortis en 1991 en plein pic de l’épidémie de VIH/sida. Pourquoi ce parallèle et que représente cette chanson 33 ans après sa sortie ?

    Marielle Toulze : J’assume le « Je » en disant que cette chanson a été pour moi importante à cette époque. Mais quand on demande aux fans, c'est effectivement cette chanson qui ressort. Cela paraissait important de mettre Désenchantée en lien avec Génération X. Le X, symboliquement, pour la sémioticienne que je suis, ça barre les routes. C'est la lettre écarlate qu'il a fallu porter et le fardeau qui allait avec, qui était l'épidémie de VIH/sida. Dans ce récit de vie, c'était aussi l'occasion de conclure sur quelque chose de plus personnel. On voulait raconter comment, pour nous-mêmes, depuis notre propre expérience de vie, cette chanson avait pu faire écho avec des choses que nous étions en train de vivre. Dans ce récit, ce qui était le plus violent pour moi, c'est de raconter comment, du jour au lendemain, notre ami a disparu comme un secret honteux qu'il a fallu aller cacher au fin fond du Périgord. C'est une époque où il n'y avait pas de portable, pas de moyen de contacter les gens, pas de moyen de savoir ce qu'il devenait. Désenchantée raconte les années sida bien sûr, mais pas que cela. C’est aussi une époque de bouleversements géopolitiques et la fin des années dorées qu'on nous avait annoncées dans les années 70-80. Les paroles disent : « Tout est chaos, rien n’a de sens » avec un clip, qui montre une révolte d’enfants dans le ghetto de Varsovie. Il y a cette idée de tout envoyer balancer, sans dire que ça sera mieux après. Un peu comme la génération d'aujourd'hui devrait faire. On leur promet la fin du monde avec un réchauffement climatique qui va dépasser les 2-3 degrés dans les années à venir. Tout ce qu'ils-elles veulent, actuellement c’est de partir voyager. Mes étudiants me disent dès qu’ils ont leur diplôme « D'abord, on voyage ». Il y a une quête de sens et une forme de réalisme. La chanson Désenchantée reflète bien cela. La chanson ne dit pas : « Attendez, ne vous inquiétez pas, ça va être merveilleux, on va trouver un vaccin, on va trouver un remède ». Elle dit, c’est dur, mais on va faire avec. 

    Remaides : La chanson, elle-même, est un paradoxe avec des paroles désespérées ou désenchantées et une musique joyeuse qui fait danser des stades entier en concert…

    Marielle Toulze : Elle a fait pareil avec Optimistique-moi, avec des paroles sur l’inceste et une musique très rythmée et dansante. C’est sa manière, à elle, de transcender la souffrance et de faire passer des messages ou des paroles d'une certaine gravité avec une composition musicale, qui est celle de la légèreté. Comme on le ferait avec du dessin ou de la bande dessinée. Ce qui est aujourd'hui tendance, on fait passer des messages forts ou graves à travers le dessin. 

    Arnaud Alessandrin : Elle le fait sur plusieurs thématiques, sur le viol, sur le suicide, sur l’inceste, etc. Dans Souviens-toi du jour… elle parle de la Shoah. Ce sont des chansons dont les paroles sont  excessivement lourdes de sens, mais qui sont très dansantes et remixées pour les clubs.

    Marielle Toulze : C'est peut-être ça dont on a surtout besoin, de danser, sur notre désenchantement ! 

    ➡️​ Sociologie de Mylène Farmer d’Arnaud Alessandrin et Marielle Toulze, Éditions Double Ponctuation (Collection « Point d’interrogation »). 16 €.

    Qui sont les auteurs-rices ? 

    Arnaud Alessandrin est docteur en sociologie à l’université de Bordeaux, où il enseigne la sociologie du genre et des discriminations. Il est l’auteur de nombreux livres et articles sur le sujet des transidentités, du genre et des homophobies. Aux éditions Double ponctuation, il a publié Déprivilégier le genre et, avec Johanna Dagorn, Discriminations dans la ville. Marielle Toulze est maîtresse de conférence en sciences de l’information et de la communication (Laboratoire ELICO de Lyon-Saint-Étienne) et enseignante-chercheuse à l’Institut d’administration des entreprises de l’université de Saint-Étienne. Ses travaux portent sur les représentations des personnes discriminées dans les médias (personnes LGBTQI+, migrantes ou corps+) et, entre autres, sur l’analyse sémiologique d’œuvres artistiques.

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