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    Lettre ouverte à Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    Monsieur le Ministre,

    Comme vous le savez, en 2016, la loi de modernisation de notre système de santé a prévu, en son article 92, le déploiement d’expérimentations d’accompagnement à l’autonomie en santé. Il s’agissait de trouver des dispositifs innovants, des nouvelles manières de faire qui permettent à des personnes souffrant d'une maladie chronique ou particulièrement exposées au risque d'une telle maladie ainsi qu’à des personnes handicapées d’entrer dans un parcours durable de santé.

    Ces expérimentations ont été pensées et construites comme un puissant levier pour répondre aux inégalités en santé. Leur cadre s’est construit autour d’un large consensus de représentants-es d’usagers-ères et d’associations, dans un esprit de complémentarité avec les acteurs médicaux et soignants, en vue de renforcer la qualité et la continuité du parcours. Elles visent à renforcer les capacités d’agir des personnes afin qu’elles puissent s’orienter dans un système de santé complexe et prendre soin de leur santé. Elles visent aussi à transformer un système de santé particulièrement inégalitaire.

    L’article 92 de la loi du 29 janvier 2016, prévoit une expérimentation pour une durée de cinq ans à partir de la promulgation de loi et un rapport remis au parlement trois mois avant l’expiration de ce délai. Le choix du législateur en demandant un rapport d’évaluation plusieurs mois avant la fin du dispositif, était de permettre une éventuelle généralisation de ces projets sans rupture de leur financement. Or, malgré la claire volonté du législateur ces délais seront loin d’être respectés.

    Plus d’une vingtaine de projets ont été mis en place, soutenus par des financements publics, pour une durée de cinq ans. Mais aujourd’hui, ces accompagnements sont menacés. Les expérimentations introduites par l’article 92 arriveront à leur terme pour certaines fin 2021 et pour d’autres fin 2022. Les résultats découlant des évaluations seront rendus fin 2023, date à laquelle un rapport au Parlement est annoncé. Le report de ce rapport largement au-delà de ce qui était prévu menace la poursuite du financement de ces projets. En effet, faute du maintien d’une ligne budgétaire nationale, l’éventuelle et partielle poursuite des financements est renvoyée à des négociations très aléatoire et inégalitaires selon les ARS.

    Nos organisations s’inquiètent de l’interruption d’un financement national qui va se traduire par l’arrêt de certains accompagnements. Les conséquences sur l’autonomie des personnes incluses dans ces projets seront importantes, alors que les premiers résultats démontrent la validation des modèles construits aux côtés des personnes concernées. Qu’adviendra-t-il d’elles, dès la fin de cette année et les années suivantes ? Plus largement, qu’adviendra-t-il de l’ensemble des leçons que nous avons tirées des expérimentations menées ces cinq dernières années ?

    Alors même que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 s’attache à prolonger de nombreuses expérimentations mises en difficulté par la crise du COVID 19, celles de l’article 92 semblent avoir été tout bonnement omises. A l’heure où l’exécutif réfléchit à l’avenir de la santé publique en France à travers une mission confiée au Professeur Franck Chauvin, les réponses que nous apportons ne doivent pas être écartées, mais doivent être au centre des recommandations.

    Monsieur le Ministre, conformément aux choix du législateur de 2016, vous avez la main pour prolonger et pérenniser des modèles d’accompagnement à l’autonomie en santé qui fonctionnent et atténuent des inégalités en santé. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 doit nous donner les moyens de poursuivre nos accompagnements des personnes les plus fragilisées de notre société. Elles ne doivent pas être oubliées.

    Veuillez agréer l’expression de notre sincère considération.

    SIGNATAIRES : AIDES - AFM-Téléthon, Apléat-Acep, ARCAT, Ireps BFC, La Case, La Case Santé, Pôle santé Chambéry