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    L’Actu vue par Remaides : « Économies santé : les malades à la double peine »

    • Actualité
    • 19.07.2025

     

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    DR.

    Par Jean-François Laforgerie

    Economies santé :
    les malades à la double peine

    Le 15 juillet, le Premier ministre, François Bayrou, a présenté les grandes orientations de son budget 2026. Il entend faire près de 44 milliards d'euros d'économies, dont une partie (environ cinq milliards) concerne les dépenses de santé. Il a aussi décidé d'une année blanche pour toutes les prestations sociales, y compris les pensions de retraites, gelées donc sans revalorisation au rythme de l'inflation. Alors que comporte la purge annoncée ? Explications.

    Une réflexion générale
    Freiner les dépenses sociales, le Premier ministre, François Bayrou, en a fait un objectif et un axe pour redresser les finances publiques. L’objectif chiffré vise rien moins que cinq milliards d’euros d’économies sur les dépenses sociales. L’objectif global étant, lui, de l’ordre de 43,8 milliards dans le prochain budget (2026). La dépense concernant le champ de la santé « augmentera l’année prochaine de 10 milliards d’euros. Ce n’est pas soutenable. Je propose que nous fassions l’effort de limiter cette hausse de moitié », a déclaré le chef du gouvernement. Cette économie est d’un montant très élevé.

    Les franchises médicales devraient encore augmenter
    Le Premier ministre François Bayrou a annoncé mardi 15 juillet le doublement à 100 euros (actuellement, le plafond est de 50 euros par an et par personne) de la franchise annuelle sur les remboursements de médicaments, dans le cadre d’un plan de réduction de « cinq milliards d’euros » des dépenses sociales annuelles. « Nous devons responsabiliser les patients pour que le coût de la santé soit plus concret pour nos concitoyens », a cru bon d’expliquer le Premier ministre lors d’une conférence de presse.
    « Chaque fois que nous achetons une boîte de médicaments, nous en payons une partie » [un euro par boîte], a indiqué François Bayrou, avec un plafond fixé « à 50 euros par an ». « Nous pousserons ce plafond à 100 euros », a-t-il ajouté, sans préciser si le plafond ne concernerait que les boîtes de médicaments, ou bien les autres dépenses de soins soumises à franchise (actes médicaux et consultations, l’usage des transports sanitaires).
    Dans les colonnes du Monde, on a compris que le doublement annoncé (de 50 à 100 euros par an et par assuré-e) concernait le « plafond annuel des franchises et des participations forfaitaires (sur les consultations chez le médecin, les examens de radiologie, les analyses de biologie…). » Ce qui devrait correspondre à « huit euros maximum par mois », pour chacun-e, a indiqué le Premier ministre. Rappelons que ce qui est tout bonnement un mode de déremboursement a déjà été décidé pour équilibrer le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, souligne Le Monde.

    Dans un communiqué (16 juillet), France Assos Santé (FAS) critique le « doublement des franchises médicales », une mesure que le collectif considère comme « injuste » et « mal ciblée ». Et FAS d’enfoncer le clou : « Le Premier ministre évite soigneusement d’évoquer un point essentiel : les franchises ne s’appliquent que sur des soins prescrits. Pourquoi, dès lors, n’est-il pas question de la responsabilité des médecins ? Faire porter la charge sur les seuls patients est non seulement injuste, mais aussi inefficace. ». Les mesures de « responsabilisation » devraient être portées par une meilleure régulation des acteurs, notamment des médecins prescripteurs, principaux artisans de la particularité française de sur-prescription et de mésusage, sources de risques pour les personnes malades, de dépenses inutiles et d’impact environnemental. En outre, cette mesure viendra pénaliser les personnes malades qui ont réellement besoin de traitement, avec des risques de renoncement aux soins encore plus importants. Nous rappelons que les personnes en ALD sont déjà celles qui supportent le plus de restes à charge. » Sur les réseaux sociaux, les réactions de responsables associatifs-ves ne tardent pas, à l’instar de Florence Thune, directrice de Sidaction, qui écrit sur sa page Linkedin : « À noter que le passage de la franchise médicale à 100€ concernera bien sûr tout le monde mais qu’elle sera indolore pour les plus riches tandis qu’elle privera de certains soins les plus pauvres. ». Et la militante de poursuivre : « Le 1er Ministre nous dit que nous sommes à la dernière station avant la falaise. Il oublie de préciser que 15,4 % d’habitants en France qui vivent en dessous du seuil de pauvreté sont déjà au bord de la falaise tandis que les 20 % les plus riches en sont à des dizaines de kilomètres, voire des centaines pour les ultra-riches. »

