L’Actu vue par Remaides : « Le sexe made in France (première partie) »
- Actualité
- 06.12.2024
© Anthony Leprince pour Studio Capuche
Par Jean-François Laforgerie
Le sexe made in France, première partie
Le 13 novembre dernier, les premiers résultats de la grande enquête nationale sur le « Contexte des sexualités en France 2023 » ont été présentés. Les transformations de la société française au cours des dernières décennies, tant sur le plan social et juridique, qu’économique et technologique, ont eu une incidence sur les représentations et les pratiques dans le domaine de la sexualité et de la santé sexuelle. L’ANRS ǀ MIE a initié et financé cette recherche, qui a été conduite par des chercheurs et chercheuses de l’Inserm et de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. C’est la quatrième fois depuis 2006 qu’une recherche sur la sexualité des Français-es est menée. La rédaction de Remaides revient sur les points clefs de cette nouvelle édition en deux articles. Voici le premier.
Le sexe... cela commence à quel âge ?
En 2023, l’âge médian au premier rapport est de 18,2 ans pour les femmes et 17,7 ans pour les hommes. L’âge médian au premier rapport sexuel, c’est-à-dire l’âge auquel la moitié de la population a eu son premier rapport, a diminué de près de trois ans pour les femmes entre le début des années 1960 et le milieu des années 2000 (20,1 ans contre 17,3 ans) et d’un an et demi pour les hommes (18,8 ans contre 17,3 ans). Depuis la fin des années 2010, les tendances se sont légèrement inversées avec une augmentation de l’âge médian au premier rapport sexuel pour les deux sexes. En 2019-2023, l’âge médian atteint ainsi 18,2 ans pour les femmes et 17,7 ans pour les hommes. La remontée de l’âge médian au premier rapport sexuel s’observe également dans d’autres pays, notamment au Danemark, en Norvège, en Suède et aux États-Unis.
Le nombre de partenaires : quelles différences entre les hommes et les femmes ?
En 2023, les femmes de 18-69 ans déclarent 7,9 partenaires en moyenne au cours de la vie et les hommes 16,4. Le nombre moyen de partenaires sexuels-les au cours de la vie chez les femmes de 18-69 ans ayant déjà eu un rapport sexuel a augmenté au fil du temps, passant de 3,4 partenaires en moyenne en 1992 à 4,5 en 2006 et à 7,9 en 2023. Pour les hommes, ces chiffres sont stables entre 1992 et 2006 (11,2 et 11,9 respectivement), et augmentent substantiellement pour atteindre 16,4 partenaires en moyenne en 2023. Le multipartenariat dans les douze derniers mois, c’est-à-dire le fait d’avoir eu plusieurs partenaires sexuels-les dans la dernière année, augmente lui aussi, en particulier chez les jeunes de 18 à 29 ans, passant de 9,6 % en 1992 à 19,3 % en 2006 et 23,9 % en 2023 pour les femmes, et de 22,9 % en 1992 à 29,0 % en 2006 et 32,3 % en 2023 pour les hommes.
Quelles sont les pratiques sexuelles ?
En 2023, 72,9 % des femmes et 92,6 % des hommes de 18-69 ans déclarent avoir déjà pratiqué la masturbation. À tous les âges, les personnes déclarent plus souvent avoir déjà pratiqué la masturbation. L’augmentation est beaucoup plus prononcée chez les femmes. En 1992, 42,4 % des femmes de 18 à 69 ans déclaraient s’être déjà masturbées, 56,5 % en 2006 et 72,9 % en 2023. Chez les hommes du même âge, cette pratique est intégrée aux répertoires sexuels de longue date et l’augmentation est moins marquée, passant de 82,8 % en 1992 à 89,9 % en 2006 et 92,6 % en 2023. Voilà pour la pratique de base… si l’on peut dire.
Les données de l’enquête 2023 montrent que le « répertoire des pratiques sexuelles s’est sensiblement diversifié au fil du temps, et de plus en plus d’hommes et de femmes déclarent avoir expérimenté d’autres pratiques sexuelles (masturbation, sexe oral et rapports anaux) que les rapports vaginaux », expliquent les auteurs-rices. Le pourcentage de personnes ayant déjà pratiqué la fellation (faite ou reçue) au cours de la vie a également augmenté au fil du temps, passant de 63,2 % en 1992 à 78,3 % en 2006 et 84,4 % en 2023 chez les femmes, et de 75,3 % à 85,5 % et 90,5 % chez les hommes.
