L’Actu vue par Remaides : « Dispensation trimestrielle des ARV, des témoignages la demandent »
- Actualité
- 26.05.2025
Images : Anthony Leprince pour Studio Capuche, pour Remaides, à partir des schémas originaux créés par le TRT-5 CHV et la SFLS
pour leur position paper sur la dispensation trimestrielle des ARV.
Par Frank Assoumou
Dispensation trimestrielle des ARV, des témoignages la demandent
« Je ne vois que des avantages à obtenir mon traitement pour trois mois ; je n'aime pas aller chercher tous les mois mon traitement à la pharmacie, ce qui me rappelle encore mon statut », explique une personne vivant avec le VIH, interrogée sur l’intérêt de la dispensation trimestrielle des ARV. En octobre dernier, le TRT-5 CHV a réalisé un sondage par questionnaire auprès de 554 personnes vivant avec le VIH ou qui prennent la Prep sur la possibilité de se voir délivrer le traitement pour trois mois consécutifs en un seul passage à la pharmacie au lieu de la dispensation mensuelle actuelle. Résultat ? Adhésion massive des personnes prenant la Prep et de celles qui vivent avec le VIH. L’enquête était assortie d’extraits de témoignages de personnes concernées. La rédaction de Remaides a pu prendre connaissance de certains de ces témoignages. Elle est allée recueillir ceux d’Olivier et de Franck, militants à AIDES.
La dispensation trimestrielle revêt plusieurs avantages, selon l’enquête du TRT-5 CHV. Tout d’abord, elle assure « plus de confidentialité ». Une appelante sur la ligne d’écoute d’Actions Traitements, association membre du TRT-5 CHV, relate ainsi : « Je vis à la campagne et ne veux pas aller chercher mon traitement à la pharmacie du village. Tout le monde connait tout le monde et tout se sait. Je crains que mon statut soit révélé. Alors il faut que j’aille en ville, et comme je n’ai pas de voiture, je dois prendre le train et les billets sont chers. Donc, tous les mois, j’envoie dans une enveloppe ma carte vitale à mon fils qui habite à Marseille et il me la renvoie avec ma boite de médicament par la poste. Est-ce que vous savez comment je pourrais obtenir une dérogation ? ».
Une personne qui vit avec le VIH et qui a participé à l’enquête ajoute : « Aller à la pharmacie chercher un traitement ARV est une épreuve chaque mois (pourvu que je ne croise personne... comment réagir si je croise une connaissance, un ami ou de la famille ?). C'est peut-être idiot mais chaque passage à la pharmacie pour mon traitement ARV est une épreuve depuis quatre ans ». Il en est de même pour les personnes sous Prep. Une d’entre elles a indiqué : « Je me fais livrer mes médicaments dans une pharmacie proche du Cegidd [Centre gratuit d'Information de dépistage et de diagnostic, ndlr] que je fréquente, éloigné de mon domicile, pour plus de discrétion. J’exerce mon activité professionnelle dans la fonction publique ».
La dispensation trimestrielle est « plus pratique ». « Ça serait plus pratique, mais avec le même conditionnement d’un mois pour la conservation et l’éventuel transport, ça évite de se déplacer tous les mois pour aller chercher son traitement ». « Plus pratique (notamment) en cas de voyage à l’étranger », avance une autre personne. De plus, on ferait donc « moins de queue à la pharmacie ».
Elle permet également « plus d’autonomie ». « Aller chaque mois à la pharmacie, loin de chez moi, pour mes ARV est compliqué. Si je suis malade et ne peux me rendre à la pharmacie, une tierce personne doit le faire pour moi, je n'apprécie pas de devoir le demander ». Autre avantage : « Moins de risque de rupture de traitement en fin de mois. » « J’ai toujours eu peur des ruptures de stock, pour c’est pour cela que j’ai ma réserve d’un mois. Avoir un stock pour trois mois, je trouve que c’est intéressant et rassurant ». Deux autres personnes interrogées dans le cadre de l’enquête expliquent pour l’une : « C'est la rupture du médicament qui me fait le plus peur au cours des six mois » ; et pour l’autre : « Actuellement, pour éviter de me retrouver en galère de médocs (…) je m'arrange pour faire un renouvellement avant la fin de la boite (à trois semaines), et donc gratter quelques pilules chaque mois, ce qui me fait un stock d'avance. Ce n'est pas super pratique (il faut faire attention aux dates) et pas économique pour la sécurité sociale ».
Pour finir, la dispensation trimestrielle pourrait « améliorer la qualité de vie » de certaines personnes. « Ce serait un vrai progrès de confort (24 ans de trithérapie au compteur) ». « Moins d'impact des traitements sur la vie "normale" », explique une autre personne. « Moins de démarche médicale pour plus de vie ». « (…) Je ne vois que des avantages à obtenir mon traitement pour trois mois ; je n'aime pas aller chercher mon traitement tous les mois, ce qui me rappelle encore mon statut ». « Pour ma part, mon médecin me prescrit mon traitement à récupérer en une fois pour six mois [ce qui est très rarement le cas, ndlr] (…) Perso, tous les mois j’ai donné et je me sentais « malade » d’aller tous les mois chercher ma boîte. Aujourd’hui je me sens bien, j’accepte l’infection et je suis très bien suivi ».