    Une révision des ALD
    Parmi les autres mesures d’économies figurera également une révision du statut des affections longue durée (ALD), avec la fin du remboursement à 100 % des médicaments « sans lien » avec la maladie et la « sortie du statut » dans certains cas, a indiqué le Premier ministre. « 20 % des Français sont en affection de longue durée [cela concerne environ 13 millions de personnes en France, ndlr] contre 5 % de la population allemande. (...) Et je ne crois pas que les Français soient en plus mauvaise santé que les Allemands », a cru bon de commenter le chef de gouvernement. Comme le rappelle Le Monde, dans son rapport publié le 24 juin, l’Assurance-maladie a évoqué une sortie du dispositif d’ALD pour des « personnes en situation de guérison ou de rémission de certaines pathologies », comme des « cancers en phase de rémission ».
    « La couverture des affections de longue durée mérite d’être revisitée dès lors que la plupart des pathologies sont devenues curables », a d’ailleurs défendu Catherine Vautrin, la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles.

    Dans son communiqué du 16 juillet, FAS  (France Assos Santé) souligne que le « traitement des patients en ALD ne peut se résumer à une logique de restriction. » « Ces patients, qui n’ont pas choisi d’être malades, nécessitent un accompagnement attentionné, en matière d’éducation thérapeutique et de prévention des risques de complications qui entrainent des dépenses importantes (hospitalisations, traitements lourds…). Tout cela est totalement absent du discours du gouvernement », tacle le collectif. Et FAS de doubler le tacle : « Le Premier ministre évoque l’exclusion des traitements hors ALD de la prise en charge à 100 % : c’est déjà le cas aujourd’hui avec l’ordonnance bi-zone. Si des dérives sont constatées, encore une fois c’est aux prescripteurs de respecter les règles en vigueur. »

    Coup de pression sur les arrêts maladie
    François Bayrou a, par ailleurs, indiqué qu’il souhaitait « mettre fin à une dérive » des arrêts maladie. « Les contrôles qui ont été exécutés sur les arrêts maladie de plus de 18 mois ont montré que pour 50 % d’entre eux, ces arrêts de travail n’étaient plus justifiés », a-t-il indiqué. Il a souhaité notamment qu’une personne salariée puisse reprendre le travail après 30 jours d’arrêt maladie sans voir le médecin du travail. « Or, comme nous manquons cruellement de médecins du travail, comme d’autres spécialités, des dizaines de milliers de personnes qui souhaiteraient reprendre le travail en sont empêchées (...) c’est absurde », a-t-il poursuivi. « À l’exception des maladies professionnelles et des accidents du travail, on dira que c’est le médecin généraliste ou spécialiste qui déterminera la possibilité de reprise du travail », a déclaré François Bayrou. Le Premier ministre n’a pas détaillé l’ensemble des mesures qu’il souhaitait voir adoptées. Mais l’Assurance maladie a proposé, de son côté, le 24 juin un plan de 3,9 milliards d’euros d’économies.

    Catherine Vautrin use et abuse de la « responsabilisation » des assurés-es
    La ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles est intervenue à la suite de François Bayrou pour justifier cette mesure. « La notion de "c’est gratuit, j’y ai droit" est mortifère, rien n’est gratuit pour le système de santé », a défendu Catherine Vautrin, expliquant qu’il s’agit d’une mesure de « responsabilisation » des assurés-es. Ils et elles le savent déjà, d’autant plus que, eux et elles aussi, financent le système et savent bien que cette « gratuité » a un coup, pour toutes les personnes qui financent le système de santé (cotisations, impôts, etc.).
     

