L’Actu vue par Remaides : « IAS 2025 : Climat, migrations et VIH, la triple peine des plus vulnérables »
- Actualité
- 18.07.2025
Le centre des congrès de Kigali. Photo : Bruno Spire.
Par Clément Boutet, Bruno Spire et Fred Lebreton
IAS 2025 : Climat, migrations et VIH,
la triple peine des plus vulnérables
Du 14 au 17 juillet 2025, Kigali, capitale du Rwanda, était le centre mondial de la science sur le VIH, en accueillant la conférence IAS 2025, la 13ᵉ édition de l’IAS. Cet événement s’est concentré sur les dernières avancées scientifiques et cliniques dans la lutte contre le VIH. La rédaction de Remaides vous propose une sélection des temps forts et des infos clefs. Retour sur la journée de clôture de cette conférence, jeudi 17 juillet.
Femmes trans migrantes en Argentine : quand l’accès aux soins ne suffit pas à combler les inégalités
En ce dernier jour de conférence, une session intitulée « Changement climatique, migrations et VIH » a particulièrement fait écho avec l’actualité.
Ines Arestegui, chercheuse à la Fondation Huésped en Argentine (membre de Coalition PLUS), a présenté les résultats de l’étude TransCITAR, une cohorte de 423 femmes trans vivant dans le pays, qui vise à mieux comprendre l’impact des trajectoires migratoires sur leur santé. Malgré une législation parmi les plus progressistes au monde en matière de droits des personnes trans et un accès gratuit aux soins, les femmes trans migrantes restent confrontées à de profondes inégalités sociales et sanitaires. L’analyse a montré que les « migrantes internes » (à l’intérieur du pays) étaient les plus exposées à des troubles psychologiques, avec une prévalence élevée de symptômes dépressifs, de tentatives de suicide, de consommation de substances psychoactives dans un contexte sexuel. La précarité du logement touchait plus de 50 % des migrantes contre seulement 8 % des non-migrantes. Le recours au travail du sexe, la prévalence du VIH, ainsi que les expériences de stigmatisation, notamment du fait des forces de l’ordre et de certains-es soignants-es, étaient significativement plus fréquents chez les migrantes. « Malgré des politiques inclusives, les personnes trans migrantes restent parmi les plus vulnérables, et les réponses en santé doivent être mieux adaptées à leurs réalités multiples », a insisté Ines Arestegui.
VIH et orpaillage au Mali : une bombe épidémiologique à retardement
Marion Fiorentino, chercheuse à l’IRD au sein de l’unité SESSTIM (France), a présenté les résultats de l’étude ANRS-12392 « Sanu Gundo », menée dans les sites aurifères (lieux où l’on trouve de l’or dans le sol ou les roches) du Mali, où se concentrent de multiples facteurs de vulnérabilité face au VIH. Ces zones isolées, très fréquentées durant les saisons d’exploitation, rassemblent des populations précaires, mobiles et faiblement liées aux structures de santé. L’étude, portée localement par ARCAD Santé Plus (membre de Coalition PLUS), a suivi pendant un an des personnes vivant avec le VIH récemment dépistées. Parmi les travailleuses du sexe (TDS), principalement venues du Nigeria et de Guinée, les risques de contracter le VIH étaient très élevés : jusqu’à 90 partenaires par mois, avec 24 % de rapports non protégés par un préservatif ou par la Prep et une faible perception du risque. Du côté des hommes, majoritairement maliens, plus âgés et peu scolarisés, les transmissions se faisaient surtout via des rapports non protégés par un préservatif ou par la Prep avec leurs épouses. Si les TDS vivaient pour 90 % dans une grande précarité, ce taux tombait à 35 % chez les hommes. « On observe ici un double risque de transmission, à la fois horizontal entre partenaires et vertical de la mère à l’enfant, dans des lieux où l’accès aux soins est quasi inexistant », a résumé la chercheuse.
