L'Actu vue par Remaides : Pour renforcer la prise en charge du vieillissement des personnes concernées par les acteurs-rices de la lutte contre le VIH, il est indispensable que les pouvoirs publics leur allouent les moyens nécessaires
- Actualité
- 19.08.2025
Crédit photo : DR/Sidaction
Par Adrien Cornec
"Pour renforcer la prise en charge du vieillissement des personnes vivant avec le VIH, il est indispensable que les pouvoirs publics leur allouent les moyens nécessaires"
Les États généraux des personnes vivant avec le VIH (EGPVVIH), les premiers depuis 20 ans, se sont déroulés du 25 au 27 mai 2024 à Paris. Après plus de 40 ans d’épidémie du VIH/sida, les EGPVVIH entendaient être un « espace de dialogue créé par et pour les personnes concernées ». Un an plus tard, la rédaction de Remaides donne la parole à celles et ceux qui ont participé à cet évènement. Entretien avec deux militantes de Sidaction : Julia Roy, responsable de programmes et Corinne Le Huitouze, responsable de programmes, référente sur Vieillir avec le VIH.
Note de la rédaction : Julia Royet Corinne Le Huitouze ont répondu à ces questions par écrit. Leurs réponses sont donc communes.
Remaides : Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre structure ?
Julia Roy, et Corinne Le Huitouze : Corinne Le Huitouze est responsable de programmes associatifs, référente sur vieillir avec le VIH. Julia Roy est responsable de programmes associatifs.
Sidaction est une association française de lutte contre le VIH/sida, créée en 1994 et reconnue d’utilité publique. Elle finance des programmes de recherche et des associations de soutien aux personnes vivant avec le VIH et de prévention, en France et à l’international.
Depuis 2018, Sidaction coordonne le groupe « Bien vieillir avec le VIH », qui réunit des acteurs-rices associatifs-ves, des personnes concernées, des soignants-es, des chercheurs-ses, pour contribuer à l’amélioration de la qualité de vie et de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH de plus de 50 ans. Le groupe permet de partager des ressources et actualités, faire remonter les besoins, mutualiser les initiatives existantes, porter les recommandations pour la prise en charge des personnes vieillissant avec le VIH.
Lors des EG, le sujet du vieillissement est apparu comme un enjeu nouveau avec le constat d'une absence de prise en charge par les acteurs-ices de la lutte contre le VIH. Est-ce un constat que vous partagez ? Quelles sont les conséquences pour la santé des personnes ?
Plus de la moitié des personnes vivant avec le VIH en France ont plus de 50 ans. Sur les 166 300 personnes prise en charge pour le VIH en France, près de 72 800 ont plus de 55 ans, dont 26 300 ont plus de 65 ans et 7200 personnes plus de 75 ans (données assurance maladie 2022). Les personnes vieillissant avec le VIH doivent faire face à des difficultés supplémentaires par rapport à la population générale : comorbidités précoces et accentuées, polymédication, isolement, discriminations, obstacles pour l’accès aux droits et au logement, etc.
Afin de répondre à ces besoins, il est nécessaire de proposer une prise en charge globale de qualité, de lutter contre les discriminations et de garantir l’ensemble des droits économiques et sociaux, tout en veillant à ce que les personnes vieillissant avec le VIH restent actrices de leur parcours et de leurs choix.
Des associations de lutte contre le VIH proposent depuis quelques années un accompagnement spécifique aux personnes vivant avec le VIH de plus de 50 ans. Les associations interviennent notamment dans la coordination des soins, médiation en santé, accompagnement pour l’accès aux droits, activités collectives, groupe d’auto-support, activité physique adaptée, etc. Par exemple en Île-de-France, Actions Traitements porte un programme spécifique sur ce sujet (séances d’activité physique adaptée, groupe d’auto-support, brochures…), l’association Les Petits Bonheurs réalise un accompagnement auprès des personnes concernées de plus de 50 ans (accompagnement au sein des structures médico-sociales, médiation en santé, convivialité, soutien pour l’adaptation du domicile…), de même que l’association Marie-Madeleine qui propose un accompagnement spécifique (séances d’activité physique adaptée, nutrition, médiation en santé…). Dans d’autres régions de France, des associations ont également développé des actions spécifiques, comme, par exemple, Envie à Montpellier (séances d'activités physiques adaptées et techniques somatiques, groupe de parole…) et Da Ti Seni à Lyon (groupe de parole, sensibilisation sur les comorbidités, séances d’activité physique…). Sidaction soutient également des projets de recherche sur cette thématique.
