L'Actu vue par Remaides : Mort du romancier américain Edmund White, figure de proue de la littérature LGBT+
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- 09.06.2025
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Jean-François Laforgerie et Fred Lebreton
Mort du romancier américain Edmund White, figure de proue de la literrature LGBT+
Figure de proue de la littérature LGBT+, mais pas seulement, le romancier américain Edmund White est mort à l’âge de 85 ans. Il laisse derrière lui une œuvre importante qui a traité de toutes les dimensions de la vie des personnes LGBT+, dont le VIH. Edmund White avait appris sa séropositivité en 1985.
L’homosexualité est au cœur de son écriture
« Malheureusement, je peux confirmer qu’Ed (Edmund White) est mort la nuit dernière dans sa maison de New York de causes naturelles », a déclaré son agent Bill Clegg dans un courriel à l’AFP, le 4 juin. Né le 13 janvier 1940 à Cincinnati (Ohio), Edmund White est l’auteur de dizaines de romans, plusieurs nouvelles, articles et essais. Dès ses premiers livres, l’homosexualité est au cœur de son écriture. Adoubé par le public et la critique dès son premier roman « Oublier Elena », sorti en 1973, il écrit notamment le très explicite « The Joy of Gay Sex » (1977), sorte de Kama Sutra illustré devenu une référence LGBT+ outre-Atlantique, « Nocturnes pour le roi de Naples » (1978) ou encore « L’Homme marié » (2000).
L’Homme marié est un de ses grands livres qui traitent du sida. En voici, l’histoire : Austin est un Américain proche de la cinquantaine. Dans une salle de gym parisienne, il rencontre julien, jeune architecte français et marié. Contre toute attente, les deux hommes connaissent bientôt un amour passionné. En dépit des complications de la vie ― Julien est marié, Austin a un ex-amant, Peter, qui est malade ―, ils partagent des moments précieux… Mais la vie les rattrape : dans un Maroc sombre, Austin se retrouve au chevet de Julien, malade du sida, peut-être infecté par cet homme qui venait de découvrir la fidélité. Le roman est d’une grande subtilité. « L'Homme marié nous montre Edmund White au sommet de son art », commentait le Sunday Telegraph. « L'un des romans les plus puissants, sincères, captivants et bouleversants que j'aie lus ces dernières années », saluait la grande écrivaine américaine Joyce Carol Oates, une amie d’Edmund White.
Le sida est aussi au cœur d’un autre livre majeur : « L’écharde, chroniques d’un état de crise », corédigé avec Adam Mars-Jones. C’est un livre singulier qui a fait date. Deux écrivains se sont réunis pour écrire autour d'un même thème : une grave maladie, véritable fléau de notre époque, jamais nommée au fil des récits. Le résultat ? « Deux voix qui s'élèvent sur un sujet douloureux, inavouable, deux styles d'écriture, l'une descriptive, égale (celle de Mars-Jones), l'autre plus gourmande (celle de White), où les mots s'interdisent la mort », soulignait la critique d’alors. Le livre comporte huit nouvelles dont tous les personnages sont des homosexuels… il y est évident qu’il s’agit du sida, alors que la maladie n'est jamais explicitement nommée, mais « rendue plus obsédante encore par ce refus de la signifier directement ». Le sous-titre du recueil indique l’intention : décrire la maladie, le sida dans sa présence quotidienne, une description quasi clinique et un tour de force.
Séropositif depuis 1985
Edmund White a vécu près de quinze ans à Paris dans les années 1980-90. Il est aussi l’auteur de plusieurs biographies consacrées à Jean Genet ― son ouvrage fait d’ailleurs autorité ―, Marcel Proust et Arthur Rimbaud. Ses succès littéraires lui ouvrent les portes d’universités prestigieuses où il enseigne l’écriture et la littérature homosexuelle. Il était marié à l’écrivain Michael Carroll, depuis 2013.
Séropositif depuis 1985, l’écrivain avait subi dans les années 2010 deux AVC et une crise cardiaque.
Des personnalités ont réagi à sa disparition
« C’est une bien triste nouvelle. Il n’y avait personne comme Edmund White ! (…) Une polyvalence étonnante dans le style, des sujets audacieux et novateurs, un humour noir, un ami pour tant de personnes depuis des décennies », a réagi sur X l’écrivaine américaine Joyce Carol Oates. Le romancier français Édouard Louis a également rendu hommage à Edmund White sur Instagram, le qualifiant d’« ami incroyable ». « Loyal, généreux, beau, attentionné. Il a toujours soutenu et encouragé comme personne, les jeunes écrivains », a-t-il ajouté.
« Edmund White, ton rire, ton esprit, à la beauté de tes textes qui m’ont très jeune accompagné - « Nocturnes pour le roi de Naples », « La Tendresse sur la peau », « La Symphonie des adieux ». C’est avec toi que j’ai commencé à faire mon métier. Comment l’oublier ? » a réagi le journaliste Augustin Trapenard.
Essayiste, Fréderic Martel lui a rendu hommage : « Edmund White. Écrivain américain qui a longtemps vécu à Paris, auteur de livres gays cultes (« Un jeune américain », « La Tendresse sur la peau »...) et d'une biographie de référence de Jean Genet (Gallimard, 1993), Edmund White est décédé. Militant gay, il a collaboré à plusieurs revues de New York dans les années 1960 et 1970 (notamment « Christopher Street »). Son œuvre, centrée sur la question homosexuelle, a toutefois réussi à parler à tous – symbole des écrivains universalistes. C'était un homme délicieux, un bon « cook » qui organisait des diners féériques à Paris et un bel ami ».
Adjoint à la maire de Paris en charge de la transformation de l’espace public, des transports, des mobilités, du code de la rue et de la voirie et militant LGBT+, David Belliard a publié un court hommage sur les réseaux sociaux : « À vingt ans, ses livres m'ont aidé à assumer qui j'étais. Une écriture subtile, poétique, profondément humaniste. Edmund White était un formidable écrivain, il aura donné de la lumière à des générations de LGBT+. Merci. »