L’Actu vue par Remaides : « Fédération Addiction : un congrès 2025 placé sous le signe de la créativité »
- Actualité
- 09.06.2025
Crédit photo : Fédération Addiction
Par Elisa Guyonnet, Angelo De Jesus Lucas, Kaj,
Fred Lebreton et Jean-François Laforgerie
Fédération Addiction : un congrès 2025
placé sous le signe de la créativité
Les 22 et 23 mai 2025, plus de 1 300 professionnels-les des champs médico-social, sanitaire, éducatif et associatif se sont réunis-es à Angers à l’occasion du congrès annuel de la Fédération Addiction. L’art et la créativité, thèmes centraux de cette édition 2025, ont nourri les échanges à travers douze plénières, 27 ateliers et 38 stands. Des militants-es de AIDES étaient présents-es et reviennent sur les temps forts de ce rendez-vous incontournable pour les acteurs-rices de la réduction des risques (RDR) et de la santé communautaire.
Catherine Delorme : défendre l’humain, libérer les liens
Travailleuse sociale de formation, Catherine Delorme est une figure engagée de l’addictologie en France. Élue en juillet 2024 à la présidence de la Fédération Addiction, après en avoir été vice-présidente pendant six ans, elle incarne un leadership profondément ancré dans le terrain et la pluridisciplinarité. Forte de plus de vingt ans d’expérience dans l’accompagnement des personnes concernées par des usages de drogues, elle dirige aujourd’hui plusieurs établissements de l’association Oppelia en Île-de-France. À la tête de la Fédération, Catherine Delorme défend une approche humaniste, solidaire et inclusive, attentive aux articulations entre les secteurs sanitaire, social et médico-social, et résolument tournée vers la défense des usagers-ères. En ouverture du congrès 2025 de la Fédération Addiction, la militante a prononcé un discours dense (48 minutes !) et engagé (à retrouver dans son intégralité ici.)
Contre les peurs, la créativité comme contre-pouvoir
Pour Catherine Delorme, le thème choisi pour cette édition 2025, à savoir « Créativité, art et addiction, des liens qui libèrent », s’est imposé avec force dans un contexte mondial marqué par les replis identitaires, les guerres, la montée du populisme, la pénalisation des usagers-ères, le sous-financement chronique des politiques de santé et l’effritement des solidarités. « Ce climat convoque notre créativité, pour consolider le lien humain, le libérer peut-être, et nous ramener à ce qui fait culture commune », a-t-elle énoncé en plénière d’ouverture. Loin des clichés romantiques qui lient l’usage de drogues à la production artistique, elle a tenu à déconstruire une vision trop souvent fantasmée : « La drogue ne crée pas le talent ». Elle préfère évoquer des états de conscience modifiée — ivresse, hallucination, sédation — qui, parfois, ouvrent des portes à la créativité... et parfois, les referment.
Quant à la place des artistes dans cette mythologie, elle l’explique davantage par leur visibilité et leur liberté de parole que par une quelconque prédisposition : ce ne serait pas un privilège, mais une posture sociale plus perméable à l’expression des expériences. Enfin, en filigrane de son propos, Catherine Delorme a tenu à rappeler l’ancrage historique et politique de la répression actuelle : « Ces pénalisations occidentales trouvent leur origine dans la défiance vis-à-vis de substances non autochtones, de ces produits exotiques venant d’un ailleurs que l’on nomme étranger — qui est la marque de la culture prohibitionniste des pays occidentaux à l’ère de la colonisation. »
« C’est toujours à l’individu qu’il faut se référer »
Catherine Delorme a soulevé une question intéressante : la norme, notamment en santé, peut-elle devenir un instrument d’exclusion ? La présidente de la Fédération Addiction a choisi de ne pas y répondre immédiatement, préférant ouvrir le débat : « C’est mon premier congrès, je pose des points d’interrogation. Si je suis réélue, je répondrai à toutes les questions. » a-t-elle affirmé, en faisant rire la salle. S’appuyant sur les travaux du philosophe Georges Canguilhem ― qui a beaucoup influencé Michel Foucault ―, notamment Le Normal et le Pathologique (un ouvrage fondamental sur le plan de l'anthropologie médicale et de l'histoire des idées), Catherine Delorme a rappelé que considérer l’« anormal » comme une pathologie ne relève pas forcément d’un constat objectif, mais bien d’un jugement normatif. « En matière de normes biologiques, c’est toujours à l’individu qu’il faut se référer », a-t-elle cité, insistant sur le fait que seul-e le-la patient-e peut évaluer si son état est gênant, délétère ou problématique. Ce principe, selon elle, s’applique tout autant à la clinique des addictions qu’à celle de la précarité, des modes de vie ou de la prévention.
