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    L’Actu vue par Remaides : « PLFSS 2026 : une grave atteinte à l’accès aux soins des personnes malades »

    • Actualité
    • 28.10.2025

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    Crédit Photo : DR

    Par Jean-François Laforgerie

    PLFSS 2026 : une "grave atteinte à l'accès aux soins des personnes malades", selon FAS

     

    Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2026) a été présenté mardi 14 octobre en conseil des ministres. Il prévoit de réduire le déficit de la Sécu à 17,5 milliards d'euros en 2026, après 23 milliards d'euros en 2025. Cette réduction repose sur d'importantes économies, dont beaucoup font d’ores et déjà l’objet de vives critiques, notamment de la part d’associations de santé. Remaides fait le point.

    L’Assemblée nationale a démarré mardi 21 octobre, en commission, l’examen du projet de budget de la Sécurité sociale pour 2026. Les amendements au texte devraient être discutés, toujours en commission, jeudi 23 octobre. Comme pour le projet de loi de finances, le Premier ministre Sébastien Lecornu s’est engagé à ne pas utiliser l’arme constitutionnelle du 49.3 pour faire adopter, de force, ce texte de près de 680 milliards d’euros de dépenses, soit plus que le projet de budget de l’État. L’exécutif y limite la hausse des dépenses d’Assurance maladie à 1,6 %, alors qu’elles progressent naturellement chaque année d’environ 4 %, poussées notamment par le vieillissement de la population. Le gouvernement table sur sept milliards d’économies en santé, pour beaucoup douloureuses, souligne l’AFP.  Voici où elles pourraient porter. Le PLFSS est attendu à l’Assemblée nationale, début novembre.

    Quelque 1 400 amendements ont été déposés par les différents groupes politiques, majoritairement par la gauche, selon un décompte de l’Assemblée nationale.
    Sans 49.3, le gouvernement minoritaire propose un exercice inédit à une Assemblée morcelée, sans majorité, où chaque camp tentera d’arracher des victoires au gré d’alliances variables, le Sénat pouvant transfigurer l’ensemble, analyse l’AFP. Et sans vote à l’issue des 50 jours prévus par la procédure, soit début décembre, le gouvernement pourrait faire passer son texte par ordonnances.

    2,3 milliards d'euros en doublant les franchises médicales
    Le gouvernement entend doubler le montant des franchises médicales et des participations forfaitaires, soit le reste à charge des assurés-es sur les boîtes de médicaments, les actes paramédicaux, les transports sanitaires, les consultations médicales, les examens radiologiques et les analyses biologiques.
    Le projet de budget étend le champ des participations et franchises à certains domaines qui n’y sont pas soumis, « sans véritable justification » selon le gouvernement. Les personnes malades devraient ainsi payer à chaque passage chez le dentiste ou encore lorsqu'elles se procurent des dispositifs médicaux (pansements, orthèses, etc.).
    Pour limiter la facture pour les patients-es, ces sommes ne peuvent pas dépasser un certain plafond annuel. Dans le PLFSS 2026, les plafonds annuels doubleraient également. Ils passeraient de 50 à 100 euros respectivement pour les franchises médicales et les participations forfaitaires, soit 200 euros par an au total pour une personne assurée. Le montant de la franchise sur les médicaments passerait quant à elle d’un à deux euros par boîte de médicaments, la participation forfaitaire sur les consultations médicales et les examens radiologiques passerait de deux à quatre euros par acte. Comme le rappelle des experts-es cités-es par l’AFP : le doublement des franchises médicales et des participations forfaitaires relève, sur le papier, de la voie réglementaire. Cela veut dire qu'un décret suffit pour avaliser cette mesure, sans solliciter les parlementaires pour l'examiner. Un doublement avait d’ailleurs été instauré ainsi par décret en 2024. La mesure rapporterait 2,3 milliards d'euros, selon le rapport du Haut conseil des finances publiques.
    Le projet prévoit d'alourdir encore la facture avec la création d'un plafond pour les franchises appliquées sur les transports médicaux de patients-es.
    « Aujourd'hui, 18 millions de Français-es ne payent pas les franchises du tout », avance le gouvernement. Des exonérations existent pour les femmes enceintes, les enfants ou encore les personnes bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (CSS).

    Limitation de la durée des arrêts de travail
    La durée d'un premier arrêt de travail devrait être limitée par principe à quinze jours en médecine de ville et un mois à l’hôpital explique le gouvernement. L’arrêt pourrait ensuite être renouvelé. Les motifs de l'arrêt devront figurer sur l'arrêt de travail « à des fins de contrôle par l'Assurance maladie ». Cette mesure est issue d'une des propositions inscrites au rapport Charges et Produits 2026, un document produit, chaque année, par la Caisse nationale de l'Assurance maladie (Cnam) pour éclairer les pouvoirs publics en prévision du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).

    Le dispositif des affections longue durée (ALD) serait durci
    Une personne assurée sociale reconnue en affection longue durée (ALD) non exonérante (par exemple, une dépression légère ou troubles musculosquelettiques liés à l’activité professionnelle) n'aurait plus le droit à un plafond de 1 095 journées d'indemnités journalières sur trois ans, mais à 360 jours, comme tous-tes les assurés-es sociaux-les. Selon l'Assurance maladie, les personnes sous le statut d'ALD non exonérante souffrent d'une pathologie qui nécessite une interruption de travail ou des soins d'une durée prévisible supérieure à six mois, mais qui n'ouvre pas droit à la suppression du ticket modérateur (reste à charge après remboursement de le la Sécu, autrement dit le 100 %), explique l’AFP.