L’intérêt des pouvoirs publics pour l’accompagnement des personnes vivant avec le VIH s’affaiblit considérablement malgré les besoins, en particulier sur le sujet du vieillissement. Pour renforcer la prise en charge du vieillissement des personnes concernées par les acteurs-rices de la lutte contre le VIH, il est indispensable que les pouvoirs publics leur allouent les moyens nécessaires.
Il y a une forte demande de prise en compte à destination des organisations accompagnant les personnes, les professionnels-les de santé, quels outils ou types d’accompagnement faudrait-il développer pour que cette étape de la vie se passe au mieux ?
Depuis la première rencontre entre les acteurs-rices concernés-es par le vieillissement avec le VIH en 2018 (Les « journées de mutualisation bien vieillir avec le VIH » organisées par Sidaction tous les deux ans), les réflexions du groupe « Bien vieillir avec le VIH » alimentent une feuille de route qui recense les besoins des personnes vivant avec le VIH de plus de 50 ans et les recommandations aux associations, soignant.es, pouvoirs publics.
Cette feuille de route identifie quatre objectifs principaux pour améliorer la prise en charge et la qualité de vie des personnes vieillissant avec le VIH :
- Proposer une approche globale des parcours de santé et renforcer la coordination de ces parcours, tout en incluant l’accès aux démarches de prévention des fragilités et des comorbidités : Il s’agit, par exemple, d’initiatives concernant l’évaluation et la prise en compte de la qualité de vie et des conditions de vie dans la prise en charge médicale, l’allocation de moyens suffisants pour réaliser un bilan de synthèse annuel (BSA) de façon systématique, pour repérer les fragilités et prévenir les comorbidités, l’identification d’un-e acteur-rice référent-e en charge de faire le lien et assurer le partage d’informations, l’accès à l’activité physique adaptée etc.
- Former tous-tes les intervenants-es de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH de plus de 50 ans et renforcer les échanges avec le champ des autres maladies chroniques et de la gériatrie : Il s’agit, par exemple, de la sensibilisation des professionnels-les travaillant auprès des personnes âgées (sur les spécificités du vécu avec le VIH, la non-discrimination et la confidentialité), la mutualisation d’outils développés par les COREVIH (ancienne forme des CORESS) Arc-Alpin, Nouvelle-Aquitaine, Lyon Vallée du Rhône qui s’adressent aux professionnels-les de la santé et du social sur l’accompagnement des personnes vieillissantes vivant avec le VIH à domicile ou en résidence, la diffusion des connaissances des dispositifs spécifiques pour personnes âgées et/ou en perte d’autonomie etc.
- Lutter contre les freins pour l’accès aux droits et à la santé et encourager les initiatives innovantes pour accompagner les personnes dans la perte d’autonomie, notamment pour répondre à l’enjeu de l’habitat : Il s’agit par exemple du développement de dispositifs publics permettant de financer l’adaptation du logement en cas de perte d’autonomie ou d’autres initiatives innovantes de logement (logement éclaté, maison de retraite autogérée, habitat partagée, habitat inclusif…), d’anticiper en amont l’ouverture des droits à la retraite etc.
- Lutter contre les préjugés et les discriminations et valoriser le pouvoir d’agir des personnes : Il s’agit par exemple de donner plus de visibilité aux personnes, de veiller à leur représentation dans les associations, les instances de démocratie sanitaire, les réseaux d’acteurs-rices etc.
Dans le groupe « Vieillir avec le VIH », quels sont les attentes à destination des décideurs-ses publics et quelles perspectives vous identifiez sur cette thématique ?
Depuis 2023, le groupe « Bien vieillir avec le VIH » travaille sur l’élaboration et la prise en compte de recommandations par les pouvoirs publics pour garantir le bien-être et une prise en charge de qualité des personnes vieillissant avec le VIH. Un document de positionnement contenant ces recommandations a été élaboré et transmis aux pouvoirs publics concernés par les enjeux de santé et du bien vieillir. Il est attendu que les pouvoirs publics garantissent aux personnes vieillissant avec le VIH une prévention et une prise en charge des comorbidités adaptées et de qualité, ainsi que le respect, la protection et la mise en œuvre de l’ensemble de leurs droits économiques et sociaux.
L’objectif du groupe auprès des pouvoirs publics est de maintenir visible les besoins des personnes vivant et vieillissant avec le VIH et d’assurer la prise en compte effective par les institutions des recommandations pour le bien-être et la qualité de la prise en charge des personnes.
Propos recueillis par Adrien Cornec