« Les objectifs de la réduction des risques sont bien d’améliorer les conditions de vie »
La militante a poursuivi son discours par une note de sarcasme bien sentie. Les budgets des structures associatives ? « Des productions artistiques, plutôt issues du courant surréaliste, sans toutefois atteindre le merveilleux. » Elle a rappelé que les associations d’autosupport, fortes de leurs expériences et de leurs pratiques, ont contribué à développer une approche de la réduction des risques qui dépasse le simple cadre sanitaire. « Les références épistémiques [relatif à l'ensemble des connaissances propres à un groupe social, à une époque, ndlr] de la réduction des risques proviennent davantage de la santé collective et communautaire et de l’éducation populaire que des sciences médicales ou de la psychologie », a-t-elle insisté. Selon elle, les drogues peuvent aussi avoir des fonctions positives. C’est pourquoi il est essentiel de s’appuyer sur les savoirs des associations communautaires pour construire des accompagnements créatifs, intégrés à des processus de rétablissement. « Les objectifs de la réduction des risques sont bien d’améliorer les conditions de vie et de bien-être en général », a-t-elle rappelé.
Reprendre le pouvoir par l’action collective
Pour la présidente de la Fédération Addiction, les expérimentations associatives sont non seulement nécessaires, mais aussi précieuses dès lors qu’elles sont « authentiques » et « destinées à être intégrées dans le droit commun ». Elle a revendiqué un « passage à l’acte » porteur de subversion, un acte de reprise de pouvoir : « Le pouvoir d’agir, l’empowerment pour les anglicistes, l’encapacitation pour les résistants à l’anglicisme. » Elle a dénoncé la vitesse comme nouvelle norme, imposée notamment par l’intelligence artificielle : « Plus rapide que le cerveau humain, c’est ce qui la rend tellement attractive. » Elle a pointé les dangers d’une société où « l’on externalise ce qui nous constitue » pour alimenter « une servitude volontaire automatisée ».
Pour la militante, l’avenir ne réside ni dans l’IA — qu’elle qualifie d’« oxymore contemporain » — ni dans le transhumanisme, mais bien dans une quête de soi et dans la reconnaissance d’autrui. Elle a défendu un homme « augmenté » non pas par la technologie, mais par l’exploration de soi et les liens avec les autres. Et la présidente de la Fédération Addiction de conclure sur une invitation à l’expérience collective : « Vivez ce congrès comme une expérience créatrice et humaine. »
Les intervenants-es de la conférence sur les usages prescrits et autonomes des drogues. Congrès 2025 de la Fédération Addiction. Photo : Élisa Guyonnet.
Stabiliser un système de santé en crise
Succédant à Catherine Delorme, Yannick Neuder, ministre de la Santé et de l'Accès aux soins, a affirmé sa volonté d’allier protection et contrôle dans les politiques publiques de santé. « Il y a un secteur qui protège, qui prend soin, et un secteur qui contrôle. Je pense que c’est les deux [qu’il faut mener] », a-t-il résumé. Ministre depuis cinq mois seulement dans le gouvernement Bayrou, l’ancien député LR a ironisé sur la valse des titulaires à ce poste en 2024 — « Oui, c’est presque une performance » —, tout en soulignant que cette instabilité ministérielle était « extrêmement inquiétante » pour quiconque souhaite mener une politique de santé volontariste, notamment en matière de prévention.
