L'actu par REMAIDES : "Produits : la conso sous mesures"
- Actualité
- 05.02.2024
Par Jean-François Laforgerie et Fred Lebreton
Produits : la conso sous mesures
Inquiétude gouvernementale concernant une « forte hausse du trafic de drogues de synthèse » ; état des lieux de la consommation d’alcool en France ; usage du tabac, en recul dans le monde ; expérimentation du cannabis légal aux Pays-Bas, Chemsex et abus sexuels, podcast sur l’addiction aux opioïdes et les traitements de substitution, questionnement sur les ruptures du Prenoxad… Ces dernières semaines, il a beaucoup été question d’usages de produits. La rédaction de Remaides fait le point.
La France inquiète de la forte hausse du trafic de drogues de synthèse
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a exprimé (21 janvier) son inquiétude face à la forte hausse du trafic de drogues de synthèse, avec plus de 180 % de saisies en plus en 2023 par rapport à l’année précédente. Ces drogues sont « de plus en plus nombreuses à arriver sur le territoire européen, et en France en particulier, les amphétamines, les ecstasy », a-t-il déclaré lors d’un déplacement dans un commissariat de banlieue parisienne. « C’est plus de 180 % de saisies par rapport à l’année d’avant, il y a vraiment un essor très important de ces drogues de synthèse et évidemment un travail très important de la gendarmerie et la police pour lutter contre ces drogues, pas toujours faciles à détecter et qui font naître un nouveau réseau criminel européen », a commenté le ministre. Selon le ministère, les saisies ont été en 2023 en France de 4,15 millions de comprimés d’ecstasy et de MDMA (contre 1,4 million en 2022) et 418 kg d’amphétamines et méthamphétamines (198 kg en 2022). Par ailleurs, le ministre a indiqué qu’il se rendrait au lancement de la nouvelle « Alliance des ports européens » pour lutter contre le trafic de drogue ; une initiative de plusieurs pays européens et d’agences de l’UE comme Europol. « Je me rendrai [mercredi 23 janvier, ndlr] à Anvers (Belgique) avec mes collègues ministres de l’Intérieur pour pouvoir établir la nouvelle stratégie européenne de lutte contre la drogue et ces drogues de synthèse notamment pour éviter que le Fentanyl arrive en Europe et singulièrement en France », a indiqué Gérald Darmanin. Évidemment, pas un mot du ministère de la Santé sur cette question, la « parole » du gouvernement sur le sujet semblant réservée au seul ministre de l’Intérieur.
Alcool : les Français-es boivent moins ; la « consommation ponctuelle excessive » augmente chez les femmes
Les Français-es boivent toujours beaucoup d’alcool, mais moins qu’avant. Par ailleurs, les femmes ont tendance à rattraper les hommes lorsqu’il s’agit de « consommation ponctuelle excessive », révèle une étude des autorités sanitaires publiée mardi 23 janvier. Selon la dernière enquête de Santé publique France (SpF) qui porte sur 2021, les tendances à long terme révèlent « une baisse très marquée de la consommation quotidienne déclarée au cours des dernières décennies ». Une baisse qui se traduit dans les chiffres de vente. Depuis des dizaines d’années, les consommations hebdomadaires et quotidiennes des Français-es diminuent. La part de consommateurs-rices hebdomadaires, qui était de 62,6 % en 2000, n’était plus que de 39 % en 2021. Et la proportion de personnes adultes consommant de l’alcool tous les jours a été quasiment divisée par trois, passant de 21,5 % en 2000 à 8 % en 2021, selon cette étude qui s’appuie sur des données déclaratives. La baisse de la consommation quotidienne perdure ces dernières années et s’observe aussi bien chez les hommes (15,2 % en 2017 et 12,6 % en 2021) que chez les femmes (5,1 % en 2017 et 3,8 % en 2021).
