Je fais un don

    L’actu vue par REMAIDES : "Culture et VIH, que voir ? Que lire ?"

    • Actualité
    • 22.02.2024

    VISUEL SERIE FELLOW TRAVELERS

    Par Jean-François Laforgerie et Fred Lebreton 

    Culture et VIH : Que voir ? Que lire ?

    Série TV, pièce de théâtre, livres, concert ect. L’actualité culture autour du VIH est riche en ce mois de février. Sélection purement subjective et non exhaustive de ce qu’il faut voir et lire par la rédaction de Remaides.

    Fellow Travelers : ce que le sida a fait à nos amours

    « Nous avons tous nos secrets ». Cette phrase prononcée par Lucy Smith (jouée par Allison Williams), la femme de Hawkins Fuller (joué par Matt Bomer) donne le ton de la série Fellow Travelers. Cette mini-série télévisée américaine est fondée sur le roman du même nom écrit par Thomas Mallon et paru 2007. Mettant en vedette Matt Bomer et Jonathan Bailey, elle raconte la romance secrète qui s'étend sur des décennies (du milieu des années 50 au milieu des années 80) entre deux hommes qui se rencontrent pour la première fois pendant l'ère du maccarthysme dans les années 1950. Fellow Travelers entremêle habilement plusieurs histoires : l’histoire du combat pour les droits des personnes LGBT+ à une époque de grande répression homophobe et les difficultés de vivre son homosexualité dans ce contexte ; l’histoire d’amour entre deux hommes que tout oppose, mais qui traversent l’épreuve du temps, de l’homophobie, des pressions religieuses et sociales et de la maladie ; l’histoire de l’arrivée du VIH/sida dans la communauté homosexuelle américaine et ce que le sida a fait à cette histoire d’amour. La série offre sans conteste certaines des plus belles scènes d’amour et de sexe entre hommes vues à la télévision. À ce sujet, le journaliste Fabien Randanne a écrit un papier très intéressant pour le journal 20 Minutes : « Fellow Travelers » : Pourquoi les scènes de sexe sont si importantes dans cette série. Extrait : « La sexualité est aussi l’une des facettes des personnages et est traitée comme telle dans ce qu’elle peut dire d’eux. « Le sexe est primordial pour Hawkins Fuller, explique le showrunner et scénariste Ron Nyswaner au Los Angeles Times. Ce qui fait son charme et son pouvoir, c’est qu’il peut continuer, en cette période très répressive, de faire du sexe. Il va protéger cela à tout prix parce que c’est sa source de joie ».

    Le sexe comme source de joie et aussi comme source de drame avec l’arrivée du VIH/sida. Sans trop spoiler la série puisque l’information arrive dès le premier épisode, Fellow Travelers montre bien comment le sida a bouleversé les destins d’une communauté gay qui commençait enfin à se libérer après des siècles de répression morale, religieuse et politique. On peut y voir notamment les débuts du mouvement activiste de lutte contre le sida de San Francisco. Bref, vous l’aurez compris, la rédaction de Remaides vous recommande vivement cette série. Fellow Travelers a été diffusée pour la première fois le 29 octobre 2023 sur Showtime aux États-Unis et elle est disponible en France en intégralité sur MyCanal.

    Madonna rend hommage aux disparus-es du sida

    Une de Poz avec MadonnaEn Une du numéro de mars du magazine américain Poz, cette image de Madonna sur scène en 2024 et ce titre qui résume tout : « Un rayon de lumière (référence au célèbre tube de la chanteuse, Ray of light), Madonna donne du courage à la communauté VIH ». Dans l’article qui accompagne cette Une, le magazine américain rend hommage à celle qui, en 2023, fêtait ses 40 ans de carrière ; la même année que les 40 ans de la découverte du VIH. L’article retrace l’engagement constant de l’icône de la pop dans la lutte contre le VIH et contre l’ignorance et la sérophobie.