Se disant ministre des soignants-es autant que des patients-es (un thème dont il sert aussi dans ses interventions sur la proposition de loi sur l’aide à mourir, votée le 27 mai en première lecture à l’Assemblée nationale), Yannick Neuder a plaidé pour une mobilisation collective, dépassant les clivages politiques, afin de « stabiliser notre système de santé » et répondre aux défis majeurs de son évolution. L’un de ses axes prioritaires repose sur la territorialisation des politiques de santé publique, qu’il a défendue dès sa prise de fonction, insistant sur le rôle crucial du maillage local. « Le maillage territorial est fondamental », a-t-il affirmé, appelant à une coopération sans cloisonnement entre les acteurs-rices de terrain : collectivités, institutions sanitaires, structures médico-sociales et associations. Le ministre a également évoqué les Haltes Soins Addictions (HSA), un dispositif qu’il a récemment découvert. « C’est un sujet sur lequel je vous demande un peu d’indulgence car jusqu’au 23 décembre, il n’était pas complètement dans mon spectre », a admis le cardiologue de formation. Il a rapporté avoir effectué une visite à Marseille, où Michèle Rubirola, première adjointe au maire déléguée à la santé publique, lui a présenté en détail le fonctionnement de ces structures, alors même que la cité phocéenne connait un blocage majeur de la part de la préfecture notamment pour la création d’une salle de consommation à moindre risque comme il en existe déjà une à Paris et une à Strasbourg.
« J’ai fait une visite extrêmement intéressante », a-t-il reconnu, ajoutant qu’il attend désormais plusieurs rapports avant de se prononcer plus précisément : « Comme je l’ai dit, je prendrai mes responsabilités. » Pourtant, il existe déjà de « multiples évaluations » sur le sujet, dont celle de l’Inserm, publiée en 2021. À ce jour, comme le rappelle l’éditorial du numéro 499 (mai 2025) de la revue Prescrire qui publie un excellent dossier sur le « Bilan des haltes soins addictions en France », ces évaluations « ont montré que ce dispositif a permis d’éviter de nombreuses contaminations et les coûts médicaux associés ; de sécuriser l’environnement immédiat en réduisant le nombre de seringues abandonnées dans la rue et de construire une première marche vers le soin et la réhabilitation sociale ». L’année prochaine, cela fera dix ans qu’aura débuté l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque, devenues haltes soins addictions en 2022.
Les intervenants-es de la conférence sur Frise rdr à distance.
Congrès 2025 de la Fédération Addiction. Photo : Élisa Guyonnet.
« Fermeté, pour moi, rime ici avec protéger »
Yannick Neuder a salué la diversité et le grand nombre de participants-es venus-es des secteurs sanitaire, social, éducatif, associatif ou encore scientifique. Il a qualifié la rencontre d’« un des plus importants événements sur les drogues et les addictions », soulignant l’ampleur du défi. Pour y répondre, le ministre a appelé à une « véritable coalition des acteurs », capable d’appréhender un phénomène aux déterminants à la fois médicaux, sociaux et sanitaires. Il a défendu une approche globale intégrant prévention, soins, réduction des risques et accompagnement au sevrage, tout en réaffirmant son attachement à une politique de fermeté, chère aux différents ministres de l’Intérieur en France depuis des décennies et défendue par sa formation politique : Les Républicains.
