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    L’actu vue par REMAIDES : "Étrangers-ères, droits et santé : le climat se tend"

    • Actualité
    • 20.03.2024

    santé étrangers

    © DR

    Par Jean-François Laforgerie et Fred Lebreton 

    Etrangers-ères, droits et santé : le climat se tend

    L’année 2023 a été « meurtrière » pour les migrants-es. Dans ce contexte, la droite européenne entend mettre en place un « transfert » des demandeurs-ses d’asile vers des pays tiers (hors UE). En France, la situation reste tendue et la société civile organise le 23 mars une Journée internationale contre le racisme et le fascisme : « Liberté, Égalité, Papiers ! ». Le secteur Plaidoyer de AIDES et Remaides en profitent pour faire le point sur « l’administration numérique des étrangers-ères en France » qui remplace les rendez-vous en préfectures ; ce qui n’est pas sans pose problème. 

    2023 : une année meurtrière pour les migrants-es

    Plus de 8 500 personnes migrantes sont mortes en 2023 à la recherche d’un avenir meilleur, faisant de 2023 l’année la plus meurtrière jamais recensée par l’ONU. « Le nombre des morts en 2023 représente une augmentation tragique de 20 % par rapport à celui de 2022, ce qui souligne le besoin urgent d’agir pour éviter de nouvelles pertes de vies humaines », souligne l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), une agence onusienne, dans un communiqué. Selon les chiffres de l’OIM, au moins 8 565 personnes sont ainsi mortes sur les routes migratoires un peu partout dans le monde en 2023. C’est « l’année la plus meurtrière » depuis que l’organisation a lancé son Missing Migrants Project, une base de données publique qui recense les migrants-es morts-es et disparus-es créée en 2014. « Alors que nous commémorons les dix ans du projet Missing Migrants, nous nous souvenons d’abord de toutes ces vies perdues », a commenté le directeur général adjoint de l’OIM, Ugochi Daniels, dans un communiqué. « Chacune d’entre elles est une terrible tragédie humaine qui se répercute sur les familles et les communautés pendant des années », a-t-il souligné. L’OIM souligne que les voies migratoires sûres et légales restent trop peu nombreuses pour permettre à un plus grand nombre de personne de changer de pays et de vie. La traversée de la Méditerranée reste la route la plus meurtrière pour les migrants-es, avec au moins 3 129 décès et disparitions enregistrés l’an dernier. Au niveau régional, un nombre sans précédent de décès de migrants-es a été enregistré en Afrique (1 866) et en Asie (2 138).  « En Afrique, la plupart de ces décès se sont produits dans le désert du Sahara et sur la route maritime menant aux îles Canaries », note l’OIM. En Asie, « des centaines de décès de réfugiés afghans et rohingyas fuyant leur pays d’origine ont été enregistrés l’année dernière », indique l’organisation. Un peu plus de la moitié des décès l’année dernière sont dus à des noyades, 9 % à des accidents de voiture et 7 % à des actes de violence. Depuis la création de la base de données, 63 000 cas ont été répertoriés dans le monde, mais le bilan réel de morts et disparus est beaucoup plus élevé et impossible à établir avec exactitude. Avec de nombreuses autres organisations, et en tant que coordinatrice du Réseau des Nations unies sur les migrations, l’OIM appelle les gouvernements et la communauté internationale « à continuer de travailler ensemble pour prévenir de nouvelles pertes de vies humaines et défendre la dignité et les droits de tous les individus ».

    Les conservateurs-rices européens-nes pour un « transfert » des demandeurs-ses d’asile vers des pays tiers

