Je fais un don

    FN, RN et lutte contre le VIH/sida : reconnais ton ennemi

    • Actualité

    Le Front national et le VIH… c’est une vieille histoire. Ce n’est pas du passé, plutôt du passif. Les sorties sérophobes éructées des années 80 de Jean-Marie Le Pen, trouvent, aujourd’hui encore, de très pénibles prolongements dans le parti dirigé par sa fille Marine Le Pen, bien qu'il soit devenu "Rassemblement national" en 2018. Lors de toutes les précédentes élections, AIDES n’a jamais souhaité interpeller les candidats-es du parti d’extrême droite, y compris en 2002 lorsque le FN est arrivé pour la première fois au second tour de la présidentielle. C'est notre façon d'affirmer que l'extrême-droite n'est pas notre interlocuteur politique : leurs idées et déclarations sont aux antipodes de nos valeurs, donc hors de question pour nous de leur donner de l'écho !

    Depuis 35 ans, cette formation politique instrumentalise le VIH/sida pour faire passer ses messages. Elle a toujours considéré les personnes séropositives et les communautés les plus concernées par le VIH comme des cibles. Elle a préconisé l’isolement des malades et décliné les lettres du mot sida en slogans politiques nauséabonds. En France, aucun parti n’a été aussi loin dans la violence de sa communication. Nous nous sommes dit qu’il était utile de le rappeler en faisant l'historique du FN, une première fois, en 2017. En 2022, après 5 ans de politiques banalisant les idées de l'extrême droite sous Emmanuel Macron, nous avons dû, hélas, y rajouter de nombreux paragraphes, à garder en tête avant de passer dans l’isoloir. Attention, ça pique.

    La violence du discours Front national à l’encontre des personnes séropositives a commencé dès 1987. C’était il y a plus de trois décennies, et rien n’a vraiment changé, même avec l'entreprise de « dédiabolisation » du parti sous Marine Le Pen.

    1987 : « les sidaïques sont de véritables bombes virologiques »

    Le grand hebdomadaire LGBT de l’époque, Gai Pied, publie en avril 1987 une interview de François Bachelot, représentant de Jean-Marie Le Pen sur les questions de santé et député FN. Celui qui est aussi médecin cancérologue explique : « Les sidaïques sont de véritables bombes virologiques. On ne fera pas de progrès dans la lutte contre le sida sans isoler les patients »C’est ce bon docteur Bachelot qui a soufflé le terme « sidatorium » à Jean-Marie Le Pen.

    Quelques semaines auparavant, ce même François Bachelot prodiguait déjà ses conseils racistes et antisémites dans une interview à Libération (13 février 1987) : interrogé sur le VIH, il met en garde les Africains « à qui il va falloir expliquer qu’il ne peuvent pas tout faire de leur vie sexuelle ». Mise en garde aussi pour les « Israélites » des risques d’infection « du fait de la circoncision ».

    1987 : « le sidaïque est une sorte de lépreux »

    « Je vous rappelle qu’un sidaïque hospitalisé coûte entre 500 000 et un million de francs par an et que le nombre de ceux-ci double tous les huit mois (…) dans les conditions actuelles, il y a rupture très grave de l’équilibre de la Sécurité sociale », explique Jean-Marie Le Pen, de passage à l’émission politique L’Heure de Vérité, le 6 mai 1987. Et d’ajouter : « Le sidaïque est contagieux par sa transpiration, ses larmes, sa salive, son contact. C’est une sorte de lépreux ». Suivant les conseils du docteur Bachelot, Jean-Marie Le Pen demande la création de « sidatoriums ».

    1987 : quand Jean Marie Le Pen suggère à des députés de « s’injecter de la salive de sidaïque »

    Le 2 juin 1987 à l'Assemblée Nationale Jean Marie Le Pen intervient : « Mme Barzach [alors secrétaire d’Etat à la Santé] ramasse les plumes et se les plante où je pense ». Et manifestement dans un très bon jour, le parlementaire d’extrême droite interpelle vivement deux de ses collègues députés François Doubin et André Rossinot, en les invitant à « s'injecter de la salive de sidaïque. Ça, ça prouverait au moins qu'ils sont courageux. À moins qu'ils ne se sentent déjà protégés par le fait qu'ils sont peut-être déjà malades ».
    Concernant la genèse du mot "sidaïque", certains spécialistes en linguistique comme Maurice Tournier se sont penchés sur ce néologisme utilisé par Le Pen père et inventé en 1986 par le journaliste d’extrême droite Guillaume Faye. Ils font remarquer que l’un des seuls mots de la langue française utilisant une construction similaire est le mot "judaïque". Un néologisme légèrement teinté d’antisémitisme donc. À ce sujet on vous recommande de lire l’excellent billet de Jérôme Martin sur son blog « VendeurSEs de haine ».

