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    L’Actu vue par Remaides : « Bruno Retailleau s’acharne contre l’AME »

    • Actualité
    • 08.08.2025

     

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    Crédit photo : Fred Lebreton

    Par Jean-François Laforgerie

    Bruno Retailleau
    s'acharne contre l'AME

    Dans la foulée du dévoilement de la feuille de route budgétaire pour 2026, le 15 juillet dernier, Les Républicains et l’extrême-droite sont remontées au front contre l’Aide médicale d’État, dont ce parti et cette mouvance veulent la fin. De son côté, AIDES ― à l’instar d’une bonne partie de la société civile ― rappelle en quoi l’AME est un « enjeu de santé publique pour tous-tes ».

    LR s’en prend à l’immigration et à l’AME
    Même si les critiques de la droite (LR) sont restées relativement modérées quant à la future stratégie budgétaire pour 2026, il n’en demeure pas moins que le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, également chef du parti LR, a attaqué bille en tête le fait que l’immigration et l’AME n’aient pas été évoquées par François Bayrou lors de la présentation des pistes budgétaires pour l’année prochaine. À l’occasion d’un déplacement à Lognes (Seine-et-Marne, Île-de-France), Bruno Retailleau a appelé à revoir les conditions d’accès à l’AME. « Ce budget doit être juste, pour être juste, il doit concerner ceux qui cotisent, mais à plus forte raison, ceux qui ne cotisent pas et à encore plus forte raison ceux qui viennent clandestinement sur notre sol ». Le ministre de l’Intérieur propose, entre autres, de créer un « ticket d’entrée » pour accéder à l’AME. Il s’agit de reprendre une mesure déjà mise en place sous Nicolas Sarkozy en 2011, puis supprimée par François Hollande ; du fait de son inefficacité. Le ministre et chef de parti propose aussi de restreindre l’accès à ce dispositif.
    Le 19 juillet, Bruno Retailleau accorde une longue interview au Figaro. La charge se fait plus radicale. Interrogé à propos de la répartition des efforts budgétaires en lien avec les nouvelles pistes pour 2026, il explique : « Le tabou du coût de l’immigration doit être enfin levé. J’ai proposé au Premier ministre une augmentation de 160 millions d’euros de droit de timbre dans le domaine de l’asile et de l’immigration. À titre d’exemple, sur les naturalisations, le droit de timbre est de 55 euros alors que le coût d’un passeport pour un Français est de 86 euros. Sur les titres de séjour, nous pouvons également faire de même. Mais il faut aller plus loin et supprimer l’AME pour se concentrer sur les soins d’urgence : les frais de santé des clandestins sont totalement pris en charge, ce qui n’est pas le cas pour les Français. C’est une injustice ! » Par ailleurs, le ministre Retailleau a aussi expliqué : « Il faut réformer l’AME. Les OQTF [personnes sous obligation de quitter le territoire français, NDLR] ne devraient pas y avoir accès ».

    Sur ce sujet, LR reprend les mêmes griefs que ceux développés depuis longtemps par l’extrême droite, qui entend faire disparaître l’AME et la remplacer par une « aide d’urgence vitale ». Le Rassemblement national défend cette idée depuis 2010 (voir à ce sujet, une note de l’Institut Montaigne).

