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    L’Actu vue par Remaides : Un jeune homme de 23 ans vivant avec le VIH menacé d’expulsion en RDC

    • Actualité
    • 19.06.2025

     

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    Crédit photo : DR.

    Par Jean-François Laforgerie

    Un jeune homme de 23 ans vivant avec le VIH menacé d'expulsion
    vers la RDC

    « La préfecture des Hautes-Pyrénées [Tarbes, ndlr] met tout en œuvre pour expulser un jeune homme de 23 ans atteint du VIH qui ne pourra pas bénéficier de soins dans son pays d’origine », dénonce un communiqué de la Cimade Sud-Ouest (16 juin). Explications sur un nouveau cas qui mobilise, notamment l’association AIDES.
    En fin d’article, une autre info sur les droits des personnes étrangères.

    « Il a très peur de rentrer au Congo »
    « "Il a très peur de rentrer au Congo", après onze ans en France, un jeune atteint du VIH menacé d'expulsion », titrent franceinfo et France3, édition Occitanie. L’information n’a pas encore gagné les grands médias nationaux, mais elle mobilise certaines ONG.

    Le jeune homme de 23 ans, J., est originaire de la République démocratique du Congo (RDC). Il vit avec le VIH et il est menacé d'expulsion en date du 23 juin. Arrivé en France à l'âge de 12 ans, J. aurait dû obtenir sa régularisation. Mais pendant la crise sanitaire de la Covid-19, les administrations qui pouvaient la lui accorder sont restées fermées. Son dossier s’est enlisé et sa situation administrative s’est détériorée. Résultat : il est aujourd’hui sous la menace d’une OQTF (obligation à quitter le territoire français). Des organisations, dont AIDES en France, et l’Union congolaise des organisations des personnes vivant avec le VIH (UCOP+) en RDC se mobilisent, depuis plusieurs jours, en sa faveur.

    « M. E. est âgé de 23 ans. Il réside en France de manière continue depuis l’âge de ses 12 ans. Toute sa vie et ses attaches se situent ici », souligne la Cimade. L’ONG lui rend visite tous les jours depuis son enfermement, le 6 mai dernier, au centre de rétention administrative de Cornebarrieu près de Toulouse : une décision de la préfecture de Tarbes. La préfecture entend l’expulser dans son pays d’origine, la RDC, où il ne pourra pas bénéficier des soins nécessaires, estime la Cimade. Deux raisons à cela : des conditions matérielles qui ne permettent pas une prise en charge adaptée à son état de santé et le fait qu’il y a subi des « discriminations en raison de sa pathologie ».
    L’ONG conteste donc cette expulsion vers un pays « dans lequel [J.] n’a plus aucune attache ni aucun relais ». « Il ne pourra pas avoir accès à la prise en charge indispensable à la préservation de son état de santé », affirme la Cimade, qui mentionne « l’arrêt du financement des programmes de lutte contre le VIH par les États-Unis [Usaid, Pepfar…, ndlr] qui crée une situation dans laquelle un « grand nombre de personnes ne pourra plus accéder au traitement » et encourt, de ce fait, un « risque vital ».

    Traitements du VIH : une situation très dégradée en RDC
    Cette opinion, l’Union congolaise des organisations des personnes vivant avec le VIH (UCOP+), établie à Kinshasa, la partage. L’ONG de RDC a été consultée par AIDES et par La Cimade sur la situation dans le pays concernant l’accès aux traitements anti-VIH et les risques encourus par J. si son expulsion était effective.
    Dans un courrier, Ange Mavula Ndeke, secrétaire exécutif national de l’UCOP+, avance plusieurs arguments qui plaident pour le maintien de J. en France.  « S’il existe [dans le pays], la loi 08/011 du 14 juillet 2008, qui est censée garantir les droits des personnes vivant avec le VIH/sida (…) Dans la pratique, l'État congolais ne s'est jamais donné les moyens de garantir et d’assurer le traitement [pour les personnes concernées] », avance ce militant de la lutte contre le sida. « Étant donné que le suivi et le traitement des personnes vivant avec le VIH ne sont pas assurés par l'État, il y a souvent un grave problème de rupture de stock de médicaments vitaux ; ce qui met en péril leurs conditions de vie, et les expose à des infections opportunistes pouvant conduire à la mort », souligne Ange Mavula Ndeke. En temps normal, cette situation est préoccupante. Elle l’est plus encore avec les récentes décisions américaines qui ont eu des conséquences délétères sur l’accès aux traitements, notamment en RDC.

