L’Actu vue par Remaides : « "L’État veut-il la mort des associations de lutte contre le VIH-sida ?", interroge Actions Traitements »
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- 16.07.2025
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Par Jean-François Laforgerie
"L'Etat veut-il la mort des associations de lutte contre le VIH/sida ?",
interroge Actions Traitements
Engagée depuis près de trente-cinq ans dans l’information, l’accompagnement, le soutien et la défense des droits des personnes vivant avec le VIH ou une co-infection, l’association Actions Traitements tire, dans un communiqué, la « sonnette d’alarme » face à une « situation budgétaire critique en raison de l’impact de la prime Ségur sur la masse salariale, et d’une baisse conséquente des financements publics ». Voici les points clefs de cette interpellation.
« Depuis fin 2024, les difficultés s’accumulent pour les finances d’Actions Traitements, au gré de décisions irresponsables de la part des autorités de santé », dénonce l’association dans son communiqué. En cause notamment, la « généralisation de la prime Ségur » qui a été actée par un arrêté du 6 août 2024. Elle permet aux salariés-es du secteur sanitaire, social et médico-social privé (à but non lucratif) de bénéficier d’une prime mensuelle de 183€ euros nets. Cela représente pour l’employeur un surcoût de 5 364 € par an et par salarié-e.
« Cette mesure est actuellement appliquée sans aucune compensation financière de l’État, contrairement au secteur public. Bien que la prime Ségur constitue une reconnaissance nécessaire des professionnels-les du secteur, elle représente d’abord une charge financière importante, et donc un risque, pour les structures associatives comme la nôtre, qui ne disposent pas de fonds propres suffisants pour faire face à cette hausse subite de la masse salariale », explique Actions Traitements.
« Malgré nos alertes auprès de la Direction générale de la santé (DGS) ou l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France, nous n’avons obtenu aucune réponse quant à une hypothétique compensation pour faire face à cette aberration », dénonce l’association.
Mais, ce n’est pas tout. « Nous avons appris récemment que certains financements existants sont menacés et seront très bientôt revus à la baisse », explique Actions Traitements qui fait mention d’une décision de la DGS. « Nous savons que notre subvention sera amputée de 20 % en 2025 par rapport à l’année dernière. Il nous a été précisé que cette baisse concerne toutes les associations de lutte contre le VIH et, surtout, qu’il pourrait en être de même en 2026. »
« Le budget de la santé est sans cesse menacé, cela affecte plus fortement les personnes les plus précaires, isolées, âgées, qui constituent la part la plus importante de nos usagers et usagères. Nous sommes donc très inquiets-es quant à la qualité des programmes que nous pourrons leur proposer dans les mois et années à venir », avance Actions Traitements. À l’instar d’autres structures, l’association (conseil d’administration et direction) rappelle qu’elle s’est toujours « attelée » à trouver « de nouvelles sources de financement, afin de maintenir une gestion saine et rigoureuse, tout en résistant à l’érosion déjà entamée des subventions publiques ». Et d’expliquer : « Les fonds collectés (publics et privés) ont toujours été affectés à des projets ayant un impact direct sur la vie des personnes suivies à l’association et sur nos publics. Les progrès thérapeutiques permettent aux personnes vivant avec le VIH de vivre mieux et plus longtemps qu’au début de l’épidémie. Cependant de nombreuses inégalités et problématiques persistent, notamment : discriminations, comorbidités, vieillissement, isolement et précarité ».
Crédit photo : Anthony Leprince pour Studio Capuche
Aujourd’hui, les baisses financières et les décisions des pouvoirs publics contraignent l’association à « remettre en cause le développement et le maintien de certains projets et activités associatives ». « Nous avons dû réduire notre masse salariale par rapport au budget prévisionnel. Nous avons annulé notre colloque scientifique annuel, initialement prévu en novembre 2025, événement qui réunit chaque année plus de 150 acteurs et actrices de la lutte contre le VIH et les hépatites : chercheurs, cliniciens, associations. Nous avons également décidé d’imprimer et de diffuser moins largement nos outils d’information, car nous ne pouvons plus absorber l’augmentation importante des coûts de fabrication. Pourtant, rien qu’en 2024, c’est plus de 58 500 outils d’information que nous avons distribué partout en France (et au-delà), dans les hôpitaux, chez les médecins et les infirmiers-ères, dans les associations partenaires et directement aux personnes concernées. Enfin, nous avons dû abandonner le projet de déménagement qui nous permettrait d’améliorer les conditions de travail de l’équipe salariée et, surtout, d’accueillir les personnes accompagnées dans de meilleures conditions ».
Cette situation est d’autant plus mal vécue que l’association constate une « augmentation permanente du nombre de personnes accompagnées [par elle, ndlr]. En 2024, plus de 500 personnes ont bénéficié d’un accompagnement, dont 245 dans le cadre de notre programme d’éducation thérapeutique (ETP). À la fin du premier semestre 2025, leur nombre atteint déjà 275 (ETP) et nos données de suivi indiquent une poursuite de l’augmentation ». Bref, l’association se trouve fragilisée alors que ses données d’activité montrent l’importante de sa place dans la réponse à l’épidémie et l’accompagnement des personnes vivant avec le VIH.
« Ce mardi 8 juillet 2025, une commission d’enquête du Sénat a publié un rapport qui conclut que les aides publiques aux entreprises ont coûté 211 milliards d’euros à l’État en 2023, alors que les multinationales continuent à délocaliser l’emploi et engraisser les actionnaires ! Ceci alors même qu’en France, on continue de mourir du sida, et que la prévention ― notamment par la Prep ― n’est toujours pas au niveau escompté ! Ne pourrait-on pas remettre en question le projet de société actuel, funeste, pour reposer les bases d’un projet plus solidaire, plus social, plus citoyen ? », interroge l’association dans son communiqué. Et Actions Traitements de conclure : « Les nouvelles diminutions de nos subventions publiques, ainsi que l’impact de la prime Ségur sans la moindre compensation sont d’autant plus intolérables et incompréhensibles (…) La lutte contre le VIH-sida ne peut pas se poursuivre au détriment des plus vulnérables et nous ne pouvons pas imaginer que les bailleurs de fonds publics abandonnent leur rôle de financement contre l’épidémie de VIH-sida au profit d’acteurs du secteur privé. Une association de patients majoritairement financés par des fonds privés pose question. »