    « L'Aide médicale de l’État : un enjeu de santé publique pour tous-tes ! »
    Face à cette adversité ancienne contre l’AME qui augmente de façon spectaculaire à l’occasion des échéances électorales ou budgétaires, des groupes de réflexion et de nombreuses associations membres de la société civile, tout particulièrement celles investies dans le champ de la santé et de la défense des droits des étrangers-ères font valoir des arguments qui expliquent pourquoi il faut maintenir ce dispositif, au bénéfice de la santé de tous et toutes.
    « En France, l’accès aux soins, de toute personne précaire, y compris des personnes étrangères en situation irrégulière est un enjeu fondamental de santé publique et de justice sociale. L’Aide médicale de l’État (AME), contribue à garantir cet accès minimal et joue un rôle essentiel pour soigner des personnes malades, qui vivent dans une grande précarité, atteintes de pathologies variées dont les maladies infectieuses comme le VIH, la tuberculose ou les hépatites virales, des troubles psychiatriques mais aussi un large panel de pathologies communes », explique un document (https://www.aides.org/publication/notre-position-laide-medicale-de-letat-un-enjeu-de-sante-publique-pour-tous-tes)qui présente la position de AIDES sur cette question.
    « L’AME permet d’assurer l’accès aux soins, de prévenir l’acquisition et la propagation de maladies, et de promouvoir la dignité humaine pour des personnes cumulant des vulnérabilités. Pourtant, ce dispositif essentiel subit aujourd’hui des attaques répétées dans le cadre de politiques migratoires restrictives, mettant en péril l’accès aux soins pour des centaines de milliers de personnes (439 006 personnes, mi-2023).

    « Face à ces défis, nous, soignants-es, associations et organisations des secteurs de la santé et de la défense des droits humains, réaffirmons notre engagement à défendre ce droit et à plaider pour le renforcement de l’AME. Plus qu’une mesure humanitaire, l’AME est une réponse sanitaire rationnelle et indispensable pour protéger la santé de toutes et tous, prévenir les pathologies évitables et alléger les charges pesant sur notre système de santé », explique le document de AIDES qui présente les revendications de l’association à propos de l’AME. Les voici :

    Concernant l'AME :
    - Intégrer l’AME au régime général de l’Assurance maladie sur critère de résidence habituelle. En attendant, (au minimum) renforcer l’AME en assouplissant ses conditions d’octroi (en levant tous les freins : panier de soins, dématérialisation, délais de carence, plafond de revenus) et en garantissant une prise en charge sur l’ensemble du territoire, y compris à Mayotte.
    Concernant la prise en charge des frais de santé par l’assurance maladie :
    - Supprimer le délai de carence de trois mois pour l’accès aux soins et à l’ouverture des droits à l’Assurance maladie pour les personnes primo-arrivantes en situation régulière.
    Concernant les PASS :
    - Réformer le budget des PASS [permanences d'accès aux soins de santé, ndlr] pour tenir compte de l’augmentation des besoins : actuellement le budget des PASS est plafonné, quelle que soit l’augmentation de la file active et les soins prodigués.
    Concernant l’accès à la santé de manière générale :
    - Proposer un bilan de santé pour les personnes migrantes primo-arrivantes intégrant le repérage de la souffrance psychique et élargi aux questions sociales telles que l’accès au logement, à l’éducation, et aux droits administratifs ;
    - Mettre en place des dispositifs de santé, indépendants des structures de contrôle, ciblant les personnes migrantes, pour rattraper les retards aux dépistages et solutionner les difficultés de prise en soin, en ayant recours aux services d’interprétariat professionnel et à la médiation en santé ;
    - Utiliser la médiation en santé et l’interprétariat professionnel en santé comme outils d’amélioration de l’accès aux droits, à la prévention et aux soins des personnes éloignées des systèmes de prévention et de soins ;
    - Attribuer une carte vitale à toutes et à tous, y compris aux bénéficiaires de l’AME, pour faciliter la télétransmission des informations et lutter contre les refus et le renoncement aux soins ;
    - Sanctuariser la tutelle du ministère de la Santé sur les questions relatives à la santé des personnes étrangères, sans ingérence du ministère de l’Intérieur.
    Remerciements à la Direction Plaidoyer de AIDES.

    Pour lire  et télécharger la position de AIDES sur l’Aide médicale d’État.

    Qu’est-ce que l’AME ?
    L’Aide médicale de l’État est un dispositif qui permet la prise en charge des soins médicaux, de suivi de grossesse et d’hospitalisation, et des médicaments des personnes pouvant justifier de trois mois de présence en situation irrégulière sur le territoire, y compris les enfants. Le panier de soins pris en charge est plus restreint que celui des assurés-es sociaux-ales. Les soins remboursés le sont à 100 % dans la limite des tarifs de l’Assurance maladie. Les conditions de ressources pour y avoir accès sont les mêmes que pour la complémentaire santé solidaire (CSS, anciennement CMU-C), à savoir moins de 862 euros mensuels pour une personne seule et de 1 292 euros mensuels pour un couple (applicable au 1er avril 2025).