Des tendances similaires sont observées pour la pratique du cunnilingus (réalisé ou reçu) au cours de la vie passant de 72,1 % en 1992 à 83,7 % en 2006 et 86,9 % en 2023 chez les femmes, et de 77,8 % à 85,7 % et 87,7 % chez les hommes.
La pratique de la pénétration anale (réalisée ou reçue) a également augmenté au fil du temps chez les femmes, passant de 23,4 % en 1992 à 35,2 % en 2006 et 38,9 % en 2023. L’augmentation est plus marquée chez les hommes passant de 29,6 % à 46,3 % et 57,4 %. Cette pratique est intégrée plus tardivement dans le répertoire sexuel, surtout chez les femmes, étant plus fréquente chez les personnes âgées de 30 à 39 ans que chez les 18-29 ans. « Ces évolutions donnent à voir l’élargissement des répertoires sexuels, observé depuis le début des années 1970, qui dessine une sexualité beaucoup plus diversifiée et de moins en moins restreinte aux rapports avec une pénétration vaginale. Il faut souligner que les écarts de déclarations entre les femmes et les hommes restent marqués, en particulier s’agissant de la pratique de la masturbation et de la pénétration anale », analysent les auteurs-rices.
Quelle est "l'acceptation sociale" de l'homosexualité ?
En 2023, 69,6 % des femmes et 56,2 % des hommes de 18-89 ans considèrent que l’homosexualité est une sexualité comme les autres. L’acceptation sociale de l’homosexualité progresse ces dernières années, mais reste plus faible chez les hommes. En 2023, 69,6 % des femmes de plus de 18 ans et 56,2 % des hommes du même âge pensent que l’homosexualité est une sexualité comme une autre. En 2006, les personnes qui déclaraient que l’homosexualité est une sexualité comme une autre étaient plus nombreuses que celles qui déclaraient qu’elles accepteraient que leur propre enfant soit homosexuel. Ce n’est plus le cas en 2023 : les personnes sont actuellement plus nombreuses à accepter l’éventuelle homosexualité de leur enfant qu’à reconnaître que l’homosexualité est une sexualité comme une autre. Ces évolutions s’inscrivent dans un contexte de changement des droits des couples de même sexe, marqué par la loi sur le mariage pour tous (2013) et par celle sur la législation ouvrant l’accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires (2021).
Quelle est "l'acceptation sociale" de la transidentité ?
En 2023, 41,9 % des femmes et 31,6 % des hommes de 18-89 ans considèrent que la transidentité est une identité de genre comme une autre. Les opinions sur la transidentité sont nettement moins favorables que celles sur l’homosexualité, puisque 41,9 % des femmes et 31,6 % des hommes considèrent qu’il s’agit d’une identité comme une autre. Accepter la transidentité éventuelle de son enfant est également moins fréquent : cette acceptation concerne 40,5 % des femmes et 33,0 % des hommes qui déclarent qu’ils n’auraient pas de problème à accepter que leur enfant soit trans, et elle diminue de manière significative avec l’âge. Par ailleurs, 10,7 % des femmes et 10,8 % des hommes considèrent que la transidentité est un signe d’ouverture d’esprit.
Quelle est la diversité des orientations sexuelles ?
