L'Actu vue par Remaides : UPS 2025 : quatre jours pour partager, se rencontrer et se mobiliser
- Actualité
- 09.11.2025

De gauche à droite : Aurélien Depraz (militant à AIDES Annemasse), Jonathan Quard Cabbia (président de AIDES Auvergne-Rhône-Alpes) et Angelo De Jesus Lucas (président de AIDES Nouvelle Aquitaine) animent la plénière d’ouverture des UPS 2025. Crédit : Fred Lebreton
Par Fred Lebreton et Jean-François Laforgerie
UPS 2025 : quatre jours pour partager, se rencontrer et se mobiliser
Organisées par deux régions de AIDES (AURA et Nouvelle Aquitaine) du 8 au 11 novembre, les Universités des personnes séropositives (UPS) 2025 rassemblent plusieurs dizaines de participants-es dans un camping de Gironde pour un temps de partage, d’autosupport et de mobilisation communautaire. La rédaction de Remaides est sur place pour suivre cet événement et en raconter les moments forts. Entre récits intimes, échanges collectifs et parenthèses de respiration, bienvenue aux UPS 2025. Premier épisode.
Sous les pins, notre arrivée prend racine
Samedi 8 novembre 2025. Nous débarquons du TGV à Bordeaux, happés aussitôt par un TER qui file à travers d’immenses forêts comme s’il voulait nous déposer en pleine nature, sans autre forme de procès. Un militant de AIDES vient nous récupérer à la gare de La Hume pour nous conduire à La Teste-de-Buch. Nous longeons une longue allée bordée d’arbres qui mène jusqu’au camping de La Forge, un parc résidentiel niché au cœur d’une forêt de chênes et de pins maritimes de 19 hectares. Les mobil-homes, bungalows et chalets se cachent ici sur leurs parcelles comme des petites maisons timides qui auraient décidé de vivre en ermitage à deux pas d’Arcachon et de la Dune du Pilat. En attendant les premiers participants-es, nous nous posons dans un café, et admirons le paysage, encore un peu étonnés de cette parenthèse sylvestre. C’est alors qu’on repère l’arbre qui abrite le Tiko Bar : Sida acuta burmf., dit l’étiquette botanique. Pour un séjour qui accueille l’université des personnes séropositives, il faut reconnaître que le hasard a un sens de l’humour parfois… piquant.
C’est quoi les UPS ?
Les Universités des personnes séropositives (UPS) sont des rencontres organisées par AIDES tous les ans, dédiées au soutien et au partage entre personnes vivant avec le VIH. Les participants-es s’inscrivent dans un processus de mobilisation communautaire visant à renforcer leurs capacités individuelles et collectives en matière de santé. Conçues comme un espace où l’on prend soin de soi et de la communauté, les UPS permettent d’exprimer attentes et besoins pour améliorer le système de soins tout en offrant des temps ressourçants : ateliers, relaxation, échanges. Leur objectif principal est d’aider chacun-e à agir favorablement pour sa propre santé grâce au partage d’expériences et de problématiques liées au VIH. Les participants-es sont invités-es à développer leurs aptitudes à s’entraider, à renforcer leur mieux-être psychologique, à améliorer leur communication avec leur entourage et les professionnels-les de santé, et à s’engager, individuellement ou collectivement, pour faire évoluer les acteurs-rices sanitaires, sociaux-les et associatifs-ves vers une meilleure prise en compte des besoins des personnes vivant avec le VIH.