    1990 : quand le FN traduit SIDA par « Socialisme Immigration Drogue Affairisme »

    Les slogans indécents, les néologismes à double sens, c’est la marque de fabrique du FN, toutes périodes confondues. Ce slogan est dans lignée du « sida mental » inventé par Louis Pauwels en 1986 dans un éditorial du Figaro Magazine. En mars 1990, Jean-Marie Le Pen déclare : « La voie du déclin où la France s'est engagée [...] peut se résumer dans une formule qui serait celle du SIDA politique, dont les initiales signifieraient : Socialisme, Immigration, Drogue et Affairisme ». Cette campagne, le député d’extrême droite la défend le 7 décembre 1990 à l'Assemblée Nationale. Il explique alors : « D'ardentes campagnes basées sur le signe SIDA vont être menées partout. Ce sigle veut dire : "S comme socialistes, gaspilleurs et destructeurs, I comme immigration tiers-mondiste, D comme délinquance, désordre, décadence, A comme affaires, car les scandales politico-financiers sont devenus le pain quotidien honteux du système ». L’affiche et son slogan suscitent une très forte polémique et finissent devant les tribunaux. Le 23 mai 1991, la Cour d’appel de Lyon condamne l’utilisation de ce slogan, l’affiche est interdite. Et les juges d’expliquer : « L'utilisation du terme SIDA pour stigmatiser l'immigration, qui représenterait un danger aussi grave que la maladie, porte une atteinte intolérable à la dignité des malades, qui ont droit au respect et à la solidarité et également une atteinte intolérable à la dignité des populations immigrées ».

    FN affiche sida VIH jean marie lepen marine lepen eric zemmour marion maréchal le pen exposition Mucem photo Fred Lebreton

    Afiiche sérophobe du Front National - photographie prise à l'exposition « VIH/sida, l'épidémie n'est pas finie ! » par Fred Colby

    1990 : le « sida social » de Bruno Mégret

    Ancien responsable du FN, longtemps numéro 2 du parti dont il n’est plus membre aujourd’hui, Bruno Mégret a toujours beaucoup écrit et passe pour un des théoriciens de l’extrême droite française. Dans un ouvrage intitulé "La Flamme" (toujours disponible en ligne), il parle de « sida social » pour dénoncer le « cosmopolitisme [qui est] une sorte de maladie de l'esprit qui conduit à rejeter son identité propre pour se considérer comme citoyen du monde et à regarder l'univers comme sa patrie ». Et Bruno Mégret d’expliquer : « Cette maladie, le cosmopolitisme, a des effets aussi pernicieux que dévastateurs. En instaurant un véritable culte de l'autre, en accueillant sans réserve comme un bienfait systématique tout ce qui vient de l'étranger, elle agit sur la nation à la façon du sida sur le corps humain : elle détruit les défenses immunitaires, celles qui justement permettent à l'organisme de se protéger des corps étrangers indésirables et nocifs ». Ambiance.
     

    1993 : « 500 000 séropositifs » à cause du socialisme, première sortie sérophobe de Marine Le Pen

    En mars 1993, à 24 ans, Marine Le Pen est candidate pour le Front national pour la première fois aux élections législatives, à Paris. Dans sa profession de foi, elle dénonce le bilan du PS, au pouvoir depuis 1998 : « 4,5 millions de chômeurs, 4 millions de délits et de crimes, 7 millions d'immigrés, 500 000 sans-abri » et... « 500 000 séropositifs ». 500 000 séropositifs ? Un chiffre sorti de nulle part : les estimations les plus hautes n’ont jamais dépassé 200 000 personnes en France. Les personnes vivant avec le VIH sont aujourd’hui environ 170 000 sur le territoire français.

    tract le pen 1993

    1993 : le tract abject du Front National Jeunesse

    En 1993, le FNJ sort un tract bien en phase avec les valeurs du parti. Son contenu ?

