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    L’Actu vue par Remaides : « Appel urgent à un leadership continu de l’OMS en matière de réduction des risques pour les consommateurs de drogues »

    • Actualité
    • 05.11.2025

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    Crédit Photo : DR.

    Par Jean-François Laforgerie

    Appel urgent à un "leadership continu de l'OMS en matière de réduction des risques pour les consommateurs-rices de drogues"

    L’initiative pourra paraître technique, mais elle est importante dans un contexte où la réduction des risques et des dommages (RDRD) est l’objet d’une remise en cause latente, voire d’attaques virulentes. Le Consortium international sur les politiques des drogues (IDPC) a adressé une lettre ouverte au directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, signée par 177 organisations, l'exhortant à préserver le mandat de l'OMS en matière de réduction des risques à un moment où les coupes budgétaires et les pressions politiques menacent de l’affaiblir.

    Une lettre ouverte contre une menace
    « Au nom des 177 organisations de la société civile et des organisations communautaires [signataires, ndlr], nous écrivons pour exhorter l’Organisation mondiale de la santé [OMS] à maintenir et à financer sa forte présence, sa capacité d’expertise, ses orientations normatives et sa voix diplomatique dans les domaines de la réduction des risques, des droits de l’homme et des politiques en matière de drogues, afin de garantir la poursuite de son travail crucial en faveur de la réduction des risques et des personnes qui consomment des drogues, et également en garantissant une implication significative des personnes qui consomment des drogues à tous les niveaux ». La phrase est longue, mais dit tout.

    Le rôle clef de l’OMS
    En effet, l’OMS a été la première agence des Nations Unies à « soutenir » et à « adopter pleinement l’approche de réduction des risques » par le biais de ses orientations et de sa politique. Elle est aujourd’hui un « défenseur et un chef de file mondial des politiques et programmes efficaces qui protègent les droits et la vie des personnes qui consomment des drogues contre des risques évitables tels que le VIH, l’hépatite C, les surdoses et les décès liés à la drogue », explique le courrier. Les signataires ne perdent pas de vue que l’OMS, à l’instar d’autres acteurs-rices de la santé et des droits humains à travers le monde, traverse « une période de défis sans précédent ». La crainte est que les coupes budgétaires en cours et plus largement les pressions géopolitiques, notamment dans le champ de la santé, ne « fragilisent » le rôle de l'OMS, sa « volonté politique et sa position de référence en matière de réduction des risques et de programmes pour les personnes consommatrices de drogues. »

    Des programmes de RDR « décimés »
    Les signataires soulignent que les « progrès et les réalisations accomplis à ce jour sont le fruit de l'expertise technique, de l'expérience et de l'engagement inégalés du Département des programmes mondiaux de lutte contre le VIH, les hépatites et les infections sexuellement transmissibles [de l’OMS, ndlr], notamment de son engagement à garantir la participation significative des personnes consommatrices de drogues et d'autres populations clés aux processus décisionnels et à la co-élaboration des orientations et politiques clés.
    Mais, ils-elles notent un « contexte où les programmes de réduction des risques et les programmes communautaires sur le terrain sont décimés », et ce d’autant que d’autres agences onusiennes, mais aussi le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme sont confrontés à leurs « propres crises de financement ». Dans un contexte très dégradé, les signataires en appellent au « leadership » et à « l'expertise » de l’OMS à défendre et maintenir le cap. C’est-à-dire de poursuivre « l’augmentation du nombre de pays adoptant des politiques et des programmes de réduction des risques dans le monde ».
    « Perdre cette capacité, ou l'affaiblir par une fusion avec d'autres mandats ou départements, serait désastreux pour notre communauté et compromettrait davantage les services et la couverture de réduction des risques », expliquent les signataires. La crainte est d’autant plus forte que la RDR est confrontée depuis des années à une crise de financement et de « leadership politique », alors même qu’elle a démontré son efficacité en santé publique. Un affaiblissement plus fort encore de la RDR serait très grave. Les personnes qui s'injectent des drogues étaient déjà 14 fois plus susceptibles d’être infectées par le VIH que le reste de la population adulte.

    « Le financement de la réduction des risques dans les pays à revenu faible et intermédiaire ne représentait déjà que 6 % des besoins annuels estimés en ressources », souligne la lettre ouverte. « Aujourd'hui plus que jamais, nous avons besoin que l'Organisation mondiale de la Santé pilote, protège et promeuve la réduction des risques et défende des politiques et des programmes fondés sur des données probantes et fondés sur les droits des personnes qui consomment des drogues. Un affaiblissement du rôle de l'OMS se traduirait inévitablement par des revers non seulement pour la réduction des risques, mais aussi pour la lutte plus large contre les maladies infectieuses. »

    Une opportunité à saisir
    La résolution 68/6 de la Commission des stupéfiants (CND) de 2025 (« Renforcer le système international de contrôle des drogues : vers une mise en œuvre efficace ») constitue une occasion idéale de démontrer le leadership de l'OMS à cet égard. Dans ce cadre, un groupe de 19 personnes a été nommé et chargé d’examiner la « mise en œuvre des engagements en matière de la politique des drogues » et d'« examiner les modifications nécessaires au dispositif existant de contrôle international des stupéfiants ». Un des membres de ce groupe sera désigné par le patron de l’OMS. Cette lettre ouverte constitue rien moins qu’un appel à ne pas laisser tomber la RDR et à faire le bon choix d’un-e candidat-e ayant un profil compatible avec les enjeux soulevés par les signataires.

    Cette lettre ouverte a été signée par un grand nombre de structures présentes sur tous les continents. On y trouve, entre autres, la Fédération Addiction et l’association portugaise GAT, membre de Coalition PLUS.

    Plus d'infos ici.