L’ensemble des animateurs-rices, intervenants-e et encadrants-es des UPS 2025 lors du briefing de lancement de l’évènement. Crédit : Fred Lebreton
« Porter une parole collective »
Avant la plénière d’ouverture, nous échangeons avec Rafael, 33 ans, grand sourire accroché au visage et accent brésilien chaleureux qui ponctue chacune de ses phrases. Le jeune homme vit aujourd’hui à Grenoble avec son mari, Jonathan, militant à AIDES. Il dit avoir mis « beaucoup de temps » à accepter sa séropositivité, découverte en 2011, à seulement 17 ans, « en plein moment de découverte de ma sexualité ». Participer aux UPS représente pour lui « un grand pas », un geste fort d’acceptation et d’ouverture : « C’est important pour moi d’être là, de comprendre les avancées, les droits, les nouveaux traitements. » Cette visibilité, il l’a déjà endossée lors des États généraux des personnes vivant avec le VIH (EGPVVIH) l’an passé, où il s’était exprimé au ministère de la Santé. Un moment qui l’a profondément marqué : « J’étais tellement ému que j’ai lâché des choses auxquelles je ne m’attendais pas », dit-il, en évoquant publiquement, pour la première fois devant un large auditoire, la violence de l’annonce de sa séropositivité, si jeune. Depuis cet événement, il participe activement au comité de suivi des recommandations établies lors des EGPVVIH, aux côtés de AIDES, de Sidaction et d’associations partenaires. Alors, prendre de nouveau la parole en plénière aujourd’hui a, pour Rafael, le goût de la continuité : « C’est important de rappeler que ce qu’on a créé ensemble il y a plus d’un an et demi continue et va continuer. » Conscient de parler devant « sa communauté », il mesure la portée de ce rôle : « Je ne remplace la voix de personne, mais je porte une parole construite par plus de 500 personnes. Oui, c’est une responsabilité, mais surtout un travail collectif. »

Rafael, représentant des participants-es des États généraux des personnes vivant avec le VIH (EGPVVIH) lors des UPS 2025. Crédit : Fred Lebreton
« On ne laisse personne derrière »
Camille Spire ouvre les UPS 2025 en célébrant « un moment suspendu », reprenant la formule d’Angelo De Jesus Lucas, président de la région Nouvelle Aquitaine de AIDES, qui, selon elle, s’inscrit dans plus de vingt-cinq ans d’histoire et dans la continuité des États généraux des personnes vivant avec le VIH. Elle décrit quatre jours « où se créent des relations interpersonnelles et collectives », un espace rare où l’on prend enfin « le temps d’échanger ». La présidente de AIDES insiste sur la diversité des participants-es : âges, parcours, états de santé, et rappelle l’enjeu : « Il s’agit de ne laisser personne derrière. » Camille admet que les traitements ont transformé la vie avec le VIH mais ce virus n’est pas anodin : « la science a progressé, mais les mentalités beaucoup, beaucoup moins », dit-elle, en rappelant que « le VIH, ça reste un bruit de fond ». Elle souligne le rôle fondateur de l’autosupport : « Depuis le début de la lutte, on partage nos problématiques et ensemble on trouve des solutions. » Évoquant le témoignage d’une militante qui parlait de la possibilité de « poser ma valise VIH à l’entrée », elle décrit ces UPS comme un espace de liberté, de bienveillance et d’humanité : « Comme si la société était plus humaniste ici. » Mais elle prévient du « retour à la réalité » après ce temps hors du monde et invite à inscrire ces échanges dans la vie quotidienne. En conclusion, elle appelle chacun-e à profiter de ces jours « qui nous rendent plus forts ensemble ». Et la présidente de AIDES de finir sur une citation de Martin Luther King : « Personne ne peut monter sur votre dos tant que vous vous tenez droit. »

Camille Spire, présidente de AIDES, prononce un discours à la plénière d’ouverture des UPS 2025. Crédit : Fred Lebreton
« Quand le GAPS a fermé, on s’est sentis comme des orphelins »
