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    L’actu vue par REMAIDES : "Santé : gouvernement et mutuelle haussent les coûts"

    • Actualité
    • 01.02.2024

    hausse franchises médicales

     Par Jean-François Laforgerie et Fred Lebreton 

    Santé : gouvernement et mutuelle haussent les coûts 

    Cette dernière période a surtout été marquée par l’annonce gouvernementale d’un doublement des montants des franchises médicales, instaurées en 2007 par Roselyne Bachelot. Le président de la République ne semble nullement gêné par cette taxe sur la maladie qui « responsabilise » les Français-es. Hausse aussi du tarif des mutuelles dans un contexte où le coût de la vie est pourtant déjà l’objet de toutes les préoccupations. La rédaction de Remaides fait le point. 

    Franchises sur les médicaments : le gouvernement taxe la maladie 

    Voilà, c’est lancé. La ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin, a acté le doublement des franchises médicales. Une mesure controversée à propos de laquelle le gouvernement tergiverse depuis cet été, avec les premiers débats sur le PLFSS 2024. Le gouvernement évoquait, en effet, la mesure depuis des mois, mais il n’avait pas voulu trancher pendant les débats sur le budget (dont ceux du PLFSS 2024), arguant qu’il s’agissait d’une mesure réglementaire et non législative. C’est le président Macron qui a finalement ouvert la voie lors de sa conférence de presse élyséenne de janvier dans son style inimitable : « Dire qu’on va passer de 0,50 à 1 euro » par boîte de médicaments, « je n’ai pas le sentiment qu’on fait un crime terrible, mais je pense que ça responsabilise et que c’est une bonne mesure ».

    Les franchises médicales sont des sommes non remboursées aux patients-es ; une forme de taxe qui touche les boîtes de médicaments, les actes paramédicaux, les consultations chez le-la médecin, les examens et actes de biologie médicale, les transports sanitaires. Cette hausse des franchises se déroulera en plusieurs étapes. Elle concernera, dès la fin du mois de mars, les boîtes de médicaments et les actes paramédicaux (passant de 0,50 euro à 1 euro), ainsi que les transports sanitaires (passant de 2 à 4 euros). Le montant prélevé lors d’une consultation chez le médecin, sur les examens et analyses de biologie médicale, passera, lui, à 2 euros (contre 1 euro auparavant), à compter de juin. En revanche, le gouvernement maintient à 50 euros chacun des deux plafonds annuels (l’un pour les franchises, l’autre pour les participations forfaitaires), pour « protéger » notamment les personnes affectées par les pathologies lourdes et ayant besoin de nombreux traitements. « Les patients ayant le plus fort recours aux soins, dont les montants de franchise sont déjà actuellement au plafond de 50 euros, ne paieront pas davantage », souligne le gouvernement. L’exécutif rappelle aussi que les franchises et remboursements forfaitaires ne sont pas applicables « aux mineurs, aux femmes qui bénéficient de l’assurance maternité » et « aux bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire [CSS] », aux revenus particulièrement modestes.

    Selon le gouvernement, ce doublement des montants des franchises médicales devrait permettre une économie de 800 millions d’euros. La mesure fait polémique pour plusieurs raisons. D’abord, elle touche au pouvoir d’achat, ce qui n’est pas anodin dans le contexte actuel qui voit le pouvoir d’achat dégradé. Ensuite, elle est critiquée par les professionnels-les de santé et les patients-es pour ce qu’elle est : une taxe sur la maladie. « Faire payer doublement les gens qui sont malades, ce n’est pas comme cela qu’on responsabilise. On les culpabilise », a indiqué à l’AFP Gérard Raymond, président de France Assos Santé, collectif d’associations de patients-es. « Bien sûr, on craint un renoncement aux soins » chez des personnes précaires, a-t-il souligné. De son côté, le principal syndicat de médecins généralistes, MG France a expliqué : « Les malades chroniques, les personnes âgées, tous arrivent très vite au plafond » et « y arriveront encore plus vite en doublant la mise » a dénoncé le Dr Jean-Christophe Nogrette, le secrétaire général adjoint de MG France.  « Cent euros par an [si les deux plafonds sont atteints, ndlr, ndlr], sur une petite retraite, ce n’est pas négligeable », a-t-il commenté.

