L'Actu vue par Remaides : Lutte contre le VIH : sans les associations, nous perdrons le combat contre le sida
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- 26.09.2025
Crédit : Sidation
Par Jean-François Laforgerie
"Lutte contre le VIH : sans les associations, nous perdrons le combat contre le sida"
L’événement est rare. Il traduit une énorme inquiétude. Elle porte sur l’avenir même de la lutte contre le sida en France. « À l’initiative de Sidaction, 93 structures et 175 personnalités et acteurs/actrices de la lutte contre le VIH et de la solidarité ont signé une tribune rappelant que sans les associations, nous ne mettrons pas fin à l’épidémie de VIH », rappelle Florence Thune, directrice générale de Sidaction dans un tweet publié le 17 septembre. Le constat est cinglant : « Les associations, actrices centrales et piliers historiques de la lutte contre le VIH, sont asphyxiées. Les fragiliser davantage, c’est fragiliser toute notre réponse à l’épidémie et voir se dégrader la qualité et condition de vie des usager-e-s. ». Explications.
Fragiliser le tissu associatif de la lutte contre le sida, c’est fragiliser la réponse collective à l’épidémie et la qualité de vie et les conditions de vie des personnes usagères de ces associations, explique Florence Thune dans son message, mais c’est aussi « prendre le risque de voir le virus regagner du terrain. C’est renoncer aux engagements que la France a pris, notamment celui de mettre fin à l’épidémie d’ici 2030 ».
La situation est inédite. Elle fait tristement écho à ce qui se passe dans le monde, avec, entre autres, les attaques américaines dans le champ de la lutte contre le sida, au niveau mondial cette fois. Cette tribune inédite par l’ampleur et la qualité de ses signataires a été publiée pour la première fois dans les colonnes de L’Humanité, le 17 septembre dernier.
Un « appel solennel » contre l’échec qui se profile
« Nous, soignant-es, chercheur-ses, représentant-es et membres associatifs, élu-es locaux et acteur-rices de la société civile, lançons un appel solennel au gouvernement : agissez pour celles qui agissent en soutenant les associations ! ». Les signataires constatent que « depuis près de quarante ans, la France a pu faire face à l’épidémie de VIH grâce à une alliance solide entre les pouvoirs publics, les institutions de santé, la recherche et les associations de terrain ». Mais aujourd’hui, cette « dynamique est en péril ».
Des associations asphyxiées
Les associations, actrices centrales et piliers historiques de la lutte contre le sida sont « asphyxiées ». « Les mesures budgétaires et réglementaires adoptées ces dernières années les fragilisent dangereusement. Diminutions importantes du nombre de contrats aidés et de contrats adultes-relais, non-compensation de la prime Ségur [qui a contribué à dégrader les finances de l’ensemble des associations, petites comme grandes, ndlr], coupes budgétaires, voire arrêt des financements publics, etc. Ces choix politiques, loin d’être neutres, ont un impact direct sur la prévention, l’accompagnement, le parcours de santé et l’accès aux soins et aux droits des personnes vivant avec le VIH ou exposées au risque de contamination », soulignent les signataires.
Le dernier kilomètre
Le danger est d’autant plus important que ce sont « le plus souvent les associations qui sont présentes là où les institutions ne vont pas. Ce sont elles qui nouent des liens de confiance avec les publics dits "invisibles" : jeunes, seniors, personnes LGBTQIA +, migrantes, usagères de drogues, travailleuses du sexe, détenues… Nous sommes à l’étape la plus difficile : le dernier kilomètre », explique l’appel. Et les signataires d’expliquer : « Si nous échouons à atteindre les personnes les plus éloignées du système de santé ― celles que la précarité, la discrimination, les inégalités ou l’isolement rendent inaccessibles aux dispositifs classiques ― c’est l’ensemble de notre politique de santé sexuelle qui échouera. Sans les associations, aucune stratégie de santé sexuelle ne peut prétendre être universelle, équitable ou efficace. Et cela coûtera plus cher ― humainement, socialement, financièrement ― que d’investir maintenant dans ce qui fonctionne. »
En fait, désormais le risque est grand que « l’ambition de la France de mettre fin à l’épidémie d’ici 2030 » ne soit qu’un « slogan vide », et donc un échec cinglant.