Quand le réchauffement compromet les traitements VIH au Zimbabwe
Rutondo Weslie Mukonda, de l’organisation OPHID au Zimbabwe, a montré comment le changement climatique avait considérablement fragilisé l’accès aux soins pour les personnes vivant avec le VIH. Avec une prévalence élevée de 12,9 % en 2020, le pays voit ses infrastructures de santé mises à mal par les vagues de chaleur, les inondations ou encore les pénuries d’eau. Une étude menée dans 15 districts du pays, combinant questionnaire et groupes de discussion, a permis de recueillir les témoignages de 898 personnes vivant avec le VIH, dont une majorité de femmes. Trois quarts des participants-es ont déclaré avoir observé des effets directs du dérèglement climatique sur leur vie quotidienne. Conséquences ? Plus d’une personne sur deux a rapporté des interruptions de traitement. Parmi elles, 87 % ont signalé des difficultés d’observance en raison du manque de nourriture, 63 % un accès insuffisant à l’eau, et 26 % l’impossibilité de conserver leurs médicaments en raison des chaleurs extrêmes. Ce « cocktail toxique », selon Rutondo Weslie Mukonda, aggrave les inégalités déjà existantes. Elle a rappelé l’urgence d’interventions de protection sociale ciblées, comme le recommande également l’Onusida, pour limiter l’impact d’une crise climatique qui vient percuter de plein fouet la continuité et la qualité des soins VIH.
Quand le climat complique l’accès aux soins VIH en Afrique subsaharienne
Matylda Buczkowska, chercheuse en santé publique à l’University College London (Royaume-Uni), a présenté une revue systématique inédite sur les liens entre changement climatique et VIH en Afrique subsaharienne. En analysant 20 études (14 quantitatives et six qualitatives), elle a montré que les événements météorologiques extrêmes, comme les fortes pluies ou les vagues de chaleur, ont eu un impact délétère sur la santé sexuelle et la prise en charge du VIH, en particulier en Afrique de l’Est et australe. Les données quantitatives ont mis en évidence une hausse du travail du sexe et une baisse de l’usage du préservatif après des épisodes de pluie, ainsi qu’une augmentation des risques de transmission lors de fortes chaleurs. Les études qualitatives ont confirmé ces effets, en soulignant les conséquences indirectes : les pluies provoquent des déplacements de population, entraînant une perte d’intimité, une hausse de la stigmatisation et un moindre accès aux antirétroviraux. Pour Matylda Buczkowska, ces résultats appellent à mieux intégrer la variable climatique dans les politiques de lutte contre le VIH.
Le centre des congrès de Kigali. Photo : Bruno Spire.
Pluies diluviennes et VIH : un lien inquiétant révélé au Kenya
Geoffrey Kangogo, chercheur en santé publique à l’Université du Missouri à Columbia (États-Unis), a présenté une étude inédite sur l’impact du changement climatique sur la prévalence du VIH au Kenya. En s’appuyant sur le cadre théorique de Renzo Guinto, spécialiste des liens entre climat et santé, il a analysé les données d’une enquête nationale menée en 2019 auprès de plus de 31 000 personnes vivant avec le VIH. L’étude a révélé que 58,2 % des participants-es avaient subi des épisodes de pluies diluviennes. Ces personnes présentaient un risque accru d’être séropositives et étaient plus souvent en situation de grande précarité. Quatre régions du pays cumulaient à la fois un fort risque d’inondations et une prévalence élevée du VIH, suggérant un lien clair entre ces deux phénomènes. Les inondations ont engendré des pertes économiques majeures, contribuant à la pauvreté, laquelle a favorisé des comportements sexuels qui exposent à des risques de contracter le VIH. « Le changement climatique n’est pas qu’une menace environnementale : c’est aussi une menace directe pour la santé publique, et en particulier pour la lutte contre le VIH », a résumé Geoffrey Kangogo.
Vaccin VIH : des progrès, mais encore un long chemin
Penny Moore, virologue à l’université du Witwatersrand
(Afrique du Sud). Photo : Fred Lebreton.