    Premier décembre 2023, journée mondiale de lutte contre le sida, Madonna est en larmes sur la scène du Ziggo Dome à Amsterdam (Pays-Bas). Derrière la star, sur les écrans géants, un photomontage représentant certaines des personnes chères qu'elle a perdues à cause du VIH/sida. Chaque soir, depuis le début de sa tournée mondiale Celebration Tour, le 14 octobre 2023, Madonna diffuse ce photomontage pendant la chanson « Live to Tell ». La première photo montrée était celle de l'artiste Martin Burgoyne, qui a géré la première tournée de Madonna et dont l'amitié remontait avant sa renommée. Une autre photo était celle de son premier professeur de danse, Christopher Flynn, décédé d'une maladie liée au sida, en 1990. Mais parmi ces visages qui défilent sur les écrans géants, il y a aussi des personnes que Madonna ne connaissait pas personnellement. Les photos ont été fournies avec l'aide du compte Instagram @theAIDSmemorial qui rend hommage aux personnes décédées des suites du sida. « Je me serais coupé un bras si j'avais pu trouver un remède pour qu'ils vivent. J'ai vu tant de gens mourir, hommes et femmes, enfants, hétérosexuels, homosexuels. C'était une période dévastatrice pour moi », déclare la légende de la pop à son public, pendant cette séquence très émouvante.

    Matthew Hodson, activiste et journaliste ouvertement gay et séropositif, a vécu le moment « Live to Tell » sans avoir aucune connaissance préalable que cela se produirait. « C'était un hommage très sincère et très approprié, non seulement aux personnes qu'elle a personnellement perdues, mais à l'ensemble des communautés de personnes qui nous ont été enlevées », a commenté le militant. L'un des visages diffusé sur scène est celui d'une femme nommée Debbie, la mère de Crystal Gamet, qui n'était pas sûre au départ de vouloir soumettre la photographie de sa mère, mais a fini par se sentir « vraiment reconnaissante » que les spectateurs voient sa mère et la célèbrent. Elle ne sait pas si sa mère était fan de Madonna, mais elle est contente de l'avoir fait : « Ma mère a gardé le plus grand secret pendant 17 ans, depuis le moment où elle a été diagnostiquée jusqu'à peu avant sa mort. Elle aurait adoré. J'en suis sûre. Elle aurait été fière ». Crystal Gamet a reçu des messages de personnes des quatre coins du globe qui ont vu le portrait de sa mère : « Une partie de ma guérison est toujours le partage. J'ai gardé cela secret pendant toutes ces années. Au début, pour nous deux, mais finalement juste pour [elle]. Pour moi, je ne veux plus le garder secret ».

    À 65 ans, Madonna célèbre son incroyable carrière et en profite pour rendre un des plus beaux hommages de la musique pop à nos disparus-es du sida. Respect.

    Art et VIH : Joey Terrill célèbre la vie

    Son nom n’est pas connu en France, mais le 14 février dernier, le prestigieux quotidien américain Los Angeles Times lui a consacré un long portraitJoey Terrill, 68 ans, connait une renommée tardive à travers ses œuvres exposées dans plusieurs musées de New York et Los Angeles. Cet artiste d’origine mexicaine, ouvertement gay et séropositif (diagnostiqué en 1989), a longtemps mis de côté sa carrière artistique pour se consacrer à l’activisme VIH. Il a occupé des postes clés au sein d'organisations telles que l'AIDS Healthcare Foundation et le Center for the Partially Sighted. « Le sida, c'est la guerre. Je devais concentrer mon attention sur la défense et insérer l'art quand je le pouvais », confie le militant au Los Angeles Times.

    Aujourd’hui à la retraite, Joey Terrill se concentre désormais sur son art. L'accueil chaleureux qu'il a reçu récemment — le Whitney Museum of American Art et le Museum of Modern Art de New York ont exposé ses tableaux — peut également être attribué à un monde de l'art qui a finalement rattrapé un peintre, dont le travail échappe aux catégories bien définies. L’art entre dans la vie de Joey Terrill en 1997. Le militant se sentait reconnaissant d'être en vie, mais aussi en conflit à ce sujet. L'artiste avait passé les années 80 à perdre des amis et des amants à cause des ravages du sida. Pendant un certain temps, il a porté son diagnostic comme une condamnation à mort. Mais l’arrivée des traitements efficaces en 1996 lui donne une nouvelle perspective. À cette époque, son médecin l’informe que sa charge virale est si basse qu'elle est devenue indétectable. « Indétectable », se souvient-il, une émotion palpable dans sa voix. « C'était un moment de clarté ».