    Restriction de l'accès à l'aide médicale de l'État : une question écrite d’une députée et une réponse du gouvernement
    En novembre 2024, la sénatrice de la Drôme (Groupe SER) Marie-Pierre Monier avait déposé une question écrite concernant l’AME auprès de la ministre de la Santé et de l’Accès aux soins et du ministre des Comptes publics de l’époque. La question portait notamment sur « la prise en compte des ressources du conjoint dans le calcul d'admission à l'AME ». « Cette conjugalisation poserait en effet un risque significatif pour les femmes étrangères en situation précaire. Ces dernières se retrouveraient ainsi privées de couverture santé en cas de dépassement du plafond de ressources lié aux revenus de leur conjoint et dans une situation de dépendance économique accrue vis-à -vis de ce dernier, renforçant leur exposition aux violences conjugales et intrafamiliales, auxquelles elles sont d'ores et déjà particulièrement vulnérables en raison d'un cumul de facteurs économiques, sociaux et administratifs », développait la sénatrice. Elle demandait aux ministres concernés-es de « ne pas concrétiser la mise en œuvre d'une telle mesure, qui s'inscrit, par ailleurs, à rebours de la logique de déconjugalisation portée par la récente réforme du mode de calcul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) qui ne prend plus en compte depuis octobre 2023 les ressources du conjoint.
    Comme il est désormais d’usage, les ministres concernés-es ont pris du temps pour répondre à la parlementaire. Leur réponse officielle a été publiée le 26 juin 2025.
    Les services du ministre de la Santé et de l'Accès aux soins y expliquent ceci : « L'ensemble des règles relatives aux ressources prises ou non en compte dans le cadre de l'instruction d'une demande d'Aide médicale de l'État (AME), ainsi que le plafond de ressources applicable, sont celles en vigueur pour la Complémentaire santé solidaire (C2S), conformément à l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles. Le plafond applicable au demandeur de l'AME est déterminé en fonction du nombre de personnes à charge, selon les règles fixées pour la C2S par les articles R. 861-2 et R. 861-3 du code de la sécurité sociale. Il est fixé à 862 euros par mois pour une personne seule et à 1 292 euros par mois pour deux personnes au sein du foyer (en métropole). L'attribution de l'AME étant familialisée, permettant ainsi le bénéfice de ce droit à l'ensemble des membres du foyer, la logique est celle de la prise en compte des ressources du demandeur et de toutes les personnes à sa charge (conjoint, concubin, partenaire de PACS ainsi que les personnes « tierces » vivant chez le demandeur et à sa charge totale, effective et permanente). Dans le cas d'un couple composé d'une personne en situation régulière et d'une personne en situation irrégulière, la circulaire DGAS/DSS/DHOS n° 2005-407 du 27 septembre 2005 précise que la demande d'AME est examinée sans tenir compte des ressources du conjoint assuré au motif que l'on ne peut considérer cette personne en situation régulière comme ayant droit d'une personne en situation irrégulière. Le rapport conjoint de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances -IGF), dit "Evin-Stefanini" et remis au Gouvernement au mois de décembre 2023 préconise la prise en compte des ressources de l'ensemble du foyer, y compris celles des membres de nationalité française ou en situation régulière. » On pourrait en rester là, mais la réponse ministérielle laisse entendre que d’autres changements pourraient être apportés à l’AME : « Aucun projet de texte n'a, à ce jour, été publié sur la base des propositions des rapporteurs, en raison notamment de la dissolution de l'Assemblée nationale et des changements de Gouvernement. Le Gouvernement actuel a repris l'étude des propositions des rapporteurs et il fera savoir dans les toutes prochaines semaines, les propositions qu'il reprendra ». À suivre donc.