En 2023, 8,8 % des femmes et 8,9 % des hommes de 18-89 ans déclarent avoir eu au moins un-e partenaire du même sexe au cours de la vie. « L’orientation sexuelle renvoie à plusieurs dimensions qui ne se recoupent pas toujours : l’attirance au cours de la vie, les pratiques au cours de la vie et l’identification sexuelle actuelle », indique l’étude. « L’attirance pour une personne de même sexe est plus souvent déclarée aujourd’hui que dans les enquêtes précédentes. En 2023, 13,4 % des femmes et 7,6 % des hommes de 18-89 ans déclarent avoir été attirés-es par des personnes de même sexe au cours de leur vie et, 1,5 % des femmes et 0,6 % des hommes déclarent avoir été attirés-es par des personnes indépendamment de leur genre (incluant ici des personnes non binaires). Ces constats sont plus marqués chez les jeunes de 18-29 ans qui sont 32,3 % pour les femmes et 13,8 % pour les hommes à rapporter une attirance pour des personnes de même sexe et respectivement 4,3 % et 1,7 % à rapporter une attirance pour des personnes indépendamment de leur genre. Les relations sexuelles avec un-e partenaire du même genre ont augmenté au fil du temps, en particulier au cours de la période la plus récente et pour les femmes. En 2023, 8,4 % des femmes et 7,5 % des hommes de 18-89 ans déclarent avoir eu au moins un partenaire de même genre et 0,4 % des femmes et 1,4 % des hommes uniquement des partenaires du même genre. Ces expériences sont beaucoup plus fréquentes chez les personnes de 18 à 29 ans et pour la première fois en 2023, les femmes déclarent plus de rapports homosexuels que les hommes : 14,8 % des jeunes femmes déclarent avoir eu au moins un partenaire du même sexe (dont 1,3 % uniquement des partenaires du même genre). Cette proportion est de 9,3 % (dont 2,7 % uniquement des partenaires du même genre) pour les hommes du même âge.
En 2023, 1,3 % des femmes et 2,3 % des hommes de 18-89 ans définissent leur sexualité comme homosexuelle, 2,8 % des femmes et 2,3 % des hommes se disent bisexuels et 1,5 % des femmes et 0,6 % des hommes se considèrent pansexuels-les. Ces identifications non hétérosexuelles sont plus fréquentes chez les 18-29 ans, où 2,6 % des femmes et 3,2 % des hommes se considèrent homosexuels-les, 9,6 % et 4,3 % bisexuels-les et 3,1 % des femmes et 1,1 % des hommes pansexuels-les.
Qui ne se considère pas comme strictement hétérosexuel-le ?
« En considérant les recoupements entre pratiques, attirance et identification, on observe que plus d’une femme sur cinq (22,6 %) et un homme sur sept (14,5 %) n’est pas strictement hétérosexuel-le ; dans le sens où elles et ils rapportent soit une attirance, soit des pratiques, soit une identité qui n’est pas hétérosexuelle », avance l’étude. « C’est particulièrement le cas des femmes âgées de 18 à 29 ans (37,6 % d’entre elles ne sont pas strictement hétérosexuelles, contre 18,3 % pour les hommes du même âge). La remise en cause de l’hétérosexualité est ainsi plus fréquente chez les jeunes générations, celles-ci ayant grandi, à la différence de leurs parents et de leurs grands-parents, dans une période de forte évolution des droits et de la visibilité sociale des personnes LGBTQA+. La remise en cause de l’hétérosexualité est aussi plus remarquable chez les femmes : il y a pour elles plus à gagner à s’orienter vers d’autres possibles sexuels en raison notamment des inégalités et des violences persistantes au sein du couple hétérosexuel (et qui sont de plus en plus documentées via la diffusion croissante des idées féministes). »
Quelles sont les données concernant les personnes trans et les personnes ayant pensé à changer de genre ?
En 2023, une personne sur mille a entrepris des démarches pour changer de genre et 2,3 % des femmes et 2,4 % des hommes déclarent avoir pensé à changer de genre. Au total, une personne sur mille (0,1 % de la population) déclare avoir entrepris des démarches pour changer de genre. Par ailleurs, 2,3 % des femmes et 2,4% des hommes de 18-89 ans déclarent avoir déjà pensé à changer de genre, ce qui peut inclure des expériences de non-binarité et/ou des interrogations sur sa féminité/masculinité. Les personnes de 18 à 29 ans sont les plus nombreuses dans ce cas (6 % des femmes et des hommes dans cette tranche d’âge). Ces déclarations n’indiquent pas qu’une transition de genre sera entreprise, mais elles témoignent d’une réflexivité croissante des jeunes générations au sujet de leur appartenance de genre. « Enfin, la remise en cause de son sexe assigné à la naissance est en partie associée à la remise en cause de l’hétérosexualité. Parmi les personnes non strictement hétérosexuelles, 6,9 % des femmes et 11,0 % des hommes ont déjà pensé à changer de genre, contre 1,0 % de celles et ceux qui sont strictement hétérosexuels-les », souligne l’étude.