C’est devenu un marronnier. Chaque année lors des conférences internationales sur le VIH, une présentation fait le point sur les « avancées » dans la recherche du Saint Graal : un vaccin contre le VIH ! Penny Moore, virologue à l’université du Witwatersrand (Afrique du Sud), s’est prêtée à cet exercice périlleux en commençant par un constat indéniable : « Toujours pas de vaccin après 40 ans de recherche », tout en exposant les progrès récents. En Afrique du Sud, pays qui concentre 8,5 millions de cas de VIH sur les 40 millions recensés dans le monde, l’enjeu est majeur. L’administration d’anticorps neutralisants à large spectre (bnAc) avant exposition au virus a montré une efficacité préventive, mais le VIH évolue sans cesse et devient plus difficile à « neutraliser ». À cela s’ajoutent le manque de données précises sur les souches circulantes et les variations immunitaires liées à la génétique des populations. Face à ces défis, les scientifiques privilégient désormais des essais vaccinaux rapides, reposant sur l’activation ciblée de cellules capables de produire des bnAc. Les nouveaux candidats vaccins sont testés directement sur des personnes vivant avec le VIH : en l’absence de réponse immunitaire, on écarte le produit. Des essais innovants avec l’ARNm (ARN messager) encapsulé dans des nanoparticules sont en cours, mais des effets indésirables, comme de l’urticaire, posent encore problème. Penny Moore a insisté sur l’importance d’une approche transversale :
« Nous disposons de tellement de nouvelles connaissances fondamentales avec une applicabilité translationnelle. Nous devons briser les silos traditionnels et tester les concepts ensemble, en confrontation directe, rapidement, chez l’humain. » Force est de constater qu’il faudra encore faire preuve de patience avant de voir émerger un vaccin efficace contre le VIH…
Triple élimination VIH, hépatite B, syphilis : une ambition mondiale freinée par des obstacles systémiques
La Dre Morkor Newman Owiredu (Organisation mondiale de la Santé).
Photo : Fred Lebreton.
Lors d’une session dédiée aux progrès vers la triple élimination de la transmission verticale (mère-enfant) du VIH, de l’hépatite B et de la syphilis, la Dre Morkor Newman Owiredu (Organisation mondiale de la Santé, OMS) a souligné une dynamique encourageante, mais inégale selon les pays. Depuis 2010, la transmission verticale du VIH a reculé de 62 % et les taux de dépistage en contexte prénatal ont nettement progressé : 93 % pour le VIH, 83 % pour la syphilis et 44 % pour l’hépatite B. Pourtant, les objectifs ne sont pas encore atteints. En 2022, on recensait encore 700 000 cas de syphilis congénitale (transmission à l’enfant au cours de la grossesse) et 4,3 millions d’enfants vivant avec le VHB dans le monde. « Il existe encore une lourde charge liée à l’hépatite B chez les enfants de moins de cinq ans, en particulier en Afrique, principalement en raison d’une couverture insuffisante de la dose de naissance du vaccin contre l’hépatite B », a-t-elle rappelé. L’initiative de l’OMS, qui récompense les progrès par des validations « bronze », « argent » ou « or », vise à accompagner cent pays vers la triple élimination d’ici 2030. Des réussites notables émergent : République démocratique du Congo, Botswana, Namibie et Kenya ont quasiment atteint cet objectif. Mais le manque de volonté politique, la fragmentation des systèmes de santé, l’insuffisance des données, l'absence de gratuité et le défaut de sensibilisation du public ralentissent l’élan mondial. La docteure a aussi insisté sur la nécessité de mieux impliquer les hommes dans les stratégies de dépistage.
Simplifier l’accès à la Prep pour mieux la diffuser
Elzette Rousseau, chercheuse à la Desmond Tutu Health Foundation
(Afrique du Sud). Photo : Fred Lebreton.
