Rapport discriminations 2020
- Publication
- 12.11.2020
VIH, hépatites : la face cachée des discriminations 2020
Précarisation économique, difficultés d’accès à l’hébergement, entraves dans l’accès aux droits et à la santé, stigmatisation accrue, aggravation de la répression : la crise sanitaire liée à la Covid-19 révèle et exacerbe les inégalités existantes et touche de plein fouet les populations les plus fragiles.
Les personnes concernées par le VIH et les hépatites, qu’elles soient porteuses de virus ou vulnérables au risque d’infection, se retrouvent en première ligne face à la Covid-19. Les inégalités structurelles et le contexte social défavorable les exposent tout particulièrement aux risques de contamination, ainsi qu’à des complications médicales en raison des facteurs de comorbidités liés à leur état de santé ou à leurs conditions de vie. La crise sanitaire et les mesures de santé publique adoptées pour y faire face aggravent également leur précarité économique et sociale. Les politiques d’exclusion qui pèsent sur elles sont renforcées.
Au terme d’une année marquée par l’irruption d’une pandémie sans commune ampleur, la cinquième édition du rapport VIH/hépatites, la face cachée des discriminations entend révéler et dénoncer la situation que subissent ces populations laissées pour compte. En donnant la parole aux premières personnes concernées, à travers leurs témoignages, il s’agit de mettre au grand jour l’ensemble des difficultés auxquelles elles sont confrontées, et la manière dont AIDES se mobilise pour y répondre.
À travers une démarche collective, reposant sur la participation des militants-es et des personnes accompagnées par notre association, ce rapport se veut force de proposition afin de faire évoluer la situation. « Rien pour nous, sans nous » : il défend la mobilisation communautaire et l’implication des premières personnes concernées dans l’ensemble des processus de décisions qui les concernent, en matière de recherche, de prise en charge médicale et de politiques de santé. Une publication au service d’une démonstration, sur le fond comme sur la forme : nos communautés sont les meilleures alliées contre les épidémies.
Création des visuels : © Atelier Youpi
Une campagne de lutte contre les discriminations
La sortie de cette 5ème Rapport discriminations de AIDES fait écho avec le lancement de la campagne « Pourtant, je m'appelle » de l'association, dédiée à la lutte contre les discriminations, qui font le lit de l'épidémie de VIH.
Accès aux chapitres
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Rapport Discriminations 2020
VIH, hépatites :
la face cachée des discriminations
— Édition 2020
Chapitre 1
Crise sanitaire et précarité : des facteurs de vulnérabilité exacerbés
« Mon problème, maintenant, c’est là où je vis – parce que je suis à l’hôtel avec le 115, vraiment ce n’est pas facile. Au moment du confinement, j’avais des problèmes de médicaments, parce que j’avais demandé l’asile et il m’a été refusé. Et là je n’ai même pas de CMU [Couverture maladie universelle, remplacée par la Protection universelle maladie (Puma) depuis 2016] pour le moment, parce que la CMU, ils me l’ont refusée aussi. Donc on m’a donné les 100 % à l’accouchement, mais aujourd’hui quand je vais à la pharmacie, on refuse de me donner les médicaments. Même trouver un moyen de déplacement, c’est tout un problème. Là je ne travaille pas, le papa il n’est pas là pour le bébé, et je n’ai personne. Même pour sortir, c’est tout un problème. C’est au moment du confinement que Assiya [la militante de AIDES qui l’accompagne] m’avait donné un peu pour pouvoir prendre le bus. Ça reste un problème aujourd’hui. Et je sais que le jour où les contrôleurs vont me chopper, ça ne sera pas facile pour moi. Donc c’est un peu compliqué pour moi, vraiment. Surtout avec le bébé, ce n’est pas facile. Je ne peux même pas prendre le lait aux Restos du cœur, ils sont fermés aussi. Donc je ne sais pas, je ne sais pas… C’est un peu compliqué, vraiment, c’est un peu compliqué. » — Alma, personne séropositive accompagnée par AIDES