    Pour faire passer la pilule, le gouvernement assure que, d’une manière générale, les Français-es ont le plus faible « reste à charge », la part de leurs dépenses de santé qui n’est pas couverte par l’Assurance maladie ou par leur complémentaire santé. En 2021, ce reste à charge était de 7 % en France, soit le plus faible taux de l’OCDE avec le Luxembourg, selon ses chiffres. Le gouvernement a pris sa décision sur fond de retour des déficits de la Sécurité sociale. Alors que ceux-ci s’approchaient de l’équilibre en 2019, la trajectoire des comptes sociaux reste aujourd’hui orientée vers un rouge qui fait peur. Le budget 2024 de la Sécurité sociale, qui intègre déjà les 800 millions d’économies du doublement des franchises, prévoit un déficit de 8,7 milliards d’euros, qui devrait progressivement se creuser pour atteindre 17,2 milliards en 2027. Si la mesure est également critiquée, c’est parce que l’argument de la « responsabilité » des malades agace au plus haut point. Cette taxe sur la maladie serait un moyen de faire comprendre aux citoyens-nes que la santé a un coût ; comme si les personnes l’ignoraient. Elles le savent d’autant mieux qu’elles participent au financement de l’Assurance maladie. Par ailleurs, ce ne sont pas les personnes malades qui se prescrivent leurs médicaments, leurs actes médicaux… c’est le choix des soignants-es ; ce qui limite la portée de la notion de « responsabilité » qui n’est rien d’autre qu’une injonction à la modération des soins, comme si cette demande était légitime.

    Un autre argument est souvent avancé : la ponction financière serait supportable, voire indolore. Il n’est d’ailleurs pas neuf. Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, le répétait déjà en boucle à l’époque pour justifier la mise en place de cette taxe. « Qui ne peut payer 4 euros par mois ? », s’interrogeait alors la ministre en 2007 ? Aujourd’hui, ce doublement des franchises ne serait pas « un crime terrible » selon les mots d’Emmanuel Macron qui a même fait référence aux forfaits téléphoniques. Autrement dit, si on peut se payer un abonnement pour son téléphone, on peut supporter une hausse des taxes sur la maladie, ironise le Président…

    La hausse des complémentaires de santé atteindra 10 % en 2024 

    Les assurés-es vont subir une hausse de leur complémentaire santé « de l’ordre de 10 % » en 2024, et non de 8,1 % comme annoncé par la Mutualité française, selon une estimation du 23 janvier de l’association de défense des consommateurs UFC Que Choisir. Pour établir son évaluation, la Mutualité (qui regroupe les complémentaires Santé à statut mutualiste) a, en effet, raisonné « à âge constant », sans prendre en compte le fait que des assurés-es basculent chaque année dans une tranche d’âge supérieure, passant dès lors à un tarif supérieur, explique Que Choisir. Si l’on prend en compte ces basculements, « en moyenne, c’est une augmentation de l’ordre de 10 % qui serait réellement subie par les consommateurs », souligne l’association. Cette moyenne masque en outre « des évolutions bien plus importantes, notamment pour les retraités-es, puisque nous recensons des hausses de 25 % et même de 30 % », rapporte-t-elle. Le président de la Mutualité française, Éric Chenut, a critiqué la présentation « clivante » de Que Choisir et a souligné la « robustesse » des estimations faites annuellement par son institution. « Force est de constater que les évolutions de cotisations publiées par la Mutualité française sont corroborées, chaque année, par les rapports du ministère de la Santé (Drees). En matière de transparence, je m’en tiens donc aux faits », a-t-il ajouté.

    Au début de l’année 2022, la Mutualité avait annoncé une hausse de 2,6 % des cotisations pour ses mutuelles adhérentes sur l’année en cours. Les chiffres de la Drees pour 2022, publiés en décembre 2023, corroborent effectivement cette évaluation, avec une hausse effective de 2,9 % pour l’ensemble des complémentaires Santé, et 2,2 % pour les seules entreprises à statut mutualiste. Dans sa publication, Que Choisir dénonce en particulier les frais de gestion des complémentaires Santé, qui varient « énormément », en allant de « 10 % » des cotisations collectées pour la mutuelle Pro BTP à « 28 % » pour le courtier et grossiste en assurance April. Pour l’ensemble du secteur, les frais de gestion restent « extrêmement élevés », de l’ordre de 20 % en moyenne des cotisations collectées, indique Que Choisir, reprenant une critique récurrente contre les complémentaires Santé. « Force est de constater que la concentration du secteur » (de 1 074 acteurs en 2011 à 664 en 2022) « ne s’est pas accompagnée d’une rationalisation, ni d’économies d’échelle au bénéfice des assurés », conclut l’association. 