Source :
Contexte des sexualités en France
Premiers résultats de l’enquête CSF-2023 Inserm-ANRS-MIE 13 novembre 202.
Enquête CSF-2023 : la quatrième enquête scientifique nationale sur la sexualité des Français-es
Une première enquête scientifique sur les comportements sexuels des Françaises et Français avait été menée en 1970 auprès de 2 600 personnes par Pierre Simon et son équipe. Les résultats avaient été publiés en 1972. Elle avait été suivie en 1992 de l’enquête « Analyse des comportements sexuels en France », menée auprès de 20 000 personnes, sous la responsabilité d’Alfred Spira et Nathalie Bajos (Inserm), puis de l’enquête « Contexte de la sexualité en France » réalisée en 2006 auprès de 12 000 personnes sous la responsabilité de Nathalie Bajos et Michel Bozon (Ined, Institut national des études démographiques) en 2006. Les deux dernières enquêtes, initiées et financées par l’Agence nationale de recherches sur le sida (ANRS) avaient donné lieu à de nombreuses publications scientifiques ou destinées au grand public. « Les résultats ont contribué à guider l’élaboration des politiques de santé sexuelle, notamment en matière d’infection par le VIH », soulignent les initiateurs-rices de la dernière étude en date. La nouvelle enquête « Contexte des sexualités en France » (CSF-2023) a nécessité cinq années de travail. Initiée à l’automne 2019, son calendrier a été retardé du fait de la pandémie de Covid-19. Le document qui a été présenté le 13 novembre est la première présentation de la méthodologie (voir encart ci-dessous) et des premiers résultats. Ils sont présentés, ici, pour la France hexagonale. Des résultats plus complets seront publiés ultérieurement.
Enquête CSF-2023 : quelques points de méthologie
Les objectifs de cette nouvelle recherche
Les transformations de la société française au cours des dernières décennies ont eu une incidence sur les représentations et les pratiques dans le domaine de la sexualité et de la santé sexuelle. De fait, des changements importants sont survenus depuis la dernière enquête de 2006. Comme mentionnent les auteurs-rices de l’enquête : les « sexualités sont structurées par de nombreuses institutions et acteurs sociaux, elles sont encadrées par des normes sociales ; elles évoluent donc dans le temps ». Comme dans les enquêtes précédentes, la dernière en date a étudié les sexualités « selon trois composantes que sont les pratiques, les relations et les représentations ». La santé sexuelle, quant à elle, est définie par l’Organisation mondiale de la santé depuis 2006 comme « un état de bien-être physique, mental et social qui requiert une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles qui soient sources de plaisir et sans risque, libres de toute coercition, discrimination ou violence ».
Dans la continuité des enquêtes précédentes, trois dimensions sont abordés dans la recherche :
- la diversification des représentations et des pratiques dans un contexte social marqué par l’évolution des rapports entre les femmes et les hommes, par les changements dans les modes de vie, par le développement des espaces numériques, par les enjeux liés au consentement et l’évolution du cadre normatif dans ce domaine ;
- l’effet des conditions de vie sur la vie sexuelle en observant comment les situations familiales, économiques, professionnelles, administratives et résidentielles contribuent au développement de nouvelles pratiques, à façonner les capacités de négocier une sexualité choisie et des rapports sans risque, à accéder aux ressources en santé sexuelle et reproductive ;
- les relations positives et/ou négatives entre différentes dimensions de la sexualité et l’état de santé (santé mentale, maladies chroniques ou limitations fonctionnelles) à différents âges de la vie.
