Je fais un don

    Le 125ème numéro de REMAIDES est disponible en ligne !

    • Remaides
    • 04.10.2023

    REMAIDES numéro 125INDÉTECTACLE = INTRANSMISSIBLE : SI, SI, ON VOUS ASSURE !

    De prime abord, le choix de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) d’en remettre une couche sur « U = U » (en français « I = I » pour Indétectable = Intransmissible), à l’occasion de la conférence internationale scientifique sur le VIH, organisée par l’International Aids Society, cet été, à Brisbane, pouvait surprendre. Pourquoi revenir en 2023 sur un consensus scientifique qu’on pensait largement partagé et définitivement établi depuis les résultats de l’étude Partner... en 2014 ? Pourquoi lancer, en ce premier jour de conférence australienne, de nouvelles directives pour ancrer, une fois encore, dans les esprits que l’efficacité du Tasp (traitement comme prévention) est réelle ? Pourquoi faut-il y revenir inlassablement alors que la révolution Tasp a connu son acte fondateur le 30 janvier 2008, lorsque le fameux avis suisse — lancé dans les médias par une interview du professeur Bernard Hirschel à l’occasion du 1er décembre 2007 — est publié dans la revue médicale Bulletin des médecins suisses ? Sans doute parce que l’info prend mal, voire pas du tout chez certains-es. Et cela sans qu’on en comprenne bien toutes les raisons. Certaines ont déjà été identifiées, comme le rôle des médias dans le traitement de cette information. Ce qui s’est passé, cet été, sur l’annonce de l’OMS tient du cas d’école.

    Retour à Brisbane. L’OMS y rend publiques ses directives qui confirment l’efficacité du Tasp et délivrent un message clair : « charge virale indétectable = zéro transmission » (voir le détail en page 24 de ce numéro). L’OMS explique que les preuves scientifiques indiquent d’une part que « les personnes vivant avec le VIH qui atteignent un niveau indétectable de virus grâce à une utilisation d’un traitement antirétroviral, ne transmettent pas le VIH à leur(s) partenaire(s) sexuels-es » et d’autre part « que le risque de transmission du VIH est négligeable, voire quasi nul, lorsqu’une personne a une mesure de charge virale du VIH inférieure ou égale à 1 000 copies/ ml, également couramment appelée charge virale supprimée [charge virale très basse, ndlr] ».

    Pour que la nouvelle « couche » sur l’intérêt de U = U produise bien son effet, l’OMS a demandé à la revue scientifique The Lancet de publier un article scientifique en appui aux directives officielles. À deux voix, le message devrait être mieux entendu. D’autant que le message est fort et clair. L’OMS et le Lancet expliquent que non seulement les personnes vivant avec le VIH, sous traitement avec une charge virale inférieure à 200 copies/ml n’ont AUCUN risque de transmettre le VIH par voie sexuelle, mais que le risque de transmission du VIH est négligeable, voire presque nul avec une charge virale inférieure à 1 000 copies/ml.

    Sur le papier, c’est net. Il y a, d’un côté, une excellente nouvelle — certes déjà connue, mais qui se heurte au plafond de verre de l’acceptabilité sur le mode : « C’est trop beau pour y croire !), et, de l’autre, une bonne nouvelle. Une excellente nouvelle et une bonne nouvelle : que vont faire les médias ? Eh bien, traiter la seconde et trapper la première. Un rapide passage en revue des articles de l’été montre qu’aucun media de grande audience ne fait état du « zéro risque de transmission » lorsqu’on a une charge virale indétectable. Les articles, lorsqu’ils traitent de la conférence et de cette annonce, font état de « peu de risque », ou mentionnent un risque « quasi nul », pour les plus audacieux-ses. C’est comme si aucun média ne saisissait la nouveauté du propos de l’OMS qui parle de « zéro risque » pour redonner un souffle nouveau à l’équation « U = U ». Personne ne semble avoir compris la portée de cette affirmation, ni son importance.

    Ce problème se double, par ailleurs d’une confusion dans un grand nombre d’articles entre les notions de charge virale indétectable ou contrôlée (qui ont un sens précis chez nous) avec celle de charge virale supprimée (une charge virale inférieure ou égale à 1000 copies/ml). En France, le seuil d’une charge virale indétectable est inférieur à 50 copies/ml. Les directives parlent, elles, de zéro risque avec une charge virale inférieure à 200 copies/ml. On se dit que vu les standards français, les médias auraient pu crier cette excellente nouvelle sur tous les toits, sur toutes les ondes, dans toutes les oreilles... qu’on vive ou pas avec le VIH ; car cette nouvelle n’est pas seulement excellente pour les PVVIH, elle l’est pour nous tous et toutes. Eh bien, non, cela ne s’est pas produit. Les médias de santé ont fait de même ou guère mieux. « VIH : Un risque quasi-nul de transmission pour de faibles taux de virémie », expliquait l’un. C’est un peu comme si une très grande majorité des médias s’étaient abrités derrière une sorte de principe de précaution illusoire pour ne pas reprendre à leur compte l’annonce révolutionnaire de l’OMS. Par contraste, l’accueil chaleureux et parfois peu précautionneux que ces mêmes médias ont fait au dernier cas en date de « guérison », en Suisse (voir en page 26 de ce numéro), montre bien l’étendue du problème. Car problème, il y a.

    Des médias escamotent en grande partie la force de l’annonce de l’OMS, ratant une occasion de faire avancer plus vite, plus fort, U = U. On sait depuis 15 ans désormais qu’on ne peut guère compter sur les pouvoirs publics pour mettre le paquet sur l’intérêt collectif de ce principe. En France, notamment. Les autorités sanitaires parlent peu du Tasp et les rares fois où cela est fait à grande échelle, le message est assorti de tant de précautions, de limites, de nuances qu’on se demande si U = U est bien une démonstration de la science ou un délire de cartomancienne. Dans le fond, le Tasp est une révolution, surtout dans la vie des personnes vivant avec le VIH, que nous peinons encore collectivement à accepter et à porter. Combien de fois encore allons-nous rater les occasions de faire avancer cette si belle conviction prouvée par la science : « Charge virale indétectable = zéro transmission ».

    Jean-François Laforgerie,
    Coordinateur de REMAIDES

    Abonnez-vous à REMAIDES

    *Champs obligatoires