    PLFSS 2026 : une grave atteinte à l’accès aux soins des personnes malades
    Le 16 octobre, France Assos Santé (FAS) a publié un communiqué en réaction au dépôt du PLFSS 2026 en Conseil des ministres, le 14 octobre. FAS ne ménage pas ses reproches contre un PLFSS qui « ne fait pas dans la demi-mesure ». « C’est net et sans bavures : sale temps à venir pour les personnes malades chroniques », souligne le collectif. Il critique le doublement des plafonds des franchises et participations par décret ; la suppression de l’exonération du ticket modérateur pour les personnes en ALD des médicaments à 15% et des cures thermales ; la création d’un plafond de franchises spécifique sur les transports, l’instauration d’une nouvelle participation forfaitaire sur les consultations dentaires ; l’instauration d’une nouvelle franchise sur les dispositifs médicaux et la fiscalisation des Indemnités journalières ALD. Cette dernière est une mesure du projet de loi de finances (PLF 2026), mais qui impactera le budget de l’Assurance maladie. « Cette mesure supprimera une forme de justice sociale qui permettait de compenser la perte de revenus subie par les personnes en affection longue durée. Lesquelles sont plus à risque d’être en arrêt de travail et n’ont pas toutes un maintien de salaire », pointe FAS.

    « Le tout additionné, il en résulte que l’ensemble de ces mesures viendra fragiliser encore plus l’accès aux soins des personnes en ayant le plus besoin », explique France Assos Santé. Le collectif s’est aussi intéressé à ce qui se passe concernant les ALD. Il fait part de sa « vigilance concernant la création de parcours de prévention pour les personnes susceptibles de basculer en ALD. Si, sur le principe, nous sommes favorables à l’accompagnement préventif en y intégrant l’activité physique adaptée, la diététique ou encore l’éducation thérapeutique, cela doit se traduire par un accès à tous, sans barrière territoriale ou financière. » « Par ailleurs, des travaux concernant les critères d’inclusion et de sortie de l’ALD vont être menés, sans qu’il soit fait référence aux associations d’usagers concernées. Il est impératif que celles-ci soient sollicitées, au risque sinon que cette réflexion ne serve qu’à durcir ces critères dans un objectif purement comptable », craint FAS.
    Et le collectif de conclure : « Au final, la copie est franchement déséquilibrée et la cible clairement désignée : les patients et les usagers, sommés de mettre la main à la poche… alors même que la prévention est totalement absente – le texte ne prévoyant, par exemple, aucune mesure concernant la lutte contre les produits néfastes à la santé. France Assos Santé entend bien ne pas en rester là et déposera, dans les prochaines heures, des amendements pour remettre de la justice, mais aussi de la cohérence dans les politiques de santé publique. »

    Une nouvelle taxe sur les dépassements d'honoraires des médecins

    Le budget de la Sécurité sociale 2026 envisage une nouvelle taxe pour faire face à la hausse importante des dépassements d’honoraires pratiqués par les médecins spécialistes, conventionnés ou non, explique un article du Figaro (17 octobre). En 2024, ces dépassements d’honoraires ont atteint 4,3 milliards d’euros, selon un rapport du Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance-maladie (HCAAM). « Cette augmentation des dépassements d’honoraires des professionnels de santé autorisés à les pratiquer (secteur 2 ou professionnels non conventionnés avec l’Assurance-maladie) contribue à limiter l’accès aux soins », argumente le PLFSS, cité par Le Figaro. Le gouvernement cherche donc à « renforcer l’incitation des professionnels à exercer une activité conventionnée », en assujettissant leurs revenus liés à une activité non conventionnée « à une sur-cotisation » dont le montant pourra être réévalué par voie réglementaire. Ce mécanisme pourrait rapporter jusqu’à 300 millions d’euros à l’Assurance-maladie. Ce ne sera une surprise pour personne mais les médecins concernés-es et leurs syndicats y sont très opposés. Certains-es menacent d’ailleurs « d’augmenter leurs tarifs pour s’opposer à cette sur-cotisation. » Selon le HCAAM, les montants des dépassements d’honoraires ont augmenté de 5 % par an depuis 2019, car les spécialistes sont de plus en plus nombreux-ses à s’installer en secteur 2, avec donc moins de concurrents-es en secteur 1, lesquels-les ne pratiquent presque pas de dépassements. « La Cnam constate que les taux d’installation en secteur 2 "restent élevés et ont globalement augmenté". Ainsi, 89 % des gynécologues obstétriciens-nes, 87 % des chirurgiens et 85 % des anesthésistes s’installent en secteur 2. Des spécialités souvent championnes dans les tarifs proposés aux patients », souligne Le Figaro. Le PLFSS 2026 semble donc vouloir lutter contre les « rentes dans le système de santé », il prévoit d’ailleurs la possibilité de procéder à des baisses de tarifs de certains secteurs lorsque serait documenter « une rentabilité manifestement excessive ».
    Dans son communiqué, France Assos Santé a réagi favorablement à la mesure visant les dépassements d’honoraires. « Elle tend à rendre moins attractif le secteur 2 en matière de cotisations sociale, mais ne propose pas une réelle régulation. Nous aurions souhaité voir inscrits un durcissement des conditions d’accès au secteur 2, au regard du taux très élevé de médecins spécialistes qui le plébiscitent, et une limitation des possibilités de dépassements », a commenté FAS.