    Les conservateurs-rices du PPE (Parti populaire européen, le groupe de la droite démocrate chrétienne et libérale/conservatrice), première force politique au Parlement européen, prônent un transfert des personnes demandeuses d’asile vers des pays tiers face à la pression migratoire. Cette mesure fait partie de leur manifeste présenté mercredi 6 mars lors de leur Congrès à Bucarest. Cette proposition marque une nette inflexion de la politique migratoire européenne, mise en place sous le mandat de leur cheffe de file Ursula von der Leyen, candidate à sa succession à la tête de la Commission européenne. « Nous plaidons pour un changement fondamental du droit d’asile européen (...) Nous voulons mettre en place le concept de pays tiers sûrs », écrit le Parti populaire européen (PPE) dans ce document. « Tout demandeur d’asile dans l’UE pourrait être transféré » vers l’un de ces pays « et y effectuer les démarches d’asile », est-il précisé. « En cas de réponse positive, le pays tiers en question lui accordera la protection sur place » en vertu d’un « accord contractuel global » conclu au préalable. Le PPE reprend ainsi à son compte un point du programme de la CDU (la droite allemande), dont est issue Ursula von der Leyen. La mesure vise à faire chuter le nombre d’arrivées dans l’Union. Beaucoup de gens ne viendraient plus « s’il est clair que cela mène dans les 48 heures à un pays tiers sûr en dehors de l’UE », avait souligné, cet été, un responsable de la CDU, évoquant le Rwanda, le Ghana ou encore des pays d’Europe de l’Est comme la Géorgie et la Moldavie parmi les possibilités. L’idée fait écho au projet controversé du Premier ministre britannique, Rishi Sunak, visant à expulser les migrants-es au Rwanda, qui avait été critiqué par Bruxelles. La commissaire aux Affaires intérieures Ylva Johansson avait jugé en 2022 que cette manière d’« externaliser les procédures d’asile (n’était) pas une politique migratoire humaine et digne ». C’est pourtant la voie qu’entend suivre le PPE. Plus d’un million de demandes d’asile dans l’UE, émanant principalement de Syriens-nes et d’Afghans-es, ont été déposées en 2023, un record depuis sept ans, selon l’agence européenne pour l’asile, rappelle l’AFP. Dans ce contexte, l’Union a trouvé un accord en décembre sur une vaste réforme de sa politique migratoire et d’asile, destinée à durcir la lutte contre l’immigration irrégulière. Il prévoit un renforcement des contrôles des arrivées de migrants-es dans l’UE, mais également un mécanisme de solidarité obligatoire entre pays membres dans la prise en charge des demandeurs-ses d’asile.

    Demande d'asile : grève des agents-es de l'Ofpra contre la "politique du chiffre"

    « L’humanité avant la rentabilité ! » Des dizaines d’agents-es de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) étaient en grève mardi 5 mars contre le nombre « irréaliste » de dossiers de demandeurs-ses d’asile qu’il leur est demandé de traiter. Rassemblés-es devant le siège de l’Ofpra, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), une soixantaine d’agents-es ont dénoncé une « politique du chiffre » qui, selon leurs mots, conduit à des « burn out » (épuisement au travail) et à « d’importants » départs de personnel. Cette cinquième journée de mobilisation en cinq mois a eu lieu en pleine négociation sur le Contrat d’objectifs et de performance (COP) pour 2024-2026, indique l’AFP. « La cadence n’est pas tenable », a affirmé à l’AFP Anouk Lerais, représentante CGT, en évoquant des « objectifs gouvernementaux de réduction des délais d’instruction des demandes d’asile à deux mois (contre quatre en moyenne aujourd’hui) ».

    « Il est demandé à chaque agent de conduire 1,7 entretien par jour et de rendre 386 décisions par an sur des dossiers de plus en plus complexes. Il faudrait abaisser ces objectifs de 25 % », selon cette officier de protection-instructrice. Un de ses collègues, soumis au devoir de réserve, a déploré des « injonctions contradictoires » : « Les délais pour examiner les dossiers se réduisent, mais une fois qu’une mesure de protection est décidée, le temps pour octroyer des papiers d’identité, indispensables à toute démarche administrative, lui est très long et dépasse un an ». L’intersyndicale CGT-Asyl, après avoir été reçue par la direction, a décidé de reconduire la grève suivie par quelque 200 agents au total, selon la CGT. La direction de l’Ofpra a confirmé qu’« environ 190 agents, soit un peu moins de 20 % de l’effectif de l’établissement » s’étaient « mobilisés » le 5 mars. Julien Boucher, son directeur général, a souligné des « avancées significatives » sur plusieurs des revendications des syndicats, dont « une importante revalorisation de (la) rémunération » des agents-es, la « création de seize emplois nouveaux » pour renforcer les services d’état-civil des bénéficiaires de la protection internationale et des « mesures » pour « favoriser la qualité de vie au travail », notamment sur le télétravail. Concernant par ailleurs les objectifs assignés aux officiers instructeurs, « des discussions sont actuellement en cours avec les tutelles de l’établissement pour rechercher le meilleur équilibre » entre la réduction des délais et le maintien de la « qualité des décisions » et « de vie au travail des agents, dans un contexte de complexification de l’examen des demandes d’asile », a-t-il souligné dans une déclaration à l’AFP. En 2023, la demande d’asile a continué d’augmenter en France pour atteindre le niveau historique de 142 500 demandeurs-ses, le plus haut jamais enregistré, selon l’établissement.

