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    La 120ème édition de REMAIDES est arrivée !

    • Remaides

    Remaides magazine sérofierté vihsibleLE DERNIER KILOMÈTRE !

    Le marathon est lancé, depuis longtemps. L’arrivée de la course se profile enfin : atteignable. Les ravitaillements d’étapes ont joué leur rôle. Il reste le dernier kilomètre à parcourir. Un soutien aux coureurs et coureuses serait le bienvenu. L’ultime coup de pouce nécessaire pour sublimer l’effort et remporter la victoire. Et puis rien, le soutien final fait défaut. Le dernier ravitaillement n’est pas à la hauteur, ne permettant pas d’aider tous-tes les athlètes. Les derniers mètres épuisent les coureurs-ses. Arrivent les crampes, le point de côté, le souffle qui se coupe. La course s’arrête, inachevée. Aucune victoire ; un échec collectif à quelques mètres de la ligne d’arrivée… que personne ne franchit.
    On peut aisément transposer ces quelques mots avec ce qui s’est récemment passé à l’occasion de la 7ème conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. L’événement planétaire s’est déroulé, en septembre dernier, à New York, sous les auspices de Joe Biden. Il a débouché sur une promesse de dons de 14,25 milliards de dollars (période 2023 – 2025). C’est le montant le plus élevé jamais promis au Fonds mondial, mais le compte n’y est pas. Ce n’est un mystère pour personne que l’objectif de cette reconstitution était que chaque pays donateur ou partenaire privé augmente sa contribution de 30 % pour atteindre le montant de 18 milliards de dollars. C’est un échec… en bout de course.

    Paradoxe, cet échec a pris l’allure d’un succès dans certains communiqués officiels. L’Onusida a fait part de sa satisfaction, tandis que le Fonds mondial, lui-même, a souligné « des promesses de dons records pour mettre fin au sida, à la tuberculose et au paludisme et prévenir les pandémies futures ». Bien sûr, l’institution est mal placée pour faire la leçon aux soutiens financiers dont elle dépend, mais les louanges de septembre tranchent singulièrement des appels inquiets à financer mieux, de ces derniers mois. L’institution a préféré pointer les effets attendus de l’investissement consenti. « Les sommes recueillies devraient permettre de sauver 20 millions de vies, d’éviter 450 millions de nouvelles infections et de raviver l’espoir d’éliminer le sida, la tuberculose et le paludisme. Elles contribueront également au renforcement des systèmes de santé et des systèmes communautaires, qui ne doivent laisser personne de côté et résister aux crises futures ». Peut-être, mais quels auraient été les progrès si le montant accordé avait été supérieur et atteint le niveau demandé par les experts-es et les organisations non gouvernementales ?
    Nous n’en saurons rien, puisque ce montant ne sera jamais investi. Il faut remarquer que le Fonds mondial a choisi de complimenter les dirigeants-es politiques, Joe Biden au premier chef, d’avoir consenti à « une mobilisation de ressources sans précédent pour la santé mondiale » alors que le « monde est confronté à des crises économiques et politiques et à des catastrophes naturelles dues au changement climatique ». Ces commentaires et compliments ont surtout pour objectif de faire croire que le verre est à moitié plein ; là ou d’autres — la société civile au premier chef — l’estiment bien trop vide.

    À 14,25 milliards de dollars, le montant des promesses reste largement en deçà de l’objectif minimum fixé : 18 milliards de dollars. L’annonce a suscité colère et déception chez de nombreux acteurs-rices de la lutte contre le sida. Car cet échec traduit « un manque de volonté politique affligeant, compte tenu de la situation inquiétante des épidémies dans le monde » a notamment réagi AIDES. Aujourd’hui encore, dix millions de personnes séropositives sont privées de traitement et 650 000 personnes sont mortes de maladies liées au sida pour la seule année 2021. L’objectif minimum de 18 milliards aurait permis au Fonds mondial de maintenir ses actions après les conséquences dramatiques de la crise de la Covid-19. On voit mal comment cela sera désormais possible. La colère vient aussi du sentiment que « l’objectif de mettre fin aux trois pandémies d’ici 2030 semble illusoire », comme l’a pointé Florence Thune, directrice générale de Sidaction. Cet échec met la lutte contre les pandémies en danger et nous éloigne durablement de l’objectif de fin de l’épidémie de VIH/sida en 2030.

    Cet échec, on le doit, pour partie, à la France. Bien sûr, la contribution française a augmenté de près de 24 %. Reste qu’elle est bien moindre que celle d’autres pays et très en deçà des 30 % a minima nécessaires pour répondre aux besoins actuels. « La contribution française à hauteur de 1,6 milliard d’euros est une nouvelle désastreuse. Elle ne permettra pas d’atteindre l’objectif onusien de 2030 sans sida et empêchera le Fonds mondial de poursuivre l’intégralité de ses actions », a d’ailleurs pilonné AIDES. La France n’est pas au rendez-vous ; d’autres également.
    « L’objectif d’éradication en 2030, [...] il est atteignable si aujourd’hui nous sommes au rendez-vous de nos responsabilités », expliquait pourtant le président Emmanuel Macron en 2019, lors de la 6ème conférence de reconstitution du Fonds mondial. Trois ans plus tard, le choix présidentiel français rate le coche. Un peu comme pour le climat : la décision prise est toujours en deçà de la promesse et du sentiment d’urgence affiché. Ce décalage Made in France n’explique pas, à lui seul, l’échec de cette conférence, mais il en est un rouage et un symbole. Celui d’un ultime ravitaillement raté qui coupe les jambes des coureurs et coureuses au dernier kilomètre !
     

    Jean-François Laforgerie,
    Coordinateur de REMAIDES

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