Elzette Rousseau, chercheuse à la Desmond Tutu Health Foundation (Afrique du Sud), a plaidé pour une optimisation mondiale des choix de Prep, afin de renforcer l’accès à cette stratégie de prévention du VIH. Elle a rappelé que « seule la moitié des pays ont adopté des recommandations permettant d’inclure toutes les personnes exposées », freinant ainsi le passage à l’échelle. Pour améliorer la couverture, elle a distingué trois approches complémentaires : le scale-up (étendre l’offre des produits : Prep orale, anneau vaginal, Prep injectable), le scale-out (diversifier les modalités de délivrance : télémédecine, cliniques mobiles, distributeurs automatiques, pharmacies, autotests accompagnés par les pairs-es) et le scale-deep (s’adapter aux besoins et modes de vie de chacun). Elzette Rousseau a insisté sur l’importance du libre choix : « C’est le style de vie de chacun qui est le critère le plus important des choix. » En Afrique du Sud, 78 % des adolescents-es et jeunes adultes ont préféré démarrer la Prep via des cliniques mobiles plutôt que dans des centres de soins traditionnels. Au Vietnam, l’implication du secteur privé a multiplié par quatre le nombre d’usagers-ères de Prep. Partout, la réduction de la fréquence des visites (passées de trois à six mois), la gratuité, et la non-judiciarisation du parcours sont autant de leviers pour renforcer l’adhésion. « Lorsqu’on commence à regarder de plus près, on constate que l’accès à la Prep devient de moins en moins accessible, en particulier pour les populations marginalisées », a-t-elle alerté. Pour y répondre, elle appelle à « des options variées, démédicalisées et sans jugement ».
Mieux cibler pour mieux prévenir : en Ouganda, la stratégie du « microtargeting »
Retour sur la session intitulée « de la Prep aux stratégies de réduction des risques : intensifier les approches de prévention combinée » :
Aggrey Mbabazi est un militant ougandais engagé dans la défense des droits des personnes vivant avec le VIH, particulièrement actif sur les questions de stigmatisation et d'accès aux soins en Afrique de l'Est. Dans sa présentation, le militant a plaidé pour une approche plus fine et plus ciblée de la prévention du VIH, alors que le pays n’a pas encore atteint les objectifs des « trois 95 » définis par l’Onusida. Pour toucher les populations jusque-là insuffisamment servies, il a présenté une méthode de « microtargeting », une stratégie fondée sur l’analyse de données médicales et géographiques permettant d’identifier les zones à forte prévalence, ou « hotspots ». Ces cartographies, réalisées à partir des données nationales, ont notamment révélé une concentration de jeunes femmes, souvent employées dans des bars, exposées à un risque élevé d’infection au VIH du fait d’activités sexuelles non protégées par un préservatif ou la Prep. Pourtant, parmi les personnes identifiées, seules 1,9 % avaient été diagnostiquées, et si 85 % étaient éligibles à la Prep, moins de la moitié (47 %) l’avaient effectivement commencée. D’où l’importance, selon lui, d’associer cette approche à des campagnes communautaires régulières pour maintenir les personnes dans les parcours de soins. « Le ciblage de précision permet d’atteindre les laissés-pour-compte de la prévention », a-t-il souligné, insistant sur la nécessité d’adapter les outils aux réalités de terrain et de renforcer l’accompagnement dans la durée.
