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    L'Actu vue par Remaides : VIH en Allemagne : « Il faut donner plus de moyens aux communautés »

    • Actualité
    • 30.07.2024

     

    SILKE

    © Fred Lebreton

    Par Fred Lebreton

    VIH en Allemagne : "Il faut donner plus de moyens aux communautés"

    Du 20 au 26 juillet, la ville de Munich (Allemagne) accueillait l’événement AIDS 2024, la grande conférence mondiale sur le VIH, organisée par l’IAS. À cette occasion, la rédaction de Remaides a rencontré deux membres de la Deutsche AIDS-Hilfe, la plus grande association allemande de lutte contre le VIH : Silke Klumb (directrice exécutive de l’organisation) et Alphonsine Bakambamba (chargée de mission prévention chez les migrants-es à la Deutsche AIDS-Hilfe). Les deux militantes expliquent les enjeux de la lutte contre le VIH outre-Rhin.

     

    Remaides : Quelles sont les populations clés les plus touchées par le VIH en Allemagne ?

    Alphonsine Bakambamba : Les gays puis les personnes hétérosexuelles, en particulier les femmes d’origine d’Afrique subsaharienne qui sont dépistées lors des grossesses.

    Silke Klumb : Les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes restent les plus touchés en Allemagne avec 53 % des nouveaux cas puis les personnes migrantes et aussi les usagers de drogue. Nous observons aussi des découvertes de séropositivité chez des réfugiés de guerre ukrainiens.

    Remaides : Quelles sont les enjeux prioritaires en Allemagne pour mettre fin à l’épidémie de VIH ? 

    Silke Klumb : Il faut donner plus de moyens aux communautés. Il faut aider les associations qui aident les populations clés comme les personnes migrantes ou les personnes usagères de drogues, que ces structures soient sous le toit de la Deutsche AIDS-Hilfe ou indépendantes. Et puis il faut vraiment suivre le mantra « Rien pour nous, sans nous ! ». Enfin, il faut élargir l’accès de la Prep en Allemagne et au Tasp, traitement comme prévention qu’on appelle ici Schutz durch Therapie c’est-à-dire : protection par le traitement. Chez nous, on envisage le Tasp avant tout comme un bénéfice individuel. Les personnes vivant avec le VIH sont traitées d’abord pour rester en bonne santé et l’aspect préventif du traitement, c’est du bonus.

    Remaides : Où en est l’Allemagne dans l’objectif des trois « 95 » fixés par l’Onusida ?

    Silke Klumb : Nous sommes à 92 % des personnes vivant avec le VIH qui connaissent leur statut sérologique. 99 % des personnes diagnostiquées séropositives sous traitement ARV et 96 % des personnes traitées en charge virale indétectable.

    Remaides : En France, 96 % des usagers de Prep sont des hommes. Quelle est la situation en Allemagne ?

    Silke Klumb : Nous sommes dans une situation similaire en Allemagne. Lorsque la Prep a été autorisée en Allemagne, le traitement n’était pas remboursé…

    Alphonsine Bakambamba : Et c’était cher ! Il a fallu attendre 2019 et l’arrivée d’un ministre de la santé ouvertement gay [Jens Spahn, ministre fédéral de la Santé de mars 2018 à décembre 2021] pour que la Prep soit remboursée en Allemagne.

    Silke Klumb : Ils ont changé la loi un peu secrètement. Il s'agissait de ne pas inclure trop de monde dans les calculs parce qu’il fallait convaincre les assurances santé de suivre ces nouvelles recommandations, et convaincre aussi les responsables politiques et les membres du Parlement. Les autorités ont donc décidé de se concentrer vraiment sur les hommes gays les plus exposés au risque de contracter le VIH. Ainsi, tous les calculs étaient fondés sur les hommes gays. Mais tout le monde n'en veut pas et, bien sûr, la loi n'était pas seulement pour les hommes gays, elle disait qu'elle était pour tous ceux-celles qui en ont besoin comme les travailleuses du sexe ou les personnes multi partenaires. Mais en pratique, ce sont principalement les hommes gays qui ont bénéficié de la Prep en Allemagne. Nous sommes en train de changer cela, en communiquant davantage envers les autres communautés et envers les médecins. Nous essayons de déconstruire l’idée que la Prep ne serait que pour les hommes gays car les femmes qui cherchent la Prep ont vraiment des problèmes à l'obtenir et ce n’est pas acceptable.