    • « Ne pas intégrer le caractère obligatoire du dépistage dans le cadre d'un plan de lutte contre le sida revient à refuser de lutter efficacement contre la contamination » ;
    • « Ne pas se prémunir contre l'importation du sida et de la tuberculose via les flux migratoires nord/sud relève de l'inconscience ou du suicide. A fortiori, lorsqu'il s'agit de femmes misérables qui, à l'instar des Ghanéennes venant chercher fortune en France, tombent dans la prostitution, autre milieu propice à la contraction de la maladie » ;
    • « Il faut dès aujourd'hui inventer ou plutôt réinventer la prostitution propre et organisée » ;
    • « Considérant que la prévention, au-delà du seul préservatif, doit intégrer un retour à une certaine moralité et à des pratiques sexuelles plus saines et conformes à la nature humaine, il convient en conséquence de lutter contre la permissivité » ;
    • « Il faut exiger la séronégativité des étrangers souhaitant séjourner plus de trois mois sur le territoire national. L'obtention d'un visa sera désormais lié à un examen médical préalable ».

    1997 : à Toulon, AIDES jugée indésirable par le FN

    La ville de Toulon, remportée par le FN aux élections municipales de 1995, supprime toute subvention à l'association AIDES. « La municipalité de Toulon [a] décidé de ne plus subventionner AIDES car elle considère que l'argent des contribuables ne doit pas servir à financer le prosélytisme homosexuel et les prises de position politiciennes de cette association », explique alors Jean-Marie Le Chevalier, maire de Toulon de 1995 à 2001.

    2007 : préservatifs, ça capote pour Le Pen père !

    En avril 2007, Jean-Marie Le Pen est, une fois encore, candidat à l'élection présidentielle. Le 5 avril, il s'est opposé à la distribution de préservatifs dans les lycées. Fidèle au comique troupier, il conseille à « ceux que ça travaille » de recourir au « manu militari », sous-entendu à la masturbation. À la même période, le candidat d’extrême droite est interrogé, lors d’un débat organisé à Sciences-Po Paris par le magazine Elle sur le thème : « Ce que veulent les femmes ». On lui pose une question sur la distribution gratuite de préservatifs dans les établissements scolaires. Il réitère : « Pour ceux que ça travaille, je conseille le manu militari, ce sont des méthodes plus simples ».

    2012 : dépistage obligatoire : le FN est pour

    Le Front national défend depuis assez longtemps le dépistage obligatoire du VIH. On en trouve, par exemple, mention dans son programme en 2012 : « Décréter un dépistage obligatoire dans les cas suivants : pour le personnel soignant, lors de l’examen prénuptial et pour les victimes de viols. » On parle bien ici de dépistage obligatoire et pas de proposition de dépistage comme cela se fait aujourd’hui sans aucun problème et dans le respect du choix des personnes. Mais en matière de santé aussi, l’extrême droite aime beaucoup la contrainte.

    2015, David Rachline, directeur de campagne de Marine Le Pen : VIH pour… « Virus Intellectuellement Handicapant »

    Actuel directeur de la campagne présidentielle de Marine Le Pen, sénateur du Var, maire de Fréjus, David Rachline et sa conseillère Sonia Lauvard attaquent en août 2015 le mouvement des Jeunes Républicains, dont les militants font une tournée des plages et distribuent notamment des préservatifs. Tous deux expliquent : « Les Républicains souhaitent peut être, avec ces préservatifs, protéger les touristes contre les idées néfastes de leur parti, à moins que ce ne soit pour les protéger du syndrome du VIH (Virus Intellectuellement Handicapant), qui frappe ce mouvement depuis bien trop longtemps ». Un élégant combo de sérophobie, de validisme et de psychophobie !

    2015 : le FN trouve normal qu’on laisse les usagers-ères de drogues se contaminer

    Pas de surprise, le FN s’oppose à toute politique de réduction des risques. En matière d’usage de drogues, c’est donc le conservatisme le plus étriqué et l’absence de vision de santé publique qui prévalent. C’est notamment le cas à propos des programmes d’échanges de seringues. Le 2 octobre 2015, on délibère à l’Assemblée départementale du Vaucluse. Au moment d’accorder, par vote, les autorisations au président du Conseil départemental pour verser des subventions à des associations dont AIDES, des élu-e-s d’extrême droite se déchaînent : « On ne comprend pas que cette association [AIDES] fournisse des seringues pour que les toxicomanes s'enfoncent davantage dans la drogue ».

    Pour rappel, la mise à disposition de seringues stériles à la fin des années 80 a permis de faire chuter de façon spectaculaire les contaminations au VIH parmi les usagers-ères de drogues : ces derniers-ères représentaient 30 % des contaminations en 1987, contre moins de 2 % aujourd’hui.