Comment expliquer cette baisse ? Elle est portée par la diminution de la consommation de vin. Cette tendance est le résultat d’évolutions culturelles et de la mise en place de politiques publiques, telles que la loi Évin ; très ancienne (1991) qui a limité très fortement la publicité en faveur de l’alcool, explique Santé publique France. Comme cela s’observait déjà en 2017, la consommation moyenne d’alcool diffère encore fortement selon l’âge. Les plus jeunes consomment moins souvent, mais lorsqu’ils-elles le font, ils-elles ingèrent des volumes de boissons alcooliques plus importants que leurs aînés-es. Concrètement, les 18-24 ans consomment en moyenne 3,2 verres par jour et ont 64,3 jours de consommation par an, tandis que les 65-75 ans consomment 1,6 verre, 123,7 jours par an. Autre tendance « que l’on constate depuis plusieurs années, en France comme à l’étranger, c’est un rapprochement des comportements entre hommes et femmes », a commenté auprès de l’AFP, Raphaël Andler, co-auteur de l’étude. Le point de vigilance concerne les « alcoolisations ponctuelles importantes » (autrement appelées « binge drinking »). Plutôt en diminution parmi les jeunes hommes, ce phénomène qui est défini par la consommation d’au moins six verres d’alcool en une seule occasion, tend à augmenter parmi les femmes de plus de 35 ans. Plusieurs hypothèses ont pu être avancées pour expliquer ces évolutions : l’augmentation de la part de femmes participant au marché du travail ou le recul de l’âge au premier mariage sont mentionnés par certains-es chercheurs-ses, ou encore le marketing de l’industrie de l’alcool visant le public féminin. « Cette hausse est un point d’alerte, mais le problème des alcoolisations ponctuelles importantes reste toujours plus répandu chez les hommes », nuance Viêt Nguyen-Thanh, chercheuse et co-autrice de l’étude. Pour SpF, « la mise en place d’actions de prévention pour réduire les risques induits par la consommation d’alcool » demeure ainsi « nécessaire ». La consommation d’alcool est responsable d’environ 41 000 décès par an et fait partie des premiers facteurs de risque de décès prématuré, rappelle l’agence sanitaire, mais la France n’est « pas dotée d’un plan national de lutte ».
L’usage du tabac recule petit à petit dans le monde
En baisse. Le nombre de personnes adultes qui consomment du tabac dans le monde a régulièrement baissé ces dernières années, indique l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Si l’institution internationale affiche sa satisfaction, elle prévient que l’industrie ne désarme pas. En 2022, environ une personne adulte sur cinq dans le monde fumait ou consommait des dérivés du tabac, contre une sur trois au tournant du millénaire, a rappelé l’OMS dans un nouveau rapport. L’OMS y examine les tendances de la prévalence du tabagisme entre 2000 et 2030. Les données montrent que 150 pays ont réussi à réduire la consommation de tabac. Mais bien que les taux de tabagisme soient en baisse dans la plupart des pays, l’OMS a averti que les décès liés au tabac devraient rester élevés dans les années à venir. Ces statistiques montrent que le tabagisme tue plus de huit millions de personnes chaque année, dont environ 1,3 million de non-fumeurs exposés à la fumée secondaire. Même si le nombre de fumeurs-ses n’a cessé de diminuer, l’OMS estime que l’objectif d’une baisse de 30 % de la consommation de tabac entre 2010 et 2025 ne pourra pas être atteint. Cinquante-six pays devraient y arriver, dont le Brésil qui a déjà réussi à réduire sa consommation de tabac de 35 % depuis 2010. Six pays en revanche ont vu la consommation de tabac augmenter depuis 2010: le Congo, l’Egypte, l’Indonésie, la Jordanie, Oman et la Moldavie. Dans l’ensemble, le monde est sur la bonne voie pour réduire d’un quart la consommation de tabac sur la période 2010-2025, estiment les auteurs-rices du rapport.