    Remaides : En février dernier, une pénurie de Prep sous Truvada a été observée en Allemagne. Comment est-ce possible et où en êtes-vous dans l’accès la Prep ?

    Silke Klumb : Il y a différents explications à cela. D’abord, il faut savoir qu’il y a deux principales usines d'où l'Allemagne importe la Prep et les deux ont eu un problème de production. Il y a eu une question de prix aussi parce que les prix pour les génériques sont un peu bas en Allemagne. Depuis le mois d’avril, les choses vont mieux pour la Prep mais maintenant nous observons des pénuries de Doxycycline [un antibiotique, ndlr], mais apparemment, l’Allemagne n’est pas le seul pays touché.

    Remaides : La lutte contre le VIH est-elle soutenue par la classe politique allemande ? Quelle est l’implication des pouvoirs publics ?

    Alphonsine Bakambamba : Oui, parce que nous sommes soutenus pas le ministère de la Santé qui finance tout notre travail.

    Silke Klumb : On peut dire qu'en Allemagne les choses se passent bien car tous les partis politiques démocratiques jouent le jeu et ne font pas de « politique » sur le VIH. Mais nous observons que l’intérêt des politiques, comme du public, sur la lutte contre le VIH a beaucoup baissé depuis la pandémie de Covid-19. Le VIH est devenu un sujet niche qui ne concerne que des petits groupes. Cela se traduit aussi par une dilution du VIH dans des sujets de santé plus globaux. Par exemple, le département VIH/IST du ministère de la Santé a été fusionné avec le département des infections transmissibles. 

    Remaides : Pensez-vous pas que le Tasp/U = U est un outil de lutte contre la sérophobie ? 

    Alphonsine Bakambamba : Dans la population, oui, mais pas dans l'administration. Parce que par exemple, quand il y a eu des procès pour transmission du VIH, les médecins avaient peur. Ils ne voulaient pas accompagner leurs patients au tribunal pour expliquer ce que signifie : Indétectable = Intransmissible. 

    Remaides : La transmission du VIH est-elle criminalisée en Allemagne? 

    Alphonsine Bakambamba : Sur ce sujet, nous avons fait un gros de travail de plaidoyer pour arriver au consensus que la responsabilité de la transmission appartient aux deux partenaires : la personne séropositive et celle qui séronégative. C’est ce que nous appelons la responsabilité partagée, mais encore faut-il trouver un juge qui accepte cette notion. 

    Silke Klumb : Heureusement, il n’y a plus de condamnation actuellement. Ce qu’on observe aujourd’hui c’est que la sérophobie est souvent combinée avec le racisme. Il y a beaucoup de pédagogie à faire.

    Remaides : Selon vous, que faudrait-il mettre en place de façon urgente pour mettre fin à l’épidémie de VIH dans le monde d’ici 2030 ? 

    Silke Klumb : Il faut vraiment un accès équitable aux traitements pour tout le monde. Et cela vaut aussi pour l'Allemagne, parce que oui les traitements sont remboursés chez nous ; mais s'il n'y a pas de sécurité sociale, il n'y a pas de médicaments. C’est un vrai problème pour les personnes migrantes sans-papiers. Pour avoir droit à l’équivalent allemand de l’Aide médicale d’État, il y a un article de loi qui dit que les noms des personnes concernées doivent être rapportés aux administrations. Nous luttons contre cet article qui dissuade les personnes sans papiers de faire appel à ce dispositif. Il faut un chemin légal. C'est ça ce que nous demandons. Et pour les réfugiés-es, il y a un mécanisme, mais ça ne fonctionne pas pour les maladies chroniques, seulement pour les problèmes de santé d'urgence vitale. L’administration allemande considère que si on donne accès à un traitement pour une maladie chronique, on ne peut plus arrêter le traitement et on doit donc régulariser la personne.

    Alphonsine Bakambamba : Le plus grand problème, c'est le fédéralisme. La santé, c'est le problème des États fédéraux. Il n'y a pas une politique centrale pour tout le pays. Ce n’est pas le ministère de la Santé qui décide des politiques de santé publiques locales. 