« Les associations offrent un accompagnement global absolument nécessaire pour lever les freins à la prévention et aux soins. Elles agissent avec compétence, proximité et humanité. Et trop souvent avec très peu de moyens. Les fragiliser davantage, c’est fragiliser toute notre réponse à l’épidémie et voir se dégrader la qualité et condition de vie des usagers-ères. C’est prendre le risque de voir le virus regagner du terrain. C’est renoncer aux engagements que la France a pris, notamment celui de mettre fin à l’épidémie d’ici 2030.
Des demandes aux politiques et aux administrations
Et le texte de conclure : « Pour 2026, vous avez un choix déterminant à faire : soutenir les associations, ou laisser le virus regagner du terrain. Nous appelons les ministres de la Santé, du Budget, et les parlementaires, dans les projets de lois de finances et de financement de la Sécurité sociale pour 2026, à :
- garantir des enveloppes budgétaires dédiées, stables et pérennes aux associations de lutte contre le VIH ;
- rétablir les emplois aidés et les contrats adultes-relais ;
- prévoir pour les associations de lutte contre le VIH/sida la compensation de la prime Ségur.
Nous appelons (…) les autorités publiques finançant les associations, notamment les Agences régionales de santé (ARS), à :
- Soutenir des projets centrés sur la personne prenant en compte l’ensemble des déterminants de santé ;
- permettre dans leurs appels à projet le financement du fonctionnement des associations ;
- favoriser les appels à projets pluriannuels et simplifiés pour pérenniser les projets ayant démontré leur efficacité.
Quelles sont les structures signataires ?
Il y a, entre autres, Acceptess-T, Act-Up-Paris et Act-Up Sud-Ouest, Actions Traitements, Action Sida Martinique, Afrique Avenir, AIDES, Aiutu Corsu, ALS (Association de lutte contre le Sida et pour la santé sexuelle), ARCAT, ARPS (Association Réunionnaise pour la Prévention du Sida), Bamesso et ses amis, Basiliade, Cabiria, Comité des familles, Da Ti Séni, Dessine-Moi Un Mouton, ENIPSE, Espoir, Fédération Addiction, Fédération Parapluie Rouge, GreyPRIDE, Ikambere, Keep Smiling, La Case, La Maison de Vie du Roussillon, Le Bus des Femmes, le CheckPoint, le Comede, Les Petits Bonheurs, Médecins du Monde France, Observatoire international des prisons, Paloma, Réseau Santé Marseille Sud, Sidaction, SFLS, Sol En Si, Solidarité Sida, TEMPO, TRT-5 CHV, etc.
Par ailleurs, différents Coress (Comité de coordination régionale de la santé sexuelle) ont signé cette tribune : CoReSS de Bretagne, du Centre Val de Loire, de Guyane, d’Ile-de-France Nord-Ouest, d’Ile-de-France Sud, de Lyon Vallée du Rhône, de Normandie, de Nouvelle Aquitaine, de PACA.
Des personnalités du monde médical, de la recherche, du militantisme, etc. ont également signé cette tribune.
On y trouve, entre autres, Cédric Arvieux, Catherine Aumond, Françoise Barré-Sinoussi, Hélène Bazus, Jean-Marc Bithoun, Emmanuel Bodoignet, Morgane Bmsel, Olivier Bouchaud, Michel Bourrelly, Clément Boutet, Julia Charbonnier, François Dabis, Cédric Daniel, Jean-François Delfraissy, Pierre Delobel, Marc Dixneuf, Samuel Etien, Carine Favier, Laurent Gaissad, Gabriel Girard, Benoit Hamon, Caroline Janvre, Karine Lacombe, Denis Lacoste, David Le Nechet, Pierre Leroy, Marjorie Mailland, Christiane Milien, Guy Molinier, Romain Palich, Olivier Pertequin, Jean-Luc Romero-Michel, Perrine Roux, Bruno Spire, Viet Tong, Michaela Trutwin, Christian Verger, Thibaut Vignes, Nicolas Vignier, Eva Vocz, etc.
La liste complète des personnalités signataires est consultable sur le site de L’Humanité.