L’après-midi se poursuit avec un premier atelier destiné à « briser la glace ». Ce moment un peu étrange où l’on se retrouve propulsés en binômes avec des inconnus-es pour se présenter mutuellement. Un classique des séminaires, mais ici, qui prend une tournure plus touchante : certains rient nerveusement, d’autres s’accrochent à leur fiche comme à une bouée. Ensuite, nous nous retrouvons tous-tes sous une espèce de tente érigée en grand chapiteau blanc pour le dîner. Il fait un peu frais, mais la chaleur humaine compense largement. À notre table, quatre femmes issues de la diaspora africaine échangent, trois venues de Bordeaux, une de La Rochelle. La discussion s’oriente vite vers la difficulté, en France comme au pays, de parler de son statut sérologique. Une des femmes nous confie qu’aucun membre de sa famille n’est au courant, pas même ses enfants. Elle se cache pour prendre ses médicaments, chaque prise devenant un petit moment de clandestinité. Une autre, originaire du Burkina Faso, raconte la même chose lorsqu’elle rentre chez elle, et combien ça lui soulage de pouvoir en parler librement ici, sans chuchoter ni surveiller derrière son épaule. C’est aussi ça, les UPS : des bulles d’air où le secret cesse de peser. Une troisième femme évoque le « vide » laissé par la fermeture de GAPS Bordeaux. En effet, en 2025, le Groupe d’aide psychologique et sociale (GAPS), une association qui accompagnait depuis 36 ans les personnes vivant avec le VIH à Bordeaux, a dû fermer ses portes en raison du non-renouvellement de son financement par l’Agence régionale de Santé (ARS) de Nouvelle Aquitaine. Ses missions d’accompagnement global ont été reprises par le CHU de Bordeaux, mais pour beaucoup d’usagers-ères du GAPS, c’est un sentiment d’abandon qui domine : « Quand le GAPS a fermé, on s’est sentis comme des orphelins. ».
La soirée se prolonge autour d’un dernier verre, puis chacun rejoint doucement son bungalow pour une nuit de repos bien méritée.
À suivre dans le deuxième épisode…
"Pourquoi ce WES?", par Angelo De Jesus Lucas
« Pourquoi ce WES ? », par Angelo De Jesus Lucas« Il y a de ça maintenant un peu plus d’un an quand la question s’est posée d’organiser les prochaines UPS. La nouvelle Aquitaine en avait très envie. Cela faisait plus de dix ans qu'elles n'avaient pas eu lieu dans notre région. Il est vrai que nous accueillons et accompagnons quelques personnes vivant avec le VIH, mais nous devons le reconnaitre ce n’est pas l'activité que nous faisons le plus (…) Par ailleurs, il y aussi une volonté de la part de AIDES de remettre au centre de nos actions les personnes vivant avec le VIH car elles restent notre public prioritaire numéro 1. Cela a commencé l'année dernière par les EGPVVIH. Au vu de ces éléments quand la question d'organiser des UPS s'est posée, nous avons tout de suite vu une occasion pour nous de prendre le relais, de repenser nos actions envers les personnes vivant avec le VIH et de nous interroger sur comment on pouvait gagner en compétence et redonner toute leur place aux pzersonnes vivant avec le VIH en Nouvelle Aquitaine. Nous avons environ 8 500 personnes qui vivent avec le VIH et qui sont suivies en Nouvelle Aquitaine. Ce n’est pas rien. Pour une majorité d'entre elles, aujourd’hui tout se passe à peu près bien, mais cela reste très difficile pour d'autres on le sait. Je dis à peu près car de nombreuses situations du quotidien ne sont pas si simples et il y a beaucoup d'interrogation sur l'avenir.
Alors même si cette activité tend à augmenter nous n'imaginions pas pouvoir organiser un événement comme aujourd'hui seuls, alors je me suis tourné vers nos collègues de la région AURA de AIDES. Parce que c’est limitrophe, mais pas seulement.
Accueillir et organiser les UPS, c’est un acte d’engagement qui réaffirme notre soutien inconditionnel à l’égard des personnes vivant avec le VIH depuis toujours. Ce moment est aussi un espace de paroles et d’écoute, un espace de rencontre et d’échanges, un moment suspendu ou vous aurez l’occasion de vous exprimer sur votre vécu, vos colères, vos craintes, vos doutes mais aussi partager vos joies. Ici, pendant trois jours vous êtes chez vous sans peur du regard des autres, sans crainte du jugement et même j’oserai dire : vous êtes ici pour vous faire du bien. Et c’est important surtout en ce moment ! »