    2015 : pour Kelly Betesh, candidate FN aux élections régionales, le sida n’existe pas

    Négationniste un jour, négationniste toujours. Kelly Betesh est modèle pour les affiches du parti et candidate comme conseillère régionale en 2015. La jeune femme est dixième sur la liste parisienne du FN pour les élections régionales en Ile-de-France. Elle commence alors à gagner en notoriété… à son corps défendant. Elle voit sur I-Télé un reportage qui évoque le nombre de femmes vivant avec le VIH en France et se lâche sur Twitter. Elle y explique que « le sida n’existe pas » et que c’est « l’arnaque du siècle ». Évidemment, ces propos suscitent un tollé et la jeune responsable de la section FN des V et VIèmes arrondissements de Paris fait son mea culpa. Détail cocasse : au moment où elle faisait ces déclarations, Kelly Betesh préparait le concours de médecine !

    2016 : la campagne de prévention de Santé Publique France attaquée

    La sortie en 2016 de la campagne de prévention de Santé Publique France mettant en scène des couples gays révèle des dissonances au sein du FN. En fait, tout le monde au FN est contre… sauf Florian Philippot qui défend une campagne qui décrit des « situations réelles » et estime même que « cette campagne est efficace » (France Info, novembre 2016). Le vice-président du FN Louis Aliot et Nicolas Bay, secrétaire général du parti, parlent de « propagande communautariste » et « d’indécence ». Président du groupe FN au conseil régional des Pays de la Loire, Pascal Gannat dénonce « une provocation libérale libertaire, communautariste LGBT et immigrationniste ». Interrogée sur les maires qui ont interdit cette campagne, la députée Marion Maréchal-Le Pen explique : « Je pense que ces maires ont eu raison, ça ne tient pas tellement à la question de l’homosexualité, mais surtout à la façon dont sont présentés les comportements sexuels, et que ces affiches sont à la vue de tous, notamment […] à la sortie d’un certain nombre d’écoles ».

    Robert Ménard, maire de Béziers, rattaché au mouvement Bleu Marine (d’extrême droite donc) fait partie des maires qui ont censuré la campagne de Santé publique France. Il est même allé plus loin en détournant le slogan officiel de la campagne pour un message qui prône la fidélité.

    Parlementaire européen, Bruno Gollnish se montre très prolixe à propos de la campagne de Santé Publique France. Le 24 novembre 2016, il explique sur son blog : « Campagne de prévention contre le sida : une aggravation du risque légitimée ». Le 7 décembre 2016, il est interviewé par Samuel Régnard sur Fréquence ESJ. Le journaliste lui parle du film d’animation Sausage Party et de la campagne. Le député d’extrême droite explique : « Toutes ces affiches que l’on voit dans les rues prennent acte de la promiscuité sexuelle, alors qu’on sait tous que, outre le préservatif, la meilleure façon de se préserver du sida, c’est la fidélité et la continence ! ». Et Bruno Gollnisch de trancher : « Le vagabondage sexuel est une des causes du sida ».

    Parfois, on réagit vite, trop et mal ! C’est le cas de Marie-Pierre Amilhau, élue FN et conseillère municipale à Troyes. L’élue découvre sur Internet une prétendue affiche de la campagne de Santé Publique France. Problème, elle prend pour argent comptant un photomontage avec une image pornographique, la mention « Sodomie Fellation Bondage » et le slogan officiel. Manifestement très contente d’avoir levé ce lièvre et outrée que le gouvernement socialiste ait décidé de lancer une telle campagne, elle dénonce sur Twitter cette campagne… qui n’est qu’un fake. Gros embarras, réactions en chaîne. L’élue FN est contrainte de fermer son compte Twitter après ce sérieux dérapage.

    2016 : les migrants-es, cause de tous les maux...

    Ce n’est une découverte pour personne, mais le FN entretient depuis sa création un discours xénophobe qui cible évidemment de façon obsessionnelle les personnes migrantes… y compris en matière de santé. Un exemple ? Au Parlement européen, en 2016, la députée d’extrême droite Mireille d’Ornano, une des fidèles de Jean-Marie Le Pen, interpelle la Commission européenne et dénonce dans une de ses interventions en séance « l’influence des flux migratoires sur le VIH ».

    2017 : une nouvelle charge contre l’AME… et les étrangers-ères

    Avec une constance qui tient de l’obsession. Le Front national s’est toujours opposé à l’Aide médicale d’État (AME) dont il prétend qu’elle serait  « l’une des pompes aspirantes de l’immigration illégale à 1 milliard d’euros ! ». Un argument d’ailleurs répété régulièrement et conservé dans la matrice politique du mouvement lorsque le parti d’extrême droite change de nom en 2018 pour devenir le Rassemblement national (RN). En septembre 2021, Marine Le Pen explique sur Twitter : « L’AME est un puits sans fond qu’il faut supprimer d’urgence. Le poids financier de cette prise en charge réservée aux clandestins est mirobolant pour un pays dont le système hospitalier est déjà mal en point ». Dans son programme 2022 sur le volet Santé, le mouvement d’extrême droite propose de « transformer » l’AME actuelle en « un dispositif qui prenne en charge pour les adultes les seuls soins urgents, comme dans tous les pays de l’Union européenne ». Le groupe de réflexion Terra Nova, classé à gauche, avait estimé dans un avis rendu public que supprimer l'Aide médicale d'État permettrait de faire peu d'économies (en 2017, elles représentaient 0,4 % de l'ensemble des dépenses de santé en France) et pourrait « nuire à la santé des Français ». De façon générale, le projet du RN concernant les personnes étrangères est de permettre une « discrimination légale ». Marine Le Pen souhaite, en dépit des engagements internationaux de la France, restreindre de 75 % les arrivées liées à la vie familiale et au droit d’asile, rappelait récemment Le Monde. Le parti d’extrême droite prévoit dans une éventuelle réforme constitutionnelle d’exclure toute politique qui entraînerait « l’installation d’un nombre d’étrangers sur le territoire national de nature à modifier la composition et l’identité du peuple français ».

    2018 : une homophobie salement... salée

    Le politicien d’extrême droite Jean-Marie Le Pen est condamné le 28 novembre 2018 à Paris pour des propos polémiques visant les homosexuels, et parmi eux le policier tué dans l'attentat des Champs-Élysées en 2017. À 90 ans, l'eurodéputé a été condamné pour avoir fait le lien entre « pédophilie » et homosexualité, et pour avoir affirmé que « les homosexuels, c'est comme le sel dans la soupe : s'il n'y en a pas assez c'est un peu fade, s'il y en a trop, c'est imbuvable ». Il avait également critiqué l'intervention du compagnon de Xavier Jugelé, policier assassiné sur les Champs-Élysées, lors de ses obsèques. Le tribunal correctionnel a estimé que ces trois séries de propos constituaient une injure publique contre les homosexuels, mais aussi, pour la formule « sel dans la soupe », une provocation à la haine ou à la violence. Bien sûr, on peut avancer que les saillies homophobes du père (qui sont nombreuses) ne sont pas le registre de sa fille, mais on verra qu’en matière de droits LGBT la position de la cheffe de file du RN (voir en 2021) reste dans la lignée de l’héritage familial. Par ailleurs, nombreux-ses sont les élus-es qui se trouvent « sanctionnés-es » par le parti à la suite de propos racistes, antisémites, voire homophobes.

    2019 : l’amalgame homonationaliste comme outil de propagande

    La technique de l’amalgame ne concerne pas uniquement le parallélisme entre « pédophilie » et « homosexualité » ; une des grandes spécialités des régimes illibéraux (Hongrie, Pologne…) qui avancent une prétendue protection de l’enfance pour empêcher toute évolution favorable des droits des minorités, notamment sexuelles et de genre. Cette technique de l’amalgame sert parfois d’autres desseins. On en trouve un exemple en février 2019 lorsque Julien Odoul, président du groupe RN au Conseil régional de Bourgogne Franche-Comté et membre du Bureau national du mouvement, publie un étonnant communiqué où il explique que « la lutte contre l’islamisme homophobe doit devenir une grande cause nationale ». Le mouvement prend prétexte d’un reportage de l’émission Envoyé Spécial qui traite, entre autres, de l’homophobie en banlieue, pour expliquer que les « agressions contre les homosexuels ont explosé » et que « dans l’immense majorité des cas, ces attaques sont liées à l’immigration, au développement du communautarisme et de l’islamisme dans les banlieues ». Et Julien Odoul d’oser ce parallèle : « Dans ces territoires où la République a été chassée et remplacée par l’islamisme, les homosexuels comme les juifs sont pris pour cible et condamnés à vivre cachés ou à déménager ». Évidemment, aucun chiffre ne vient étayer ce qui est une nouvelle charge homonationaliste contre un prétendu « islamisme homophobe ».

