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    L'Actu vue par Remaides : Drogues et grande précarité au centre-ville de Marseille : À quoi jouent les pouvoirs publics ?

    • Actualité
    • 20.08.2025

     

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    Par Jean-François Laforgerie

    Drogues et grande précarité au centre-ville de Marseille : A quoi jouent les pouvoirs publics?

    Associations de prévention et de réduction des risques, collectifs citoyens, structures de prise en charge des addictions, travailleurs-ses de rue et comités de riverains-es à Marseille sont récemment remontés au front pour faire part « de nouveau » de leurs « plus sérieuses inquiétudes » quant à la « dégradation constante de la situation en centre-ville », concernant la « situation des personnes en grande précarité et consommatrices de drogues ».

    Des personnes « littéralement abandonnées par la puissance publique »
    Le communiqué signé par plusieurs associations et structures de Marseille (AIDES, ASUD Marseille, Bus 31-32, Collectif Belsunce, Médecins du Monde, Nouvelle Aube) pointe que « la santé et les conditions de subsistance » des personnes en grande précarité et consommatrices de drogues, se dégradent à une « vitesse folle depuis 2022 ». « Celle des habitants des quartiers concernés également, « spectateurs du désespoir » pour paraphraser l’un d’eux, et victimes collatérales d’une politique des drogues aussi archaïque qu’inopérante », expliquent les structures signataires.
    Les auteurs-rices du communiqué estiment que : « Faute de dispositifs d’accompagnement social et sanitaire suffisamment dotés, faute de structures permettant une consommation supervisée ouvrant une porte vers le soin [il n’existe pas de haltes soins addiction, dans la deuxième ville de France, ndlr], et faute d’une réelle politique d’accès au logement, il ne reste que la rue pour ces femmes et ces hommes ultra précarisés, dont le nombre a doublé en centre-ville depuis 2023.»

    Des tensions qui ne cessent de croitre
    Faute d’une réponse efficace en matière de prise en charge et d’accompagnement, les tensions se font plus vives et plus nombreuses entre les personnes à la rue et riverains-es, qu’ils-elles soient constitués-es ou pas en association. « Sans solution pérenne en termes d’accès à l’eau, à l’hygiène et à des toilettes décentes, ces personnes doivent lutter quotidiennement contre des conditions de salubrité indignes. De fait, ces conditions impactent également les habitants. Les surdoses, les rixes exacerbées par ces conditions de vie extrêmes, et le simple fait de vivre dans la rue engendrent régulièrement des drames qui pourraient être évités. Et rendent la vie des habitants de plus en plus compliquée », constatent les signataires du communiqué.

    Les pouvoirs publics consultent… et attendent
    Le 15 juillet dernier, les associations étaient conviées « en urgence » par la Préfecture des Bouches-du-Rhône et l’Agence régionale de santé, afin de « proposer des solutions » et « tenter d’apaiser une situation devenue intenable pour toutes et tous. À commencer par les personnes directement concernées. »

    « Nous avons pointé le manque de moyens, la saturation des dispositifs médico-sociaux et l’absence de réponse publique adaptée en matière d’accès au logement. Pour rappel, les associations d’action sociale et de réduction des risques qui travaillent en centre-ville constatent toutes depuis 2023 une hausse sans précédent du nombre de personnes qui ont besoin d’accompagnement médico-psycho-social sur le long terme. » Prenons l’exemple du Caarud ASUD Mars Say Yeah où 499 personnes étaient accompagnées en 2023, 635 en 2024, et plus d’un millier en projection sur l’année 2025. Du jamais vu depuis sa création il y a 30 ans.
    « Nous avons également rappelé que cette situation, largement prévisible, est une des conséquences directes de l’incapacité de l’État (…) à répondre aux besoins primaires d’un public marginalisé que personne ne veut voir. L’incapacité aussi à mettre en place des dispositifs d’accompagnement, validés par la science depuis plus de 30 ans. Ces dispositifs ont pourtant fait leurs preuves partout en Europe, y compris en France, en réduisant de façon drastique les risques liés à l’usage de drogue et les problématiques de tranquillité publique pour les habitants des quartiers concernés. Nous pensons évidemment aux Haltes soins addictions, (HSA) dont l’implantation marseillaise a été abandonnée en janvier 2024 sur pression du ministère de l’Intérieur [Gérald Darmanin, ndlr] et d’une poignée d’opposants [dont l’ancienne ministre et élue marseillaise, Sabrina Agresti-Roubache, ndlr]. »

    Résultat de cette rencontre ? « À l’heure où nous écrivons [31 juillet, ndlr], aucune annonce spécifique n’a été faite, aucun moyen concret n’a été mis sur la table. À l’issue de la réunion, la Préfecture s’est contentée d’un communiqué exclusivement axé sur « la lutte contre le narcotrafic et la délinquance en centre-ville ». Oubliant en chemin que la délinquance est d’abord le fruit de la misère et de l’exclusion sociale. » « Nous exprimons également notre pleine solidarité avec les collectifs de riverains, qui subissent eux-aussi cette situation. Ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à partager nos constats et beaucoup appellent désormais à une réponse sociale et sanitaire adaptée. Notamment à la mise en place urgente de HSA ou autres dispositifs similaires », avance le communiqué.

    Des revendications claires
    « Qu’attendent donc les pouvoirs publics pour prendre enfin la mesure de ce qui est d’abord une catastrophe sociale et un enjeu majeur de santé publique ? », interroge le communiqué. « Combien de drames, pourtant évitables, faudra-t-il encore pour que la réponse publique se montre à la hauteur ? », taclent les signataires.
    Pour la première fois, associations et collectifs de riverains-nes ont donc décidé de « joindre leurs forces » et de « mener ce combat ensemble », dans l’espoir d’être enfin entendus.
    Leurs demandes sont claires :
    - L’annonce immédiate de moyens supplémentaires, adaptés à la réalité des besoins, afin de renforcer le travail de rue des associations et l’offre d’accompagnement ;
    - La mise en place d’une politique ambitieuse d’accès au logement pour les publics les plus précarisés ;
    - La reprise des discussions concernant l’implantation de HSA ou dispositifs similaires sur le territoire marseillais ;
    - La mise en place de rendez-vous réguliers avec les institutions concernées (Préfecture, Agence régionale de santé et Ville de Marseille) afin que la parole des associations, des habitants-es et des personnes concernées soit davantage entendue ;
    - La réouverture de centres médico-psychologiques, qui constituaient une offre de premier recours et répondaient à un besoin réel et évident ;
    - Une réflexion de fond pour un meilleur accès à l’eau, à des douches et à des toilettes dignes pour les personnes à la rue.
    À suivre.