    Et Ange Mavula Ndeke d’expliquer : « Toutes les organisations nationales [de lutte contre le VIH, d’accès aux soins VIH, ndlr] comme la nôtre sont subventionnées par des financements étrangers, notamment le programme USAID, mais avec la décision du président Trump de fermer ce programme d'aide internationale, le risque est grand que toutes ces organisations n'aient plus les fonds nécessaires pour faire le suivi des malades, les abandonnant à leur triste sort. En effet, l’arrêt du programme américain Pepfar (President’s Emergency Plan for AIDS Relief), qui assurait 54 % des financements pour les traitements contre le VIH en République Démocratique du Congo rend la situation très compliquée ». D’ailleurs, note le responsable de l’UCOP+ : « Nous avons déjà commencé à enregistrer un certain nombre de plaintes concernant la pénurie de médicaments. Nous craignons que la situation ne s'aggrave. Il est certain qu'avec la situation actuelle, nous enregistrerons un nombre élevé de morbidités et de morbidités liées à la décision de l'administration Trump, mais nous ne disposons pas encore de statistiques fiables à ce jour en raison de la situation d'insécurité du pays ».

    Préfecture des Hautes-Pyrénées : AIDES demande le réexamen de la situation de J.
    Même si elles sont relativement récentes, les décisions de l’administration Trump concernant la lutte contre le sida et les programmes d’accès aux traitements ont d’ores et déjà des conséquences néfastes pour les personnes vivant avec le VIH des pays concernés. Dans ce contexte, on ne comprend pas que des OQTF soient délivrées à des personnes vivant avec le VIH, a fortiori dans la situation de J., arrivé en France lorsqu’il était mineur. Dans un courrier adressé à Jean Salomon, préfet des Hautes-Pyrénées, Camille Spire, la présidente de AIDES, demande à ce que la situation de J. soit « réexaminée ». « Grâce à un traitement suivi en France, son état de santé est actuellement stabilisé. Un renvoi vers son pays d’origine compromettrait gravement sa santé, voire sa survie, en raison des importantes difficultés d’accès aux traitements et aux soins en République Démocratique du Congo », souligne Camille Spire.
    La présidente de AIDES pointe le fait que les « avis officiels sur l’accessibilité aux soins dans ce pays ne prennent pas en compte la dégradation récente de la situation sanitaire, liée à l’arrêt du programme américain Pepfar (…) La suspension de ce programme a profondément fragilisé l’accès aux traitements et aux soins pour des milliers de personnes vivant avec le VIH en RDC ». « Dans ce contexte, le renvoi de [J.] constituerait, à nos yeux, une atteinte à ses droits fondamentaux et à son droit à la santé. Il apparaît indispensable, compte tenu de la situation humanitaire, de lui permettre de poursuivre son traitement en France et de lui garantir un accès continu aux soins », soutient Camille Spire, qui sollicite le préfet « avec toute la gravité et l’humanité que requiert cette situation » pour que soit réexaminée sa situation et que soit trouvée « une solution respectueuse de ses droits et de sa dignité ».

    « Cette expulsion s’inscrit dans un contexte de restrictions massives des droits des personnes étrangères dont les conséquences sont dramatiques », dénonce, pour sa part, la Cimade, qui demande « la remise en liberté immédiate de M. E. afin qu’il puisse rejoindre ses proches et bénéficier de la prise en charge médicale dont il a besoin. » Et l’ONG de conclure : « Nous demandons l’arrêt de l’enferment des personnes malades et plus largement la fin de l’enfermement des personnes en raison de leur situation administrative ».
    Plus d’infos ici.

    Remerciements à Adrien Cornec

     

    En bref, une autre info sur les droits des personnes étrangères

    Demandeurs-ses d’asile : une décision importante du Conseil d’État

    La Coordination française du droit d’asile (CFDA) s’est félicitée dans un communiqué de la décision rendue par le Conseil d’État le 6 mai dernier. Cette décision constate « l’illégalité de l’inégalité de traitement entre les demandeurs d’asile concernant la prise en charge de leurs frais de transport. » Depuis plusieurs mois, la CFDA avait constaté que de nombreux-ses demandeurs-ses d’asile rencontraient des difficultés pour se rendre à leurs rendez-vous administratifs, notamment auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), en raison des frais de transport qui leur incombent. « Nos associations étant souvent sollicitées pour prendre en charge tout ou partie de ces frais et ainsi pallier la carence des autorités sur ce sujet », explique un communiqué. Le 12 avril 2024, la CFDA a saisi les ministres concernés, demandant une prise en charge inconditionnelle des frais de transport pour les demandeurs-ses d’asile. Face à l’absence de réponse du gouvernement, la CFDA a été contrainte d’engager un contentieux devant le Conseil d’État, en juillet 2024. Le Conseil d’État a jugé que la différence de traitement entre les demandeurs-ses d’asile hébergés-ses et ceux-celles ne bénéficiant pas du dispositif national d’accueil (DNA) constituait une discrimination illégale. Il a donc ordonné au Premier ministre de « prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à cette discrimination dans un délai de neuf mois. De plus, l’État a été condamné à verser 3 000 euros aux associations requérantes ― parmi lesquelles : ACAT-France, Association pour le droit des étrangers, Collectif Agir, Comede, Dom’Asile, le Gisti, la Cimade, la LDH, Secours catholique-Caritas France, etc. La décision représente « une avancée significative pour ceux et celles à qui elle permettra de se rendre sans contrainte financière aux rendez-vous essentiels auprès de l’OFPRA et de la CNDA », concluent les associations.