Les inégalités sociales se répercutent très fortement sur la santé. Les personnes les plus fragiles socialement sont plus exposées aux épidémies, car précaires économiquement et socialement, marginalisées ou rencontrant des difficultés d’accès aux soins. Le SARS-CoV-2 partage un niveau d’interface avec le VIH auprès des populations les plus vulnérables, que les inégalités structurelles et le contexte social défavorable exposent tout particulièrement aux risques de contamination et de complications de santé liées à ces deux virus. Nos constats de terrain le démontrent dans la crise sanitaire que nous traversons : l’épidémie de Covid-19 et l’insuffisance des mesures mises en place par les autorités publiques pour y faire face ont des conséquences dramatiques sur les ressources, l’hébergement, la santé et la qualité de vie des populations clés du VIH et des hépatites
Chapitre 2
Crise sanitaire et accès aux droits : une relégation sociale accrue
« La répression policière a toujours été là, mais elle est devenue visible et plus intense [pendant la période de confinement]. Là, il y a — comment dire ? Un système gouvernemental qui va réprimer, au lieu de donner accès aux soins, à des papiers, à des droits. Je pense que quand on cumule plusieurs discriminations, qu’on soit transgenre, migrante, ou qu’on travaille à la rue, oui, je pense qu’il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de répression policière. » — Ludivine, travailleuse du sexe accompagnée par AIDES
L’épidémie de covid-19 exacerbe non seulement les inégalités sociales existantes, mais elle touche également le plus durement les populations déjà les plus stigmatisées et marginalisées : travailleurs-ses du sexe, usagers-es de drogues, personnes étrangères en situation administrative précaire, personnes détenues ou encore personnes défavorisées en raison de leur genre, leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. Les politiques d’exclusion qui pèsent sur elles sont renforcées. La création d’une infraction pénale spécifique pour non-respect du confinement a particulièrement affecté certaines d’entre elles, que les conditions de vie ou de travail exposent plus fortement au contrôle et à la répression policière. La limitation des déplacements et le confinement de la population a également exacerbé les violences, que ce soit dans l’exercice du travail du sexe ou dans la sphère conjugale et familiale. Les situations d’exceptionnalité juridique — en milieu fermé notamment, ou dans les territoires ultra-marins — ont renforcé les traitements différenciés des populations. La logique sécuritaire de pénalisation des comportements adoptée durant cette période a particulièrement visé les publics les plus vulnérables, renforçant leurs difficultés d’accès aux droits et à la santé.
Chapitre 3
AIDES et la crise sanitaire : nos réponses communautaires
« Face à une urgence médicale certaine et une crise morale qui est une crise d’identité je propose un lieu de réflexion, de solidarité et de transformation, voulons-nous le créer ? » — Extrait d’une lettre adressée à quelques amis par Daniel Defert en vue de la création de AIDES, le 25 septembre 1984
Comme beaucoup, AIDES a été prise de court par la montée rapide de l’épidémie de Covid-19, par le nombre de décès, par la déstabilisation du système de santé, par le confinement généralisé du pays et l’adoption de l’état d’urgence sanitaire. Nous avons dû réagir rapidement et trouver des solutions pour nous adapter à cette situation. Forts-es de notre expérience de lutte contre les épidémies du VIH/sida et des hépatites, nous avons mis en place les mesures nécessaires pour assurer nos missions de prévention et de protection des populations que nous accompagnons, et dont nombre d’entre nous sont issus-es. Sans jamais transiger sur la sécurité des personnes qui ont besoin de nous et sur celle des militants-es qui les soutiennent. Pour répondre aux défis de la crise sanitaire, nous nous efforçons d’informer nos publics, de les accompagner dans leur accès aux droits et à la santé, de lutter contre leur isolement, tout en renouvelant nos pratiques et nos approches dans le respect des mesures sanitaires. Nous travaillons également avec les autorités de santé et les décideurs-ses politiques pour défendre les droits de nos populations clés et leur implication dans l’élaboration et la mise en œuvre des mesures de santé les concernant. Si certaines mesures ont été prises au plus fort de la crise pour protéger les populations les plus vulnérables, il est nécessaire d’aller encore plus loin pour les aider à faire face à l’épidémie de Covid-19 et à ses conséquences économiques, sanitaires et sociales, qui s’annoncent durables.
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