    Administration numérique des étrangers-ères en France, le point sur l'ANEF

    L’ANEF : Qu’est-ce que c’est ? Depuis quand ? À quoi cela sert-il ? Est-ce que cela fonctionne ? Le secteur Plaidoyer de AIDES et Remaides font le point.

    Ce que le droit prévoit concernant le dépôt des demandes de titre de séjour : Jusqu’au 1er mai 2021, toute personne étrangère majeure souhaitant solliciter un titre de séjour était tenue de se présenter en préfecture pour y souscrire une demande, comme le prévoyait l’article R311 du Ceseda  (Code l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile).

    Depuis le 1er mai 2021, l’article R431 du Ceseda prévoit que « La demande d'un titre de séjour figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l'immigration s'effectue au moyen d'un téléservice à compter de la date fixée par le même arrêté ». Ce téléservice, c’est l’ANEF (administration numérique des étrangers en France).

    • L’ANEF : qu’est-ce que c’est ?

    L’ANEF est un téléservice, dont l’objectif est de remplacer les files d'attente en préfecture. En fait, il s’agit une plateforme nationale, où les dossiers de demandes de titre de séjour doivent être déposés.  

    • Une mise en œuvre progressive 

    Comme indiqué plus haut, pour chaque titre de séjour, un arrêté doit prévoir la date à laquelle la procédure passera sur l’ANEF. Depuis 2022, les différentes demandes sont donc progressivement dématérialisées. Une des dernières procédures à être arrivée sur l’ANEF est celle que nous connaissons bien : la demande de titre de séjour pour soins.

    L’arrêté du 28 septembre 2023 prévoit, en effet, qu’à compter du 2 octobre 2023 les demandes de cartes de séjour temporaires et de cartes de séjour pluriannuelles sur le fondement de l'article L. 425-9 se font au moyen du téléservice de l’ANEF. Il convient donc désormais de déposer le dossier de demande sur l’ANEF, après que la personne y a créé un compte. Une fois le dossier déposé, une attestation de dépôt/confirmation de dépôt est générée, elle ne vaut pas titre de séjour, elle ne permet pas d’être en séjour régulier. Il faudra attendre qu'un ou une agent-e de la préfecture prenne en charge le dossier pour obtenir une « attestation de prolongation d'instruction » (API). C'est un document d'attente, comme le récépissé. Avec ce document la personne est en situation régulière. A priori, le certificat médical vierge est donc désormais envoyé via l'ANEF, et la personne doit l'imprimer, elle-même, avant de le faire remplir par son médecin.  

    • Des problèmes de fonctionnement de la plateforme 

    Le téléservice rencontre des bugs et des blocages. S’agissant de la procédure de titre de séjour pour soins, puisqu’elle vient tout récemment d’arriver sur l’ANEF, on tâtonne encore sur le fonctionnement, et la manière de réagir face aux problèmes que peuvent rencontrer les utilisateurs-rices. Plusieurs militants-es de AIDES nous ont déjà communiqué les difficultés rencontrées dans leurs préfectures, et les situations peuvent assez différentes selon les endroits.

    Liberté, Egalité, Papiers ! 23 mars - Journée internationale contre le racisme et le fascisme

    « Partout dans le monde, de l’Europe aux États-Unis, les pouvoirs mettent en place des politiques racistes, nationalistes et liberticides sur le dos des Immigrés-es », dénonce le Gisti dans un communiqué. L’association note que, partout, cela s’accompagne « du renforcement de toutes les inégalités sociales et de l’exploitation de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs ». En France aussi des décisions politiques (Loi Darmanin, interdiction de l’abaya à l’école, réforme du droit du sol, etc.) impactent « concrètement la vie quotidienne de ceux et celles qui vivent et travaillent ici et de celles et ceux qui arriveront demain ». Face à ce constat, le Gisti et de nombreuses associations et structures appellent à « défendre les droits et la dignité de chacun-e ». « Notre arme est la solidarité », explique un communiqué. « Partout, dans chaque quartier, chaque école, chaque lycée, chaque université, chaque hôpital, chaque lieu de travail, organisons-nous, avec les collectifs de sans-papiers, les mineurs en danger, les femmes et LGBTQI en lutte, les associations de l’immigration, les réseaux de solidarité et les syndicats. Seule la lutte collective permet de défendre ses droits et d’en gagner de nouveaux ». À l’occasion de la Journée internationale du 21 mars, des manifestations auront lieu dans le monde entier du 16 mars au 23 mars contre le racisme, le colonialisme et le fascisme. « Nous appelons à faire converger nos luttes, à rendre visible la solidarité en manifestant partout en France le samedi 23 mars », expliquent le Gisti et ses partenaires.