Mais l’OMS prévient que l’industrie du tabac n’a pas l’intention de rester les bras croisés. « Des progrès notables ont été réalisés dans la lutte antitabac ces dernières années, mais ce n’est pas le moment de rester inactif », a d’ailleurs mis en garde Ruediger Krech, directeur du département de promotion de la santé à l’OMS, dans un communiqué, cité par l’AFP. « Je suis étonné de voir jusqu’où l’industrie du tabac est prête à aller pour faire des bénéfices au détriment d’un nombre incalculable de vies », a-t-il accusé, soulignant que dès qu’un pays pense avoir gagné la guerre contre le tabac, l’industrie du tabac rouvre un nouveau front. L’OMS attire l’attention sur les nouveaux produits dits sans fumée et appelle à collecter le maximum de données au regard de leur succès auprès des adolescents-es. Ainsi, 10% des jeunes âgés-es de 13 à 15 ans dans le monde consomment un ou plusieurs types de tabac. Cela représente au moins 37 millions de consommateurs-rices de tabac adolescents-es, dont au moins 12 millions qui utilisent ces nouveaux produits. Des chiffres très largement sous-estimés puisque plus de 70 pays ne fournissent aucune donnée. Un manque d’information inquiétant face à une industrie qui tente de saper les efforts de santé publique de dissuader les jeunes, souligne l’OMS. Malgré les efforts de sensibilisation « les jeunes reconnaissent une utilisation régulière de ces produits, un accès facile pour les acheter et peu d’inquiétude face au risque de dépendance », souligne l’OMS.
Pays-Bas : début d’une expérimentation de cannabis légal
Les Néerlandais-es peuvent depuis vendredi 15 décembre, pour la première fois, consommer du cannabis légalement dans deux villes du sud des Pays-Bas. Les autorités ont lancé une expérimentation sur plusieurs années décriminalisant la production et l’approvisionnement de l’herbe aux coffee-shops, explique l’AFP. Contrairement à l’idée abondamment véhiculée à l’étranger, la vente et la consommation de haschich, d’herbe et de leurs dérivés, qui attirent depuis des décennies des fumeurs-ses de cannabis du monde entier, n’est pas légale aux Pays-Bas. Depuis les années 1970, les « drogues dites douces » y sont « tolérées », et « les autorités choisissent de ne pas poursuivre les contrevenants », selon le site Internet du gouvernement. Il était, en effet, jusqu’ici totalement illégal de cultiver du cannabis aux Pays-Bas et d’approvisionner les populaires établissements de vente. L’intégralité de la chaîne d’approvisionnement en cannabis des quelque 570 coffee-shops a opéré dans la clandestinité durant des décennies, souligne l’AFP.
L’expérimentation visant à éliminer cette « zone grise » juridique a donc débuté (15 décembre) pour quatre ans dans les villes méridionales de Bréda et Tilbourg. Elle devrait ensuite être étendue à d’autres régions du pays. Dix producteurs-rices ont été sélectionnés-es, et le cannabis fourni aux coffee-shops sera étroitement surveillé. L’objectif de l’expérience, dont les résultats seront analysés par des experts-es, est double : déterminer s’il est possible de réguler la chaîne d’approvisionnement et si la petite délinquance et les comportements antisociaux reculent. L’expérience néerlandaise s’inscrit dans une tendance plus globale. L’Allemagne voisine a approuvé une loi légalisant l’achat et la possession de cannabis à des fins récréatives. Le cannabis est disponible dans certaines pharmacies en Suisse, qui envisage également la dépénalisation de son usage récréatif. L’usage récréatif du cannabis par les adultes est déjà légal dans une vingtaine d’États américains.