« Fermeté, pour moi, rime, ici, avec protéger », a-t-il déclaré, insistant sur la responsabilité des pouvoirs publics à protéger « en particulier notre jeunesse » contre les substances psychoactives. Avant de conclure, de manière peu nuancée : « La drogue est un poison. Il ne faut jamais la banaliser. » Sans surprise, pour le ministre de la Santé, la légalisation du cannabis n’est pas du tout à l’ordre jour ce qui a d’ailleurs suscité une vive réaction dans la salle, provoquant sifflets, huées, et quelques départs précipités.
Remerciements à Sébastien Chailleux.
Trip-report - congrès de la fédération addiction - hommage à Psychonaut.fr
Ce récit est un « trip-report ». Un trip-report, c'est la capitalisation du savoir expérientiel des drogués-es par les drogués-es, un outil de démarche communautaire qui transcende la réduction des risques. En général, on les construit comme suit : quelques infos sur soi, description du set - notre état d'esprit, ce qui nous meut et nous habite avant le début de l’expérience - du setting - ce qu'il se passe autour de nous, notre environnement plus ou moins contrôlé, positif ou négatif - de ce qu'on prend comme produit… puis on raconte.
Moi : je suis Kaj, j’ai 38 ans, 1m69 et 65kg d’expériences en matière d’usage de drogues et d’accompagnement de mes pairs-es drogués-es, que leurs usages soient récréatifs ou plus ou moins problématiques, en contexte sexuel ou non.
Mon set : de la joie et de la fatigue mêlées, beaucoup de travaux en simultané, énormément de rencontres sur le congrès, un appel à projet à terminer dans l’urgence, et mon horizon étrangement circonscrit dans de la pure et triste santé publique ― parcours de soin, usage problématique, complications liées à l’injection, prise en charge pluridisciplinaire, addiction, désocialisation, psychotrauma, budgets, violences sexuelles, plan d’action…
Le trip : 20 minutes d'intervention de Psychonaut.fr au cours d’un atelier sur l’investissement des terrains numériques par la réduction des risques.
Le setting : les quatre intervenants-tes se sont réparti un script méticuleux et vif, leurs paroles alternent si fluidement que leurs voix deviennent celle, plurielle, d’un collectif. Iels annoncent les règles du jeu : nous disposons de neuf cartons comportant chacun le nom d’une drogue. Iels vont lire, dans un dispositif théâtral minimaliste, trois trip-report. À nous de deviner les produits utilisés par les auteurs-rices parmi les neuf qui nous sont proposés.
Qu’il s’agisse de LSD, de deux poissons crus (délirogènes) accompagnés d’une marinade au miel et gingembre ou de 3-mmc, seuls les récits content. Lisez-les : je n’ai droit qu’à 4000 caractères, trop peu pour les citer, mais ils changent tout ! Ils sont sources d'empowerment pour les usagers-ères évidemment, briques de science pour la réduction des risques aussi, ce que la construction industrieuse de mixtures.info par l'une des intervenants-es illustre parfaitement. Au-delà de ces constats finalement très hygiéniques, ce sont aussi des œuvres d'art : le partage de nos émotions et sensations brutes, de nos vies mises en paroles.
Ils nous rappellent que la lutte pour la réduction des risques, la lutte contre les discriminations, la lutte contre le VIH, c’est avant tout et dans son essence la lutte contre la police des corps ― hétéronorme, cisnorme, médicalisation forcée, dispositifs carcéraux ―, la lutte contre la surveillance et la punition.
Faire des trips report, écrire, raconter nos touzes, nos amours, nos extases, nos défonces, c’est faire de la poésie biopolitique émancipatrice. C’est la réponse à la fois la plus subversive ― dans son refus d'abdiquer devant ce à quoi on veut nous réduire ― et la plus douce ― parce que ses ressorts sont le partage et l'empathie ― face au narratif incarné par le ministre de la santé lors de son discours de clôture du congrès.
Celui-ci, dans une idéologie réductrice, coercitive, prohibitionniste et un mouvement de réappropriation abjecte, positionne la réduction des risques comme le début d’un parcours forcé vers le soin pour les drogués-es. Il nous propose une grande thérapie de conversion… ou la sanction des prisons.