    Plus d’infos

    Immigration : la demande d'asile à un niveau historique en 2023

    La demande d’asile a continué d’augmenter en France en 2023 pour atteindre le niveau historique de 142 500 demandeurs-ses, le plus haut jamais enregistré, a indiqué mardi 23 novembre, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), dans un contexte politique tendu sur l’immigration, indique l’AFP. Avec une hausse de 8,6 % en 2023 par rapport à l’année précédente, selon les données provisoires publiées par l’agence de l’asile, la France s’inscrit dans une dynamique de hausse des demandes de protection également parmi les voisins européens. « En 2023, près de 142 500 demandes de protection internationale ont été introduites à l’Ofpra, toutes procédures confondues. Parmi elles, on dénombre quelque 123 400 premières demandes d’asile », a écrit dans un communiqué l’organe chargé d’attribuer le statut de réfugié-e.

    En 2022, l’Ofpra avait enregistré 131 000 demandes, soit juste en-dessous du précédent pic historique avant la crise sanitaire en 2019 avec 132 000 demandes. « Cette augmentation (de 8 %) n’est pas propre à la France, elle s’inscrit dans un contexte européen et reste d’ailleurs nettement inférieure à la moyenne européenne, qui devrait se situer entre 15 et 20 % », a commenté auprès de l’AFP Julien Boucher, le directeur de l’Ofpra. Cette hausse est particulièrement marquée en Allemagne, qui a enregistré en 2023 quelque 351 000 demandes (+ 51 %), fait-on remarquer à l’Ofpra. Plus de 110 millions de personnes étaient déplacées de force dans le monde mi-2023, selon l’ONU, du fait des guerres et de phénomènes naturels comme des sécheresses ou des inondations, ou encore à cause de crises humanitaires comme en Afghanistan. Pour la sixième année consécutive, ce sont les ressortissants-es de l’Afghanistan, justement, qui sont les premiers-ères demandeurs-ses d’asile en France, avec plus de 17 500 premières demandes introduites, selon les données de l’Ofpra. Suivent les personnes originaires du Bangladesh (8 600), de Turquie (8 500), de la République démocratique du Congo (8 000) et de la République de Guinée (7 000). Le taux de protection de l’Ofpra, c’est-à-dire la part de demandes acceptées, est en hausse en 2023, avec 33 % (+ 4 points comparé à 2022). Le délai moyen de traitement d’un dossier, lui, a baissé : il faut désormais 4,2 mois à l’Ofpra pour trancher (contre 5,2 en 2022).

    Union européenne : les demandes d'asile à leur plus haut niveau

    Les demandes d'asile dans l'Union européenne ont bondi en 2023 de 18 % pour atteindre 1,14 million, soit le niveau le plus élevé depuis la crise migratoire de 2015-2016, selon les données publiées mercredi 28 février par l'Agence de l'Union européenne pour l'asile (AUEA). Ces nouveaux chiffres sont susceptibles d'alimenter un débat déjà houleux sur l'immigration à l'approche d'une série d'élections européennes sur le continent, en particulier au Parlement européen en juin, où les partis d'extrême droite devraient faire des percées, si on en croit les sondages du moment. Les ressortissants-es syriens-nes et afghans-nes restent les groupes les plus importants parmi les demandeurs-ses d'asile, selon les données de l'agence. Fait nouveau, les Turcs-ques constituent le troisième groupe de demandeurs-ses d'asile, avec une hausse de 82 % de demandes par rapport à 2022. Dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas, le nombre de Palestiniens-nes demandant l'asile dans l'UE a atteint un niveau record de près de 11 600 en 2023, a dit l'agence, tout en notant la difficulté d'enregistrer correctement leur nombre, la plupart des États membres ne reconnaissant pas l'État palestinien. L'Allemagne a été une fois de plus la première destination des personnes demandeuses d'asile dans le bloc, recevant près d'un tiers de toutes les demandes. Si les demandes d'asile pour 2023 sont légèrement inférieures aux niveaux de 2016, elles s'ajoutent aux 4,4 millions de ressortissants-es ukrainiens-nes qui ont cherché refuge dans l'UE depuis l'invasion de leur pays par la Russie et qui n'ont pas besoin d'introduire une demande officielle. Frontex, l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, a annoncé en janvier avoir enregistré la plus forte hausse de franchissements irréguliers des frontières du bloc depuis 2016. Bruxelles a renforcé ses lois sur l'asile depuis la crise migratoire de 2015-2016, et a conclu des accords au Moyen-Orient et en Afrique du Nord visant à décourager les départs des pays d'origine, rappelle Reuters.