    Cette renaissance inspire le militant : « Un jour, je prenais mon petit-déjeuner et il y avait une boîte de Cheerios et mes médicaments [contre le VIH], et je me suis dit, c'est une nature morte à la Tom Wesselmann [peintre américain, un des représentants du Pop Art, avec Roy Lichtenstein et Andy Warhol, ndlr] », explique-t-il, faisant référence aux peintures du défunt artiste pop. « Mais, je voulais queeriser et mexicaniser cette recette ». Joey Terrill se met à peindre des natures mortes : des arrangements sensuels de produits alimentaires et de fleurs contre des papiers peints énergiques et des sarapes (pièces de tissus multicolores, un clin d'œil à son héritage mexicain). Dans ces décors domestiques, il introduit des représentations texturées, souvent surdimensionnées, de ses médicaments contre le VIH. De temps en temps, un nu masculin attrayant apparaît en arrière-plan. 

    L'une des premières œuvres dans cette veine est intitulé « Still-Life with Crixivan ». Il s’agit une peinture de 1997 à 1998, présentant un gros concombre évoquant malicieusement un phallus, généreusement proportionné. Sur la surface de la toile, l'artiste a collé des comprimés de Crixivan provenant d'une ancienne ordonnance. Le Crixivan  a été un des premiers médicaments antirétroviraux de la classe des antiprotéases commercialisés en 1996 (et retiré en 2018). Dans les années 90, Joey Terrill avait pris ce traitement dans le cadre d'un essai clinique, mais avait été contraint d'arrêter en raison d'effets indésirables. Les pilules ont fini sur ses tableaux. « Still-Life with Crixivan » fait partie des œuvres de l'artiste — la plupart d'entre elles sont des natures mortes — exposées à la galerie Marc Selwyn Fine Art à Beverly Hills jusqu'au début du mois de mars. L'exposition met en lumière un artiste et activiste qui, depuis des décennies, a consigné sa vie et celle d'un cercle d'intimes de manière poignante et irrévérencieuse.

    Polar : La mort à Frisco

    Le Masque a eu la bonne idée de rééditer en format poche dans sa collection Tour du monde en polars, La mort à Frisco, de Michael Nava, avocat et écrivain américain gay. Ce roman noir a été publié initialement en petit format, il y a 20 ans en France dans une traduction de Pascal Loubet (un des créateurs de Têtu), d’ailleurs reprise ici. Il met pour la première fois en scène l’avocat Henry Rios, homosexuel assumé, qui deviendra, succès oblige, le héros d’une série de six polars qui ont pour objet et toile de fond la scène LGBT de San Francisco. Une série qui évoque avec force et pertinence la question du VIH, notamment avec le personnage de Josh, le compagnon d’Henry Rios. Dans ce premier titre, l’avocat travaille dans une prison de San Francisco où il est particulièrement ému par le sort d'un prisonnier incarcéré à tort et victime d'une machination homophobe. Habile, enlevé, ce roman est à l’image de la série qui constitue, derrière la fiction policière, une exploration captivante de la scène LGBT des années 80 de la côté ouest des États-Unis, qui doit naviguer entre l’impact du sida et les aspirations à l’égalité des droits. À découvrir… en attendant la suite.

    ➡️​ La Mort à Frisco, par Michael Nava, traduit par Pascal Loubet, Poche Le Masque. Collection Tour du monde en polars. 8,90 euros.