Côte d’Ivoire : la Prep à l’épreuve du réel chez les travailleuses du sexe
Joseph Larmarange est démographe et chercheur à l’IRD (Institut de recherche pour le développement), spécialiste de l’épidémiologie du VIH en Afrique de l’Ouest et centrale. Le chercheur a présenté les premiers résultats de la cohorte Princesse, qui a suivi 489 travailleuses du sexe via dix cliniques mobiles, réparties entre zones rurales et urbaines à San Pedro, en Côte d’Ivoire. L’objectif : mieux comprendre la cascade de la Prep dans ce contexte. Toutes les participantes étaient éligibles à la Prep ; 98 % ont exprimé leur intention de la prendre. Pourtant, seules 62,2 % ont effectivement commencé le traitement préventif, et moins de 40 % l’ont renouvelé. Quatre profils de suivi ont émergé : très court (moins de six mois), court (six à douze mois), saisonnier (avec des interruptions de plus de six mois) et régulier. Les trajectoires individuelles, d’abord modélisées de manière statistique, ont ensuite été affinées par l’équipe : certaines n’ont jamais pris la Prep, d’autres l’ont arrêtée par désintérêt, certaines ont repris après une pause, d’autres encore n’ont jamais exprimé de désintérêt. Malgré ces parcours souvent discontinus, aucune séroconversion n’a été observée. Joseph Larmarange a souligné que l’usage de la Prep (dont le non-recours) est fortement lié à la précarité et au manque de mobilité fréquents dans les lieux de travail à bas prix. Si les débuts sont parfois chaotiques, certaines participantes deviennent avec le temps de véritables ambassadrices de la Prep auprès de leurs paires.
Tanzanie : La Prep plus accessible dans les bars qu’en clinique
Winfrida Akyoo est une militante tanzanienne engagée dans la lutte contre le VIH, spécialisée dans les droits des adolescents-es et des jeunes vivant avec le VIH en Afrique de l'Est. La militante a présenté les résultats d’un essai mené dans 112 bars de Dar es Salaam (Tanzanie) sur la dispensation de la Prep orale aux serveuses, souvent exposées au VIH en raison du travail du sexe pratiqué occasionnellement avec certains clients. L’étude a comparé l’accès à la Prep dans les bars à celui proposé en soins primaires. Résultat : la distribution dans les bars a nettement renforcé l’initiation sans nuire à l’adhérence. Sur les 1 017 femmes approchées, 439 ont été incluses dans l’étude : 121 ont commencé la Prep dans les bars et 318 ont été dirigées vers des cliniques. Au bout de six mois, les taux d’initiation se sont révélés plus élevés dans les bars (91 initiations) que dans les cliniques (85). Cela malgré les contraintes du terrain : horaires décalés, forte mobilité, défiance envers le système de soins. Les participantes avaient en moyenne 25 ans, 43 % déclaraient avoir des relations sexuelles avec leurs clients, 9 % seulement étaient originaires de Dar es Salaam, et 45 % avaient déjà entendu parler de la Prep.
L’adhérence, quant à elle, n’a pas été meilleure, mais n’a pas non plus diminué avec cette offre délocalisée. « Aller au plus près des femmes dans les lieux où elles vivent et travaillent facilite l’initiation », a résumé la chercheuse, tout en soulignant que l’enjeu reste de taille sur le suivi. Elle a suggéré que les formulations de Prep à longue durée d’action pourraient, à terme, lever cet obstacle.
« Notre travail ne fait que commencer. Nous devons protéger les acquis »
Jeanine Condo, épidémiologiste rwandaise et co-présidente
de cette édition 2025 de l’IAS. Photo : Fred Lebreton.
C’est un trio de femmes inspirantes qui a clôturé cette conférence IAS de Kigali. Jeanine Condo, épidémiologiste rwandaise et co-présidente de cette édition 2025 de l’IAS, a salué « une énergie qui nous portera vers l’avant », nourrie par les avancées scientifiques, les innovations et un esprit de coopération renouvelé. Elle a souligné la publication des recommandations de l’OMS sur le lénacapavir en Prep, saluant « un pas de géant vers la fin du VIH comme menace pour la santé publique », tout en alertant : « L’accès à cet injectable à action prolongée est tout aussi crucial ». L’Afrique, a-t-elle rappelé, reste l’épicentre de la pandémie avec plus de 26 millions de personnes vivant avec le VIH, et subit de plein fouet les coupes de l’aide internationale. Mais loin d’un tableau uniquement sombre, elle a mis en lumière le « leadership africain dans la recherche sur le vaccin contre le VIH » et les réponses communautaires innovantes issues du continent. Face à la baisse des financements, elle a plaidé pour « l’intensification de l’effort domestique [local]», une avancée sur la dette vis-à-vis des pays du Nord et une mise en œuvre concrète des solutions débattues durant cette semaine de conférence. « Notre travail ne fait que commencer. Nous devons protéger les acquis. Et aller plus loin. Nous ne reculerons pas », a-t-elle martelé, en appelant à entretenir cet élan collectif.