Chemsex et abus sexuels
L’abus sexuel dans l’enfance apparaît comme un facteur de risque (de vulnérabilité) très important (presque six fois plus) pour qui s'engage dans la pratique régulière (non récréative) du chemsex chez les HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes) à l'âge adulte. Tel est le résultat principal d'une étude — réalisée par l'association AREMEDIA — parue dans la revue scientifique de référence BMJ STI et récemment présentée en détail au Congrès français de psychiatrie, à Lyon, le 1er décembre 2023. Dans cette étude exploratoire, plus d'un tiers des chemsexeurs engagés dans une pratique régulière seraient concernés, indique AREMEDIA. Ce que semble confirmer, par ailleurs, une très récente étude de cohorte clinique (certes limitée à 71 patients fréquentant la consultation d’addictologie de l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP). Il serait certainement important d'intégrer cette question, parmi d'autres, à une large enquête épidémiologique sur la pratique du chemsex représentative de l'ensemble des diverses populations HSH vivant en France, que tardent à lancer les pouvoirs publics, en dépit de l'urgence rappelée de manière insistante par les acteurs-rices associatifs-ves. Pour rappel, selon les résultats 2021 de l’enquête en ligne ERAS (Enquête Rapport au Sexe), la prévalence d’infection au VIH est de 22 % pour les HSH pratiquant le chemsex versus 5% pour ceux qui ne le pratiquent pas. Il serait également pertinent d'introduire la question de l'abus sexuel dans l'enfance dans la prochaine édition de cette enquête réalisée par le Sesstim et Santé publique France. De plus, AREMEDIA estime que cette « donnée inattendue » mise en évidence par son étude devrait faire évoluer et adapter la prise en charge du chemsex par les cliniciens-nes et, au-delà, intéresser l'ensemble de la communauté HSH ainsi que, bien entendu, les personnes concernées. « Dans une perspective globale, à la fois préventive et thérapeutique, et face à l'actuel essor du phénomène du chemsex, ne pourrait-on pas proposer le lancement sur les réseaux sociaux d'un mouvement communautaire sur le modèle de #MeToInceste ? », s’interroge l’équipe d’AREMEDIA.
Prenoxad : rupture de stock jusque fin mars 2024
Le Prenoxad (0,91 mg/ml) est une forme injectable de Naloxone. Ce médicament est indiqué chez l’adulte dans le traitement d’urgence des surdosages aux opioïdes, caractérisés ou suspectés, se manifestant par une dépression respiratoire et/ou une dépression du système nerveux central, dans l’attente d’une prise en charge par une structure médicalisée. L’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a informé d’une rupture de stock du Prenoxad, dans cette formulation. Dans son communiqué, l’ANSM explique que le laboratoire met à disposition un stock limité de dépannage à destination des Csapa (centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie) et Caarud (centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers-ères de drogues). Les autres formes de Naloxone restent disponibles. Cette rupture concernant le Prenoxad (0,91 mg/ml) existe depuis le 21 septembre 2023. L’Agence de sécurité du médicament (ANSM) a indiqué que les hôpitaux ne sont pas impactés. La remise à disposition de ce médicament devrait avoir lieu fin mars 2024.
« Sous emprise » : un podcast sur l’addiction aux opioïdes et les traitements de substitution
Comme le rappelle la Fédération Addiction, « Sous emprise » donne la parole aux usagers-ères et aux professionnels-les pour aborder plusieurs questions : comment bascule-t-on dans l'addiction ? Comment trouver un accompagnement ? Un premier épisode vient d'être mis en ligne. Il donne la parole à « Pascal, jeune retraité dont les premières expériences avec la drogue datent des années 80, et Alice, docteure en addictologie (…). L’un usager, l’autre médecin, ils racontent leur rencontre et ce qui l’a causée », explique la Fédération Addiction. Ce podcast, produit par Podcast Foló, aborde « l’addiction aux opioïdes et les traitements de substitution » ainsi que des sujets importants : Comment bascule-t-on dans l’addiction ? Comment trouver un accompagnement utile et non stigmatisant ? Qu’est-ce qu’une alliance thérapeutique et comment garder le lien coûte que coûte ? Comment s’adapter face à des patients-es qui vieilliront avec l’addiction ?
🎧 « Sous emprise » est disponible sur les plateformes de podcast (Spotify, Apple, Deezer etc.)