    Silke Klumb : Et c'est pour ça qu'on discute de l’accès à la Prep pour les réfugiés-es maintenant. Même en Bavière, qui est pourtant un land très compliqué, pour un tas de raisons ; mais là, les autorités bavaroises discutent de la Prep pour les réfugiés afin de donner une possibilité de prévention égale à celle des autres personnes. Il faut vraiment donner accès aux traitements ARV à toutes les personnes séropositives peu importe leur situation administrative. C'est une question d'humanisme.

    Propos recueillis par Fred Lebreton

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    La Deutsche Aids-Hilfe : 40 ans de lutte contre le VIH

    La Deutsche Aids-hilfe (DAH) a été fondée le 23 septembre 1983 à Berlin, à l'initiative de l'infirmière Sabine Lange et de Bruno Gmünder, un des cofondateurs de Bruno Gmünder Verlag, une importante maison d'édition allemande spécialisée dans les livres LGBT, avec la participation d’activistes gays. Sabine Lange, l'activiste gay Stefan Reiß et le propriétaire du bar gay « Knolle » faisaient partie du premier conseil d'administration. Les objectifs étaient la sensibilisation, l'information et le soutien aux malades. Depuis 1985, la DAH est l'organisation faîtière d'environ 120 organisations membres régionales. L’association œuvre sans relâche pour améliorer la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH, réduire les nouvelles infections et lutter contre la stigmatisation et la discrimination. Grâce à un réseau étendu de partenaires locaux et de centres de conseil, la DAH assure un accompagnement personnalisé et des services adaptés aux besoins individuels. Par ailleurs, la DAH est un acteur important dans le domaine de l'éducation et de la recherche. Elle organise des formations pour les professionnels-es de santé et les éducateurs-rices, afin de garantir une prise en charge de qualité et fondée sur les dernières avancées scientifiques. De plus, elle participe à des projets de recherche nationaux et internationaux pour améliorer les connaissances sur le VIH et les traitements. Enfin, la DAH mène des actions de plaidoyer pour défendre les droits des personnes vivant avec le VIH. Elle s'engage activement auprès des décideurs-ses politiques et des institutions pour promouvoir des politiques inclusives et équitables, et combattre les lois et pratiques discriminatoires. Pour en savoir plus sur la Deutsche Aids-hilfe (https://www.aidshilfe.de/), le contenu du site existe aussi en anglais si vous ne parlez pas allemand.

    VIH en Allemagne : les données 2023

    À l'occasion de la conférence AIDS 2024 qui se tient du 20 au 26 juillet à Munich, l'Institut Robert Koch (RKI) a publié de nouvelles données clés et tendances pour les länders allemands (États fédéraux d’Allemagne), ainsi qu'une analyse complète de la situation du VIH/sida en Allemagne. L'Institut Robert-Koch, nommé ainsi d'après le médecin et chercheur Robert Koch, qui a découvert la bactérie responsable de la tuberculose (Mycobacterium tuberculosis), est l'établissement allemand central pour l'échelon fédéral, responsable du contrôle et de la lutte contre les maladies. C’est un établissement de référence pour la recherche appliquée et la santé publique. Le nombre de nouvelles infections à VIH en Allemagne et parmi les personnes d'origine allemande ayant contracté le VIH à l'étranger est estimé à 1 900 en 2022 et 2 200 en 2023, ce qui signifie que le nombre de nouvelles infections à VIH en 2023 sera à peu près le même qu'en 2019 avant la pandémie de Covid-19. Parmi ces 2 200 personnes, une majorité d’hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes (HSH), environ 1 200. D'après RKI, il est probable que parmi ce groupe (HSH), l’utilisation de la Prep a empêché de nombreuses nouvelles infections. Environ 620 personnes ont été infectées par le VIH en 2023 lors de rapports hétérosexuels. Enfin, 380 nouvelles infections ont eu lieu à travers l'utilisation de drogues par injection. Par rapport aux années précédentes, la proportion de premiers diagnostics avec une infection à un stade avancé ou au stade sida est restée à peu près constante. Le nombre de personnes vivant avec une infection à VIH en Allemagne a augmenté pour atteindre 96 700 à la fin de l’année 2023. Parmi elles, environ 8 200 n'ont pas encore été diagnostiquées et ignorent donc leur séropositivité au VIH. Pour en savoir plus.