    Cancers : se faire dépister même quand on est en bonne santé

    Les dépistages du cancer du sein, du cancer du col de l'utérus et du cancer colorectal permettent de diagnostiquer ces pathologies avant l'apparition de symptômes et de pouvoir ainsi mieux les soigner, rappelle l’Assurance maladie. Ces dépistages permettent également de détecter des lésions précancéreuses, évitant parfois le développement de la maladie. Chaque année en France, le cancer du col de l'utérus touche près de 3 000 femmes et cause environ 1 100 décès. On considère que 90 % des cancers du col de l’utérus pourraient être évités grâce au dépistage. Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme en France. Son dépistage est proposé à toutes les femmes âgées de 50 à 74 ans. Le dépistage du cancer colorectal s'adresse à toutes les personnes âgées de 50 à 74 ans et qui ne présentent ni symptômes, ni facteur de risque particulier. Il repose sur un test qui vise à déceler la présence de sang humain dans les selles. Il peut être réalisé à domicile, et doit être fait tous les deux ans. S'il est détecté tôt, le cancer colorectal se guérit dans neuf cas sur dix. En pratique, les personnes concernées, selon leur âge et leur sexe, reçoivent une invitation de l'Assurance maladie pour se faire dépister pour un type de cancer. Les modalités d'invitation sont simplifiées en 2024.

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    Infection urinaire? Faire un test en pharmacie est désormais possible 

    Les femmes de 16 à 65 ans qui pensent souffrir d'une infection urinaire peuvent désormais faire un test de dépistage directement en pharmacie, sans forcément avoir consulté un-e médecin auparavant, explique l’Assurance maladie. Si le résultat est positif, le-la pharmacien-ne oriente la patiente vers son médecin, qui lui prescrira un traitement adapté. Il est aussi possible de se rendre à la pharmacie après avoir vu au préalable son médecin, qui aura rédigé une ordonnance autorisant, en cas de test positif, la délivrance de l'antibiotique adapté. La réalisation du test en pharmacie coûte 6 €. Il est pris en charge par l’Assurance maladie à hauteur de 70 %, les 30 % restants sont couverts par la complémentaire santé. Le dépistage consiste en un test urinaire. Le résultat est connu en quelques minutes.

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    Financement de la dépendance : le CCSF propose une solution aux mutuelles 

    Idée. Le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a préconisé (24 janvier 2024) la création d’un contrat d’assurance obligatoire contre la dépendance, qui serait adossé aux complémentaires Santé des mutuelles, pour mieux financer la dépendance totale des personnes séniores. « Les mêmes garanties pour tous, une grille tarifaire unique, transparente et qui s’applique tout au long de la vie » : telles sont les recommandations formulées par le CCSF pour cet éventuel contrat d’assurance dépendance. Ce dispositif est défendu par la Mutualité française, fédération regroupant la majorité des mutuelles de santé, et France Assureurs. Son caractère obligatoire permettrait de mieux mutualiser le risque de dépendance « pour en limiter le coût pour les personnes assurées », estime le CCSF, qui est un organisme public où siègent à parité des établissements financiers et des clients-es, des parlementaires et des syndicats.

    En 2021, France Assureurs calculait qu’avec une mutualisation « maximale du dispositif », une personne bénéficiaire qui payerait une cotisation de 24,20 euros par mois à partir de ses 62 ans pourrait toucher une rente mensuelle de 500 euros en cas de dépendance totale. Pour éviter que les assureurs fixent unilatéralement les prix d’un tel contrat, le CCSF préconise que sa mise en œuvre relève d’une gouvernance collégiale regroupant les syndicats, les assureurs, les associations et l’État. Seule une telle organisation « pourra assurer l’équité, la transparence et l’équilibre nécessaire au bon fonctionnement de ce dispositif », juge le CCSF dans un avis. Et si la cinquième branche de la Sécurité sociale, créée sous le premier quinquennat Macron mais jugée insuffisamment dotée, venait à davantage financer une rente de dépendance totale, ce contrat pourrait se transformer en complémentaire sur le modèle de la santé, propose le CCSF. Au rythme actuel, l’Insee a calculé que la France comptera quatre millions de personnes âgées en perte d’autonomie en 2050, et les personnes très dépendantes représenteraient alors 4,3 % de la population des 60 ans ou plus (contre 3,7 % en 2015).