Psychonaut.fr, dans ses forums qui unissent nos voix, se décale et partage les histoires de nos peaux, de nos chairs, de nos émotions, de nos os. Nos corps qui dansent, qui parlent, qui baisent, qui chantent, qui vivent, qui, un peu comme avait dit Christiane en citant Léon pendant les débats sur le mariage pour tous, pissent un coup, tout à l’envi, contre la vie stupide et bête que le gouvernement nous fait depuis 55 ans. On nous désigne comme des délinquants-tes et des malades… nous sommes des conteurs-ses.
Texte de Kaj, militant à AIDES ; image : Anna Brunet
Des tables rondes en extraits...
Création et récréation : histoire et évolution des actions de réductions des risques
Animée par Karl Cerny, directeur des soins ambulatoires en addictologie, cette session réunissait Catherine Duplessy (directrice de l’association SAFE), Céline Labbé (directrice de l’association SPIRITEK à Lille), Jean-Hugues Morales (directeur TAPAJ France), Abdou Ndiaye (directeur OPPELIA Charonne, Paris) et Chiara Perlongo (délégué métiers au sein de l’association AURORE). Si cette année, l’on fête les 20 ans des Caaruds (centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues, créés en 2016), la RDR (réduction des risques) existait bien avant la loi qui a créé ce dispositif. En effet, les premières initiatives apparaissent au milieu des années 80. La France n’était pas en avance sur la RDR, les Néerlandais-es étaient des précurseurs-ses sur ce sujet, avec le côté santé globale. Céline Labbé a rappelé que l’association Spiritek avait été créée en 1998. Son objectif ? La mise en place les interventions en milieux festif pour les teufeurs et teufeuses. Le mouvement techno arrive en France, c’est le début des free parties, et rapidement les acteurs-rices de la RDR se mobilisent. On assiste alors à la création des stands, d’espaces chill out, à la création d’outils de RDR spécifiques, et à une forte présence sur place, lors des fêtes. Il s’agit alors de se former et d’avoir la capacité de gérer les « bad trips » et les surdoses. Cette année d’ailleurs, on fête les 30 ans des interventions en milieu festif, rappelle Céline Labbé qui, dans son intervention, cite plusieurs associations dont AIDES. Elle observe comme plusieurs autres associations, qu’une très forte et plus violente répression s’abat sur le monde des free et de la techno ; ce qui rend vraiment plus difficile les actions de RDR sur ces soirées et les week-ends. Autre expérience, celle de Catherine Duplessy (SAFE) qui parle de la création de la RDR à distance, au moyen d’envois personnalisés par voie postale via des colis banalisés et un envoi en 48h à domicile de matériel de RDR. La RDR à distance peut être considérée comme le plus gros Caarud de France, comme on le voit en quelques chiffres : plus de 8 000 bénéficiaires, plus de 9 000 colis envoyés, plus de 700 000 seringues et plus de 65 000 pipes à crack distribuées. Mais, il subsiste quelques freins réglementaires comme le fait qu’il n’y a pas de possibilités pour cette RDR à distance de récupérer les containers DASRI. L’expérimentation de TAPAJ (Travail Alternatif Payé À la Journée) a commencé à Bordeaux en 2006, a expliqué Jean-Hugues Morales. Cette structure concerne plus spécifiquement les jeunes de 16 à 25 ans qui consomment des produits psychoactifs. L’offre d’activité est une alternative au deal et à la manche. Elle permet aux jeunes d’avoir à la fin de la journée de travail, leur salaire en liquide directement. Cette offre comporte un accompagnement en santé globale. Sur la France, il existe 75 territoires où il y a un dispositif TAPAJ Chiara Perlongo a évoqué la consommation au sein d’un hébergement, tandis qu’Abdou Ndiaye a parlé de la RDR en Csapa (Centre de Soins, d'Accompagnement et de Prévention en Addictologie).