    2019 : les migrants-es, « c’est comme les éoliennes »

    Invitée de l’émission Le Grand Jury, dimanche 14 avril 2019, Marine Le Pen se fend d’une comparaison toxique sur les migrants-es. Interrogée sur l’immigration, thème central de sa campagne pour les élections européennes, la présidente du Rassemblement national tient à défendre la ligne de son allié d’alors Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur italien et figure de l’extrême droite : « Mateo Salvini ne veut plus d’immigration (…) Les migrants, c’est comme les éoliennes, tout le monde est d’accord pour qu’il y en ait, mais personne ne veut que ce soit à côté de chez lui ! », ose-t-elle lancer. Cette culture de l’insulte est prégnante à l’extrême droite. Elle pollue désormais depuis des décennies le discours politique et pas seulement celui de l’extrême droite.

    2021 : pas de critique des lois anti-LGBT

    Invitée de la matinale de France Inter, mercredi 23 juin, Marine Le Pen refuse de condamner la loi anti-LGBT récemment votée à Budapest à l’initiative du gouvernement de Viktor Orban. Ce texte a été adopté au prétexte d'interdire la « promotion de l'homosexualité » auprès des mineurs-es. La présidente du RN reprend d’ailleurs, mot pour mot, la rhétorique d’Orban, déclarant : « Je pense qu’il ne faut faire la promotion d’aucune sexualité auprès des mineurs ». « Je suis tout à fait opposée à quelque discrimination que ce soit », tente d’ailleurs de rassurer Marine Le Pen, tout en répétant : « Laissons les mineurs tranquilles ».

    2021 : une « dédiabolisation », vraiment ?

    Le journal Sud-Ouest explique que le mouvement d’extrême droite a dû retirer l’investiture, après le dépôt des listes, à plusieurs-es candidats-es aux élections régionales ou départementales, qui avaient tenu des propos racistes ou antisémites, ou qui avaient été condamnés pénalement. C’est désormais presque le cas à chacune des élections. Certes, le parti réagit (il n’a d’ailleurs plus le choix), mais cela reste une spécificité : c’est la seule formation politique où ces « dérives » atteignent une telle ampleur. Par ailleurs, le parti fait parfois preuve d’une réelle mansuétude pour ces fautes. En juillet 2021, on apprend ainsi qu’un élu suspendu pour six mois de ses délégations à la suite d’un commentaire raciste en dessous d’une publicité pour la sécurité routière — « Un couple mixte, un noir et une blanche qui font l’amour, trop c’est trop », avait-il écrit, avant de supprimer son message — a été nommé adjoint au maire RN de Fréjus, David Rachline.

    Pot pourri… tout pourri !

    Voilà, maintenant chacun-e sait à quoi s’en tenir. Notre « pot-pourri », qui n’est hélas pas exhaustif, montre que depuis trente-cinq ans, ce parti d’extrême droite s’est opposé aux mesures efficaces de lutte contre le sida. Pire encore, qu’il a prôné une politique d’exclusion, d’enfermement, de stigmatisation des personnes vivant avec le VIH, par des déclarations catastrophistes sur le sida et une vision aussi apocalyptique que paranoïaque de la maladie. Il est également le seul parti politique à avoir installé jusqu’à aujourd’hui les termes « sida » et « VIH » au cœur de son langage politique comme des éléments de disqualification, notamment de ses adversaires. Si ces dernières années, le VIH n’est plus en tête des saillies de l’extrême droite. On voit, en revanche, que les attaques contre les minorités, notamment sexuelles, les personnes étrangères, les revendications d’égalité des droits restent légion. En fait, sont dans le viseur et à des titres divers : de nombreuses personnes particulièrement exposées au VIH. Ces attaques façonnent les clivages, alimentent la détestation de l’autre, participent d’une société moins solidaire, moins généreuse, moins ouverte aux autres. Ad nauseam !

    Visuel marien le pen préservatif

    Visuel réalisé par l'agence TBWA pour AIDES en 2017

     

    Par Enzo Poultreniez, Jean-François Laforgerie,  Antoine Henry, Diane Saint Réquier, Fred Lebreton & Olga Volfson.
     

    Certains éléments d’analyse proposés dans ce texte s’inspirent des travaux du chercheur Maurice Tournier et notamment de son ouvrage : "Des mots en politique", tome 2, publié en 1997 aux éditions Klincksieck.