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    L'Actu vue par Remaides : Prep injectable tous les six mois : une étape clé franchie en Europe

    • Actualité
    • 07.08.2025

    ARV

    Photo : DR

     

    Par Fred Lebreton

    Prep injectable tous les six mois : une étape clé franchie en Europe

     

    Une seule injection tous les six mois : la Prep injectable au lénacapavir, déjà saluée comme un « game changer », pourrait bouleverser la prévention du VIH. Mais derrière l’euphorie médiatique, le feu vert de l’Europe reste suspendu à une série d’étapes réglementaires et à un enjeu de taille : rendre ce traitement accessible à toutes celles et ceux qui en ont le plus besoin. Explications.

     

    Une injection tous les six mois : espoir et prudence autour du lénacapavir

    Step by step. L’information a fait le tour des médias et des réseaux sociaux en cette fin du mois de juillet, mais il convient de la nuancer. Contrairement à ce que beaucoup de médias ont affirmé, la Prep injectable tous les six mois sous le nom de lénacapavir (nom commercial Yeytuo) n’est pas encore autorisée en Europe. Ce traitement vient de recevoir l'avis favorable du CHMP (Committee for Medicinal Products for Human Use) de l’EMA (Agence européenne du médicament) à l’autorisation de mise sur le marché mais attention, cet avis ne vaut pas AMM (autorisation de mise sur le marché). L’AMM définitive doit maintenant être examinée par la Commission européenne.
    Le CHMP a également adopté un avis favorable dans le cadre du programme « EU-Medicines for all » qui permet une évaluation simplifiée et facilitée dans les pays à revenu faible et intermédiaire.

    Cette étape dans la procédure d’autorisation de ce traitement demeure cruciale. Le lénacapavir à longue durée d’action agit en bloquant la multiplication du virus dans les cellules, et se distingue par une administration sous forme d’injection sous-cutanée, deux fois par an.  « Cela peut tout changer en France, en Europe et au niveau mondial », s’est réjoui Marc Dixneuf, directeur général de AIDES, sur franceinfo, en soulignant que cette solution « ouvre la porte à une chute drastique des contaminations ». Jusqu’ici, la Prep se résumait principalement à des comprimés quotidiens ou à la demande, efficaces mais peu adaptés aux publics éloignés du système de soins. L’avis favorable de l’EMA s’appuie sur des données jugées solides et obtenues en procédure accélérée, en raison d’un « intérêt majeur pour la santé publique », selon l’Agence. Ce traitement, déjà autorisé aux États-Unis depuis juin, a suscité un enthousiasme unanime dans le monde scientifique. Le professeur Yazdan Yazdanpanah, directeur de L’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, parle d’un « game changer » (   un élément qui change la donne, un tournant), probablement le plus important depuis l’arrivée des trithérapies en 1996, et Winnie Byanyima, directrice exécutive de l’Onusida, estime qu’il pourrait « changer le cours de l’épidémie », à condition d’être accessible. Son efficacité proche de 100 % pour prévenir les transmissions a été documentée, et l’Organisation mondiale de la santé a d’ailleurs recommandé en juillet de l’ajouter aux options disponibles pour les personnes exposées. Ce pas décisif n’efface pas la réalité des chiffres : 1,3 million de nouvelles infections ont encore été recensées dans le monde en 2024, dont 160 000 en Europe et 650 000 en Afrique.

    Quelles sont les prochaines étapes avant que cette nouvelle Prep soit accessible en Europe ?

    L’AMM définitive doit maintenant être examinée par la Commission européenne. Ensuite, chaque pays doit évaluer le traitement et négocier son prix. En France, la commission de la transparence de la Haute autorité de Santé (HAS) devra évaluer le produit et rendre deux avis : l’un sur ce qu'on appelle le SMR (service médical rendu), l’autre sur l’ASMR (amélioration du service médical rendu). Cette évaluation ouvrira alors la voie à une négociation du prix du médicament concerné entre l'industriel et le Comité économique des produits de santé (CEPS), un organe interministériel rattaché aux ministères de la Santé et de l’Économie. La dernière étape, celle de la négociation du prix, est en général la plus longue et la plus délicate. À titre d’exemple, la Prep en CAB LA (cabotégravir injectable tous les deux mois) a été autorisée en Europe en septembre 2023, mais n’est toujours pas commercialisée en France faute d’accord sur son prix entre l'industriel et le CEPS…

    Le prix du lénacapavir est aujourd’hui prohibitif : environ 25 000 à 30 000 euros par personne et par an aux États-Unis. « C’est l’affaire de l’État, des autorités de santé et de l’industriel. On peut espérer qu’une voie soit trouvée », a plaidé Marc Dixneuf sur France Bleu, en insistant sur la nécessité d’un remboursement intégral et d’un accès large. Pour le directeur général de AIDES, la question du prix ne suffit pas : il appelle à repenser les stratégies de prévention pour atteindre les populations les plus concernées par l’épidémie et pourtant éloignées des soins. « Il faut que les personnes puissent y avoir accès », martèle-t-il, avant de rappeler que « la Prep orale est principalement utilisée par les hommes homosexuels et a permis une baisse radicale des contaminations dans cette population. Désormais, ce sont les femmes nées en Afrique subsaharienne et les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, souvent précaires ou nés à l’étranger, qui sont les premiers concernés par l’épidémie. Il faut aller vers eux, leur expliquer l’intérêt de cet outil et générer une demande ». Si toutes les étapes réglementaires sont franchies, au moins 140 000 personnes pourraient bénéficier de ce traitement en France. Les experts-es et associations de lutte contre le sida espèrent que cette innovation, en simplifiant la prévention, sera déployée massivement d’ici 2027, pour contribuer enfin à faire reculer durablement le VIH en Europe comme ailleurs.