« Mon activisme n’est pas un choix, c’est une nécessité »
Nomonde Ngema, activiste sud-africaine de 21 ans.
Photo : Compte X IAS.
Nomonde Ngema, activiste sud-africaine de 21 ans ouvertement séropositive, a livré un témoignage aussi poignant que percutant. Née avec le VIH, elle a raconté comment, à sept ans, sa mère et sa grand-mère lui ont annoncé, avec douceur, qu’elle vivait avec le virus, sans qu’elle comprenne encore pourquoi elles pleuraient. Son enfance, marquée par les hospitalisations, les transfusions sanguines, la rééducation à la marche et la perte d’amis-es, a fait d’elle une survivante. « Mon activisme n’est pas un choix, c’est une nécessité », a-t-elle expliqué. Refusant d’être enfermée dans une « narration tragique », elle a revendiqué l’usage des réseaux sociaux, et particulièrement TikTok, comme armes pour « plaider, éduquer et bousculer les récits ». Elle a dénoncé la stigmatisation qui réapparaît dès que les financements se tarissent. « Quand l’argent disparaît, les progrès aussi. Et la honte revient, plus forte, plus agressive encore sur Internet. » Lorsqu’on coupe les ressources, a-t-elle rappelé : « Ce ne sont pas que les budgets qui rétrécissent. Ce sont les respirateurs pour des personnes comme moi [qui disparaissent, ndlr]. » S’adressant aux dirigeants-es africains-nes, elle a appelé à bâtir une riposte continentale au VIH, indépendante, inclusive et co-dirigée par les jeunes : « Nous ne sommes pas seulement l’avenir, nous sommes le présent. Il est temps que nous devenions les auteurs et autrices de notre propre histoire. »
« Nous n’avons pas besoin de plus de criminalisation ou de discrimination »
Beatriz Grinsztejn, chercheuse à la Fundação Oswaldo Cruz (Fiocruz)
et co-présidente de la conférence IAS. Photo : Fred Lebreton.
Beatriz Grinsztejn, chercheuse à la Fundação Oswaldo Cruz (Fiocruz) et co-présidente de la conférence IAS, a conclu la conférence par un vibrant plaidoyer pour une riposte au VIH plus ambitieuse, inclusive et connectée à la réalité des communautés. Elle a salué « l’esprit de solidarité, la camaraderie et l’intelligence » qui ont animé les échanges, tout en rappelant l’urgence d’agir : « Nous disposons d’une excellente boîte à outils de prévention et de traitements puissants […], mais nous sommes encore loin du compte. » Face aux menaces budgétaires, elle a salué la volonté des États-Unis de préserver le Pepfar, « qui a sauvé 26 millions de vies ». La chercheuse a insisté sur la nécessité de mettre en œuvre les avancées scientifiques : « Le statu quo ne fonctionne plus. » L’intelligence artificielle, les outils numériques et les traitements à action prolongée pourraient changer la donne, à condition d’être intégrés dans des systèmes de santé « inclusifs, réactifs, et construits avec les communautés et non pour elles ». Elle a plaidé pour que d’ici à la conférence AIDS 2026 (qui aura lieu en juillet 2026 à Rio de Janeiro, au Brésil), « le discours sur l’appropriation par les pays se traduise en actes », sans jamais marginaliser les populations clés. « Le leadership communautaire n’est pas un luxe. C’est un impératif. » Avant de conclure sur un mot d’unité : « Nous n’avons pas besoin de plus de criminalisation ou de discrimination. Nous devons en finir avec tout cela. Nous avançons ensemble. Até breve no Brasil (À bientôt au Brésil). »
Remerciements à Franck Barbier, responsable pôle Programmes et populations (Direction Innovations Programmes, AIDES)