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    Les autres critiques de France Assos Santé
    Dans son communiqué du 16 juillet, France Assos Santé exprime sa « vive inquiétude face à l’orientation politique défendue, qui fait peser sur les usagers du système de santé la responsabilité des dérives et des tensions actuelles. » Et le collectif se veut sévère : « L’appel à "responsabiliser" les usagers du système de santé, présenté comme une solution, masque mal l’absence de réponses structurelles à l’augmentation des dépenses de santé et aux inégalités d’accès à la santé. »
    France Assos Santé (FAS) s’étonne qu’une fois encore le gouvernement développe un discours qui « repose sur une vision simpliste, voire culpabilisante, de la consommation de soins. » Or, souligne le collectif, les personnes usagères « ne demandent qu’à être [actrices] de leur santé – à condition qu’on leur en donne les moyens effectifs. »
    Quels moyens ? FAS pense à un accès à des professionnels-les de santé sur l’ensemble du territoire ; à un accès réel à la prévention et à l’éducation à la santé ; à un accès aux soins sans barrières financières. « Le rôle de l’État est d’agir concrètement, par la régulation de l’offre de soins, la lutte contre les dépassements d'honoraires et la mise en œuvre de mesures fiscales volontaristes en matière de santé publique (taxation des produits nocifs, réglementation de la publicité, étiquetage nutritionnel obligatoire...) », souligne FAS. Le collectif conteste aussi l’approche du gouvernement concernant les médicaments à faible intérêt médical qui pourraient être encore moins bien remboursés. FAS appelle finalement à un « changement de cap ». « Il n’est plus acceptable de pointer du doigt la soi-disant responsabilité des usagers dans l’augmentation des dépenses de santé. Cette vision culpabilisante et infantilisante des patients n’est pas à la hauteur des enjeux budgétaires et des attentes de la population. Ce n’est pas aux patients de compenser les renoncements de la puissance publique. L’exigence de responsabilité doit d’abord s’appliquer à l’État et aux acteurs qui façonnent l’offre de soins, et associer pleinement les usagers sur les mesures qui les concernent directement », conclut FAS. Tout est dit !

    François Bayrou annonce un projet de loi pour créer une "allocation sociale unifiée"

    Promesse. François Bayrou a annoncé mardi 15 juillet, lors de la présentation du plan d’économies proposé pour 2026, qu’il proposerait au Parlement « avant la fin de l’année » un projet de loi « créant une allocation sociale unifiée, pour une solidarité plus lisible et qui donne toujours la priorité au travail ». Ce versement social unique fusionnerait plusieurs prestations sociales (RSA, prime d’activité, etc.). C’est une ancienne promesse de campagne du président Emmanuel Macron pour lutter notamment contre le « taux de non-recours » de certaines aides, rappelle l’AFP. « Nous ne sommes pas défavorables sur le principe à une simplification et une harmonisation des bases des prestations sociales », a réagi, auprès de l’AFP, Delphine Rouilleault, présidente du collectif Alerte qui réunit 37 associations de lutte contre la pauvreté. « Mais le diable est dans les détails, l’annonce d’aujourd’hui est trop floue pour qu’on puisse se prononcer », a-t-elle ajouté, mettant en garde contre une réforme qui aurait « des conséquences négatives sur les moyens financiers des personnes » les plus modestes. Même prudence à la Fondation pour le logement des défavorisés (ex-Fondation Abbé Pierre). « Pour l’instant, c’est encore très flou », a estimé le directeur des études de la Fondation, Manuel Domergue. « Tout dépend de comment c’est fait. Est-ce vraiment pour lutter contre le non-recours (…) mais si c’est pour harmoniser plutôt vers le bas c’est plus inquiétant ». La création d’une « allocation sociale unifiée » avait été proposée, fin 2024, par l’ancien Premier ministre Michel Barnier. Elle a fait l’objet d’une « mission flash » à l’Assemblée nationale. C’était une demande du groupe Droite Républicaine de Laurent Wauquiez. En 2018, un rapport de France Stratégie commandé par Matignon sur la fusion de plusieurs prestations concluait que cela pourrait « à budget constant », c'est-à-dire sans fonds publics en plus, entraîner une baisse de ressources pour 3,55 millions de ménages.

    Le Plan budgétaire de François Bayrou, version corsée selon Laurent Wauquiez

    À droite toute ! Cela commence par des compliments, le plan budgétaire de François Bayrou pour 2026 a « le mérite de chercher des solutions » mais doit être « corrigé et amélioré », a déclaré (16 juillet) lors d’une conférence de presse le patron des députés-es LR Laurent Wauquiez. Laurent Wauquiez a certes salué les économies annoncées sur « la question des agences et des opérateurs de l’État », « la lutte contre les arrêts de travail abusifs » et la mise en place d’une « aide sociale unifiée ». Mais le député de Haute-Loire se veut plus radical, note l’AFP. Il demande d’abord « un plan de lutte contre l’assistanat » en plafonnant à « 70 % du Smic » la future allocation sociale unique, en limitant à « deux ans » le RSA et appelle à une véritable « lutte contre la fraude et les abus » avant l’adoption du budget. Le député souhaite également « s’attaquer aux dépenses indues liées à l’immigration » : supprimer les « titres de séjour pour soins », restreindre « drastiquement l’Aide médicale d’urgence » (qui n’existe pas, mais sans doute s’agit-il de l’Aide médicale d’État). Et il exige un délai minimal de résidence en France « avant de pouvoir percevoir les aides sociales », ce quoi est déjà le cas pour certaines prestations.