L’Actu vue par Remaides : « Philippe : " Pour moi, le traitement injectable contre le VIH tous les deux mois" »
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- 12.09.2025
Philippe Rossignol photographié à l'occasion du 1er décembre 2023.
Crédit photo : DR
Par Philippe Rossignol
Philippe : "Pour moi, le traitement injectable contre le VIH tous les deux mois"
Philippe qui vit avec le VIH depuis une vingtaine d’années, revient sur son expérience avec le traitement injectable, tous les deux mois, qu’il prend depuis fin 2022. Témoignage.
Je m’appelle Philippe. J’ai 60 ans et je suis séropositif depuis 23 ans. Sous traitement depuis 2011, je prends depuis novembre 2022 un traitement injectable, tous les deux mois. Il consiste en l’injection en intra-musculaire profonde de deux solutions à libération prolongée (une dans chaque fesse) : l’un contenant de la rilpivirine (Rekambys) et l’autre du cabotégravir (Vocabria).
J’ai pu en bénéficier car, après être passé par plusieurs traitements par trithérapie, je me trouvais déjà sous bithérapie par comprimés comprenant deux molécules ((rilpivirine déjà, et dolutégravir) appartenant aux mêmes classes de médicaments.
Quand mon médecin me l’a proposé, je n’ai pas hésité longtemps. Ça me semblait plus pratique que de prendre un comprimé tous les jours, avec le risque d’oublier des prises, ou la contrainte de devoir remplir son pilulier quand on part pour plusieurs jours. Et surtout, pour moi, prendre un comprimé quotidiennement, même si on est habitué, crée une charge mentale et rappelle tous les jours plus ou moins consciemment que l’on est séropositif. Dans certaines situations, cela peut aussi éliminer la contrainte de se cacher pour prendre son comprimé de peur des questions de l’entourage, des proches. De plus, je ne crains pas les piqûres. Donc, cela n’a pas été un frein dans mon choix. Par ailleurs, il est très facile de revenir au traitement classique par comprimés, et cela à tout moment.
Les deux premières injections se sont faites à l’hôpital, à un mois d’intervalle, puis un mois après par une infirmière de ville, et ensuite tous les deux mois, toujours chez l’infirmière de ville. Cela s’est très bien passé, je n’ai même rien senti au moment où elle piquait. Je sentais juste quand le liquide se diffusait dans le muscle, mais je ne peux pas dire que c’était douloureux. L’infirmière a fait bien attention d’injecter les deux solutions lentement. Les seuls effets que j’ai ressentis les premières fois, c’était le lendemain, l’impression d’avoir un peu de courbatures dans les muscles des fesses, mais ça n’était pas gênant. Le jour suivant, c’était fini. Et au fil des injections, ce léger désagrément a complètement disparu. Je n’ai eu aucun autre effet indésirable, pas même ceux qui sont décrits dans la notice.
Il faut juste faire attention à deux choses : d’une part, il faut commander les produits que l’on va recevoir à la pharmacie quelques jours avant car ils ne sont évidemment pas en stock et d’autre part le Rekambys doit être conservé au frigo et mis à température ambiante un quart d’heure avant l’injection (pas d’injection avec le produit froid), mais il ne doit pas rester à cette température plus de six heures, après c’est fichu, il n’est plus utilisable. J’avais oublié cela la première fois. Maintenant, j’ai le réflexe de mettre le Rekambys directement au frigo, et je me suis arrangé avec l’infirmière pour qu’elle m’envoie un message vingt minutes avant son passage pour la mise à température ambiante.
Cela étant, nous ne sommes pas tous égaux face aux injections. Il y a des personnes qui ressentent des douleurs aux fesses pendant plusieurs jours. Comme l’injection ne me stresse pas, je suis très détendu et l’aiguille s’enfonce facilement. L’infirmière m’a dit que chez des personnes dont les muscles étaient très contractés quand elle faisait ce type d’injection, elle avait l’impression de piquer dans du bois. Et dans ce cas, ça fait mal… C’est vrai que l’aiguille fait quand même quatre centimètres de long et cela peut faire peur, mais maintenant on fait des aiguilles très fines. Personnellement, je n’ai ressenti aucune différence entre une injection « classique » et une injection « profonde », mais celle-ci dure un peu plus longtemps.
Le traitement par injection tous les deux mois m’a libéré l’esprit
Avec le recul, aujourd’hui, je ne me sens plus séropositif ! Sauf, disons une fois tous les deux mois quand il faut penser à commander les produits à injecter et prévenir l’infirmière pour la nouvelle injection. Le mode de traitement par injection ne dispense évidemment pas de respecter une bonne observance, condition nécessaire pour conserver une charge virale indétectable ! Mais il y a une relative souplesse : on a jusqu’à une semaine après la date d’injection prévue pour la faire sans se trouver avec un traitement insuffisamment efficace.
J’ai adopté une routine pour ne pas oublier : je fais mes injections toutes les huit semaines, toujours le même jour. Ça permet de programmer des rendez-vous fixes dans mon calendrier, tout simplement dans mon téléphone ou mon PC, avec une alerte quelques jours avant pour commander les produits.
Le traitement par injection m’a apporté un plus dans mon estime personnelle. Je ne me sens plus différent des autres, des gens dits « normaux », séronégatifs au VIH. Je croise les gens dans la rue, dans mon entourage, mes voisins, ma famille, mes amis, sans penser que je suis séropositif et sans crainte de ce qu’ils ou elles pourraient dire ou penser « s’ils savaient » pour moi. Mais je décide quand même parfois d’affirmer que je suis séropositif, avec une charge virale indétectable, donc que je ne peux pas transmettre le VIH. Pour moi, cela tient de l’acte politique. Cela contribue à changer les mentalités et effacer des représentations qui datent des années 80 ou 90, parce qu’il n’y a plus aucune raison de faire une différence entre une personne séropositive et une qui ne l’est pas. Affirmer : « Indétectable = Intransmissible », le dire bien haut est un acte politique.
La plupart de mes voisins dans mon immeuble doivent sans doute savoir que je suis séropositif, j’ai témoigné plusieurs fois à visage découvert dans des journaux locaux, et je n’ai jamais eu une remarque malveillante en retour.
Néanmoins, ce n’est pas toujours le cas. Par exemple, j’ai essuyé des refus en lien direct avec ma séropositivité sur des applis ou des sites de rencontre. Je suis transparent et j’annonce toujours que je suis séropositif. Quelques petites explications sont parfois nécessaires. En général, cela suffit et cela ne pose pas de problème, mais il m’est arrivé d’être discriminé dans ce contexte.