Santé mentale, art et parcours de la consommation
May Boumendjel (psychiatre et addictologue à l’hôpital André Mignot et au CSAPA Victor Segden, également administratrice de la Fédération des Addictions) a commencé son intervention en mettant l’accent sur le fait de bien faire la distinction entre addiction et consommation. Elle a expliqué qu’avec l’art, on peut escompter plusieurs résultats sur le psychique et le physique. Cela va de la « déstigmatisation » à l’accomplissement de soi » ; de la « création de lien social » au « phénomène de pleine conscience » en passant par l’expression des émotions et sans oublier que l’art est, en lui-même, « vecteur de soin ». Alhy Leleu est intervenue en lisant une partie de sa thèse qui a porté sur la dénonciation dans le champ des addictions de certains termes utilisés qui sont stigmatisants comme « toxico », « drogué », etc. Et de leur effet sur la santé mentale. Autrice du livre A comme Addicte et autrice-illustratrice des livres Abécédaires illustrés de l’addiction et du rétablissement, Clara Wolf a témoigné de son parcours, partageant des morceaux de sa vie, évoquant des phases de boulimie/anorexie avec consommation de drogue comme la cocaïne. Elle mentionné son « errance médiale » (psychiatre, psychologue, addictologue, cure, re-cure). Elle a expliqué que les groupes de discussion anonymes l’ont vraiment aidée dans « son cursus d’arrêt » de la consommation.
Les intervenantes de la conférence sur Santé mentale art et parcours
de consommation. Congrès 2025 de la Fédération Addiction.
Photo : Élisa Guyonnet.
Clara a aussi expliqué ses soirées passées à créer sous substance et sa satisfaction dans son travail, puis, de la difficulté de créer sans consommation voire d’arrêter de créer car l’arrêt de la consommation a créé un manque de confiance et une impression de ne rien avoir à dire ; ce qui a joué sur ses capacités créatrices. Ce qui a permis qu’elle puisse créer de nouveau c’est d’avoir obtenu une place dans un ACT (appartement de coordination thérapeutique. À son arrivée, on lui attribue un éducateur pour l’accompagner auquel elle ne trouve aucun intérêt. Elle a 26 ans et estime de pas en avoir besoin. Cependant, son éducateur se trouve être une personne qui la motive en lui proposant un accompagnement permettant de travailler son côté artistique. Clara accorde des interviews sur son parcours en différentes occasion. Elle trouve ce qu’on écrit sur elle catastrophique, ce qui la pousse à écrire son livre.
Grâce à l’art, à la création qu’elle concerne la peinture ou l’écriture, Clara « assouvît son besoin de témoignage sur ce qu’elle a vécu, pratique la poésie, dénoircit le tableau, prend enfin sa place et se sent vivante ».
Autrice du spectacle « Mon cher corps », Nathalie Barth a souffert d’addiction alimentaire ; elle tient d’ailleurs à souligner le terme « addiction », la concernant.
Nathalie est passée par énormément de structures, de professionnel-le en professionnel-le sans jamais réussir à stopper cette addiction. Sa mère trouve une association sur internet : un groupe de paroles sur les troubles du comportement alimentaire. Elle trouve aussi un thérapeute qui a mis « des mots sur mes maux », en l’occurrence celui d’hyperphagie. Durant une cure thermale, elle commence à noter « toutes ses prises de conscience ». Elle fait une « thérapie par le corps » qui consiste à comprendre et réapprendre les sensations de faim et de satiété. Elle a un coup de foudre pour le théâtre. Grace à cet art, elle s’autorise à être, se mettre en mouvement, à bouger, voir son corps autrement ; se le réapprivoiser grâce aux ateliers corporels.
Élisa Guyonnet
Les intervenants-es de la conférence sur Création et récréation RDR.
Congrès 2025 de la Fédération Addiction. Photo : Élisa Guyonnet.