Olivier et Franck sont tous deux militants chez AIDES. « Je n’ai pas encore entendu parler de dispensation trimestrielle d’ARV, explique Olivier. Mais, je pense véritablement que ce serait une très bonne chose. Ça m’éviterait de multiples déplacements vers le centre-ville car moi je vis à la campagne et je dois régulièrement m’y rendre pour prendre mes médocs. C’est un peu contraignant. »
« Moi, je l’ai découvert par hasard. Un jour à ma pharmacie habituelle à Bastille, une pharmacienne m’a proposé une boîte de trois mois. J’ai trouvé ça chouette. Car ça m’éviterait de venir tout le temps en pharmacie surtout que je suis souvent gêné lorsque je viens la récupérer à cause des regards des gens. Je lui ai dit avec plaisir, indique Franck. N’en ayant pas en stock, elle a passé la commande pour moi. Je suis venu la récupérer le lendemain. À la fin de cette boite de trois mois, je suis venu en commander une autre. Un pharmacien m’a fait savoir qu’il y avait rupture chez le fournisseur dans ce conditionnement. J’ai eu la boîte mensuelle. J’étais déçu de ne pas avoir la boite trimestrielle. Ça voulait dire qu’il fallait que je revienne dans trois ou quatre semaines encore. Une autre fois, je suis revenu et j’ai retenté ma chance pour une boite de trois mois. Une pharmacienne m’a indiqué que les boîtes trimestrielles ne se fabriquaient pas tout le temps. Elle m’a donnée une carte de la pharmacie pour appeler afin d’en commander par téléphone en avance ; ce que j’ai fait.
Au terme de la nouvelle boite trimestrielle, je me suis directement rendu à la pharmacie. Un vendeur m’a dit qu’ils n’en avaient pas en stock et que c’était aussi le cas chez le fournisseur. Je voulais ma boîte trimestrielle parce qu’elle m’épargnait d’aller si souvent en pharmacie. J’ai donc fait une nouvelle demande qui a créé des problèmes chez le personnel de la pharmacie. Un vendeur m’a finalement confié que le propriétaire de la pharmacie ne voulait plus assurer la vente de boîtes trimestrielles [ce qui n’est pas autorisé par le Code de la santé publique. Le refus de délivrance, n’est autorisé qu’en cas de caractère dangereux de la prescription, ndlr] ».
Aujourd’hui, différents-es acteurs-rices de la prise en charge du VIH et nombre de personnes vivant avec le VIH semblent intéressés-es par la dispensation trimestrielle des ARV. Pourtant, peu de médicaments ARV existent dans ce conditionnement, à l’exception du Biktarvy (Bictégravir/emtricitabine/ténofovir alafenamide) ; remboursable à 100 % ; Prix : 1807, 98 € et de Dovato (Dolutégravir/lamivudine) ; remboursable à 100 % ; prix : 1637,83 €.
Outre, les éléments apportés par les témoignages, l’impact des franchises médicales peut aussi jouer dans le fait de vouloir des boîtes de trois mois. Le montant de la franchise est de 1 € par boîte de médicaments ou toute autre unité de conditionnement (flacon par exemple). Tous les médicaments remboursables sont concernés (médicaments allopathiques et préparations magistrales). La franchise médicale n'est prélevée que sur les médicaments remboursés par l'Assurance maladie. Le montant de la franchise médicale (1 €) est déduit du remboursement effectué par l'Assurance maladie pour la boîte de médicaments que vous avez achetée. Dans la quasi-totalité des cas, les complémentaires ne prévoient pas la prise en charge des franchises. Les personnes en ALD (donc à 100 %) doivent s’acquitter des franchises. Le montant des franchises est plafonné à 50 euros par an, au total, mais l’on sait que les franchises, auxquelles les associations de santé sont très opposées, restent un obstacle pour certaines personnes. La dispensation trimestrielle aurait, de ce fait, un effet sur le montant des franchises puisqu’il s’agit d’un euro par boîte ; donc au total, trois euros de franchises pour une boîte mensuelle sur trois mois, contre un euro pour une boîte trimestrielle.
En complément
Comment sont rémunérés-es les pharmaciens-nes ?
L’assurance maladie négocie avec les syndicats de pharmaciens-nes une convention prévoyant une compensation financière appelée « honoraires de dispensation ». Le montant des « honoraires à l’ordonnance » varie selon que l’on soit dans l’Hexagone (0,60 centimes d’euros) ou à Mayotte (0,83 centimes d’euros). La tarification est plus élevée si l’ordonnance concerne une personne de plus de 70 ans ou de moins de 3 ans : 1,58 euros dans l’Hexagone et jusqu’à 2,15 euros à Mayotte. De plus, il existe des majorations d’honoraires pour les « ordonnances comportant un ou plusieurs médicaments spécifiques » ou les « ordonnances dites complexes ». Le forfait pour une boîte en conditionnement mensuel est de 1,02 € (dans l’Hexagone) par boîte de médicaments et cela, que le remboursement du médicament soit à 15 %, 30 %, 65 % ou 100 %. La rémunération forfaitaire par boîte trimestrielle est de 2,76 € (dans l’Hexagone) et cela, que le remboursement soit à 15 %, 30 %, 65 % ou 100 %.
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