    Les anges des Lombards

    Rares sont les livres publiés en autoédition qui connaissent une seconde vie. C’est le cas du livre Les anges des Lombards de François Gilloire. Coup de cœur de la rédaction de Remaides, à laquelle l’auteur avait envoyé son manuscrit encore non publié en 2021. Le livre était sorti une première fois en autoédition chez Librinova, en octobre 2022. Dans ce récit, François Gilloire raconte comment le VIH/sida s’est s’immiscé dans sa vie et celle de ses collègues, devenus amis. Le récit se situe entre 1982 et 1989 dans une célèbre brasserie parisienne, rue des Lombards, où le narrateur travaille alors comme serveur. L’auteur dépeint, avec force et émotion, l’incrédulité de cette bande d’amis gays touchée de plein fouet par ce mystérieux virus, mais aussi la solidarité qui se met en place. Le déni, la peur, les secrets difficiles à partager et le deuil deviennent le quotidien de cette troupe soudée. Avec beaucoup de tendresse et d’humanité, François Gilloire, lui-même séropositif depuis quarante ans, rend un hommage vibrant et bouleversant à ses amis emportés par le sida. À l’occasion de la sortie du livre, la rédaction de Remaides avait rencontré François Gilloire pour un entretien. Quelques mois plus tard, l’auteur recevait le Prix du récit lors du Prix du roman gay 2022. Visiblement ému lors de la cérémonie, François Gilloire a dédié ce prix « à ceux que j’appelle les anges dans ce livre, c’est-à-dire nos amis qui sont partis. J’ai écrit ce livre en me disant que si je les rencontrais plus tard dans une vie future, ils me diraient : Oui François on valide ce que tu as dit sur nous ». Les anges des Lombards est réédité depuis le 3 novembre aux Éditions Grevis, une maison d’édition indépendante associative basée à Caen. Le texte est agrémenté d’une préface de Jane Evelyn Atwood, photographe franco-américaine, connue notamment pour son travail au long cours auprès des travailleuses du sexe de la rue des Lombards, à Paris.

    Une série sur un joueur de baseball séropositif

    Mémoire. L’actrice Jamie Lee Curtis et le producteur de séries, Ryan Murphy, travaillent ensemble sur une série inspirée par la vie de Glenn Burke, un joueur de baseball américain, noir et gay, mort des suites du sida. C’est ce que révèle le site américain Poz. Jamie Lee Curtis, qui a remporté un Oscar, cette année, pour son rôle dans Everything Everywhere All at Once, fait la Une du magazine LGBT+ The Advocate. L’actrice, âgée de 64 ans, est une activiste pour les droits des personnes trans et un soutien important pour Ruby, sa fille trans. En lisant son interview, il s’avère que Jamie Lee Curtis a une longue histoire de soutien aux communautés VIH et LGBT+. Lorsque The Advocate a demandé à l’actrice quelles personnes LGBTQ l'ont influencée, elle a d'abord mentionné la grande joueuse de tennis ouvertement lesbienne, Billie Jean King. Et Jamie Lee Curtis d’ajouter : « Il y a quelqu'un que je ne connaissais pas, mais qui a été avec moi en esprit pendant les 12 dernières années de ma vie. J'ai tenté de raconter l'histoire de Glenn Burke, qui a inventé le High Five et a commencé sa carrière de baseball en jouant pour les Los Angeles Dodgers dans les années 1970. Il était un joueur de baseball noir et homosexuel, resté dans le placard, pour les Los Angeles Dodgers de Los Angeles. Il a été échangé avec l’équipe des Oakland A's, pour finalement être exclu du baseball en raison de son homosexualité, avant de mourir du sida à Oakland », explique l’actrice. « J'ai lu le premier livre sur lui, Out at Home d'Erik Sherman, et j'ai acheté les droits du livre. Cela a été un voyage incroyablement long, mais j'ai commencé à travailler avec Ryan Murphy, et nous avons récemment transféré le projet de Netflix à Disney avant la grève [des scénaristes, puis des acteurs-rices à Hollywood, ndlr]. Ryan et moi sommes enthousiastes à l'idée de faire avancer le projet une fois que la grève sera résolue », précise Jamie Lee Curtis. Glenn Burke a fait son coming out public en 1982 et il est décédé en 1995. Des décennies plus tard, son héritage continue d'inspirer. L'année dernière, le magazine POZ a écrit sur les Dodgers qui ont rendu hommage à Glenn Burke, lors de leur soirée annuelle de la Pride. Jamie Lee Curtis a été le témoin direct de la tragédie, de la perte et de la discrimination — ainsi que de l'activisme — que le sida a déclenché dans les années 80 et 90, en particulier dans le milieu gay d'Hollywood. Dans son interview à The Advocate, l’actrice parle de son meilleur ami Richard Lewis et de son mari George, tous deux décédés de maladies liées au sida. L’actrice oscarisée utilise depuis longtemps sa célébrité afin de promouvoir la sensibilisation au VIH et collecter des fonds pour les programmes de lutte contre le VIH. Chapeau l’artiste !

    Cookie Mueller au théâtre : hommage à une femme libre

    Un soir de février 2024, il est 21h et une file d’attente s’amasse devant le Théâtre de la Huchette dans le 5ème arrondissement de Paris. La rue grouille du bruit des passants-es et des odeurs de kébab. Tout à coup, une femme sort du théâtre pour prévenir le public qu’il y a quelques minutes de retard. Finalement, les portes s’ouvrent vers 21h15. Le public est accueilli dans ce petit théâtre par une jeune femme qui déborde d’énergie. Il s’agit de l’actrice Éléonore Arnaud qui est, de toute évidence, déjà dans la peau de son personnage de Cookie Mueller. À ses côtés sur scène, l’actrice est accompagnée musicalement par Valérian Behar-Bonnet. La pièce est une proposition originale de la metteuse en scène Justine Heynemann et d’Éléonore Arnaud qui ont adapté le texte des mémoires de Cookie Mueller : Traversée en eau claire dans une piscine peinte en noir.

    Affiche Cookie MuellerQui était Cookie Mueller ? Née à Baltimore (État du Maryland, États-Unis) en 1949, Dorothy Karen Mueller, dite Cookie Mueller, était une actrice, performeuse, critique d'art et auteure américaine. L’artiste est principalement connue pour ses rôles dans les premiers films de John Waters et sa scène la plus célèbre reste celle d'une relation sexuelle avec un poulet dans le long-métrage Pink Flamingos. Son fils Max y fait également sa première apparition sous le nom de Baby Noodles. Elle retrouve le réalisateur américain et l'acteur travesti Divine en 1981 pour le film Polyester ou les aventures loufoques de la famille Fishpaw dans lequel elle incarne Betty Lalinski. « Figure emblématique de la contre-culture américaine des années 70 et 80, Cookie Mueller a vécu mille vies, à mille à l’heure. Défiant la mort, jamais très loin. Un parcours transgressif, rock, ponctué de road trips psychédéliques, de luttes enflammées et de moments d’une infinie douceur. Entrer dans l’univers de Cookie, c’est déambuler au bord de la falaise. Osez l’expérience… », promet le Théâtre de la Huchette.

    Et la promesse est tenue. Pendant près d’une heure vingt, la pétillante Éléonore Arnaud nous emmène dans l’univers underground et déjanté de Cookie Mueller. Une femme et une artiste libre, forte, fragile, douce et torturée à la fois. Sans détour, la pièce aborde les consommations de drogue et la liberté sexuelle de Cookie, mais aussi son amitié avec la photographe Nan Goldin et sa séropositivité. En 1981, lors de vacances à Fire Island avec deux proches amis-es, Nan Goldin et le photographe David Armstrong, Cookie entend parler pour la première fois du VIH se souvient Nan Goldin : « Cookie a commencé à lire à haute voix cet article du New York Times sur cette nouvelle maladie. David se souvient que nous en avons tous ri. Nous n’avions pas conscience de son ampleur. Ça ne nous a pas affectés, du genre : ça va être notre avenir. Puis, je me souviens d’un article, juste après, dans le magazine New York qui l’appelait « le cancer gay ». Notre premier ami est mort en 82, un des amants de David, un mannequin ». En 1989, Cookie Mueller décède d’une maladie liée au sida. Nan Goldin crée par la suite The Cookie Mueller Portfolio. Cette série, composée de 15 clichés et d’un texte, est consacrée à leur amitié de 13 ans. L’avant-dernière photo Cookie in her casket, N.Y.C. Nov. 15, 1989, est une photo de son amie dans son cercueil (extrait d’un texte de Julien Ribeiro publié dans Remaides 119/Printemps 2022).

    Cette pièce est une jolie façon de rendre hommage à une artiste partie bien trop tôt à une époque où le VIH/sida a emporté bien trop de personnes célèbres ou anonymes. Cookie n’est plus là, mais son œuvre perdure comme un pied de nez aux censeurs et aux conservateurs des années 80. Cookie Mueller, une femme libre… pour l’éternité.

    Infos pratiques :

    📍​ Théâtre de la Huchette (23, rueue de la Huchette, 75005 Paris)
    📅​ du mardi au samedi (à 21h) jusqu’au 20 avril (durée 1h20)
    🎟️​ Billetterie

    Texte de : Cookie Mueller, avec : Éléonore Arnaud, Valérian Behar-Bonnet (en alternance) et James Borniche (en alternance)
    Mise en scène : Justine Heynemann
    Régie : Yves Thuillier