La recherche interroge aussi les « nouvelles modalités d’accès au système de santé, en matière d’éducation à la sexualité, de choix et d’accès aux outils de prévention et de recours aux traitements via les plateformes numériques ». Enfin, la « recherche CSF-2023 est conçue pour fournir des indicateurs clés permettant d’évaluer la stratégie nationale de santé sexuelle à l’horizon 2030. »
Une « méthodologie robuste »
L’enquête de 2023 s’appuie sur la même méthodologie que les enquêtes téléphoniques précédentes. Le champ géographique et l’amplitude des âges étudiés ont été élargis ; un volet de recueil des données par internet a été ajouté. L’enquête porte sur la France hexagonale et sur quatre territoires ultramarins : Martinique, Guadeloupe, Guyane et La Réunion. Elle concerne les personnes âgées de 15 à 89 ans, contre 18 à 69 ans dans les enquêtes précédentes. Le dispositif associe un premier questionnaire conduit par téléphone, suivi d’un auto-questionnaire rempli en ligne pour les répondants-es majeurs-es et d’un auto-prélèvement biologique pour les personnes majeures âgées de moins de 60 ans pour estimer la prévalence des infections sexuellement transmissibles (IST). Le dispositif complet a été testé avant sa mise en œuvre.
Des données collectées auprès de 31 518 personnes
La sélection des personnes a reposé sur la génération de numéros de téléphone aléatoires (80 % de téléphones portables, 20 % de téléphones fixes) suivie de la sélection d’une personne éligible (15-89 ans) par numéro. Au total, 21 259 personnes résidant en France hexagonale et 10 259 personnes résidant dans les territoires ultramarins ont participé volontairement à la recherche. Parmi elles, 17 135 adultes (12 906 en hexagone et 4 229 en Outre-mer) ont participé au questionnaire en ligne et 5 735 répondants-es âgés-es de 18 à 59 ans ont participé au volet sur les IST (4 872 en hexagone et 863 en Outre-mer). La collecte des données a démarré en novembre 2022 et s’est achevée en décembre 2023. Les entretiens ont été réalisés par 133 enquêteurs et enquêtrices de l’institut Ipsos, formés par l’équipe de recherche et les responsables de terrain de l’institut. Au total, les entretiens représentent 65 000 heures de travail.
Des questionnaires détaillés
Le questionnaire téléphonique, d’une durée moyenne de 34 minutes, explore les caractéristiques sociales et démographiques des personnes et de leur partenaire actuel-le le cas échéant, la santé (perçue, maladie chronique et limitations fonctionnelles), les opinions et représentations sur la sexualité, l’éducation à la sexualité, l’entrée dans la sexualité, le nombre de partenaires et les pratiques sexuelles dans la vie et au cours des douze derniers mois, l’orientation sexuelle, la sexualité numérique, les caractéristiques du dernier rapport sexuel, les violences sexuelles, les dysfonctions sexuelles, la satisfaction sexuelle et les pratiques préventives (préservatif, vaccination HPV, dépistage, contraception), les grossesses non prévues, et les infections sexuellement transmissibles.
Le questionnaire complémentaire auto-administré en ligne, d’une durée moyenne de 30 minutes, reprend plus en détail certaines thématiques, (sexualité numérique, dernier rapport, grossesse, santé mentale) tout en explorant quelques sujets complémentaires (démédicalisation en santé sexuelle, discriminations, et suivi médical). Certaines des questions posées sont comparables aux enquêtes précédentes permettant de rendre compte des évolutions dans le temps, tandis que d’autres reprennent les indicateurs de l’OMS sur les enquêtes sur la sexualité et la santé sexuelle pour permettre des comparaisons internationales.
Un entrée sur le dépistage des IST par auto-prélèvement
Un dépistage des principales infections bactériennes sexuellement transmissibles (Chlamydia, gonorrhées et mycoplasme génital) a été proposé à toutes les personnes de 18 à 59 ans ayant déjà eu un rapport sexuel, ainsi qu’un dépistage des papillomavirus (HPV) aux 18-29 ans. L’objectif était d’estimer la prévalence des infections les plus fréquentes tout en évaluant la stratégie de vaccination HPV chez les plus jeunes. Les personnes acceptant de participer recevaient un kit d’auto-prélèvement à domicile à renvoyer par courrier au centre national de référence (CNR) des IST bactériennes qui réalisait les analyses pour les trois IST bactériennes et leur communiquait les résultats. Les prélèvements des 18-29 ans étaient ensuite envoyés au CNR des papillomavirus pour l’analyse des HPV.
Les enjeux éthiques de l’enquête
La recherche a reçu l’approbation éthique de plusieurs comités et commissions, dont celle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Les personnes ont donné leur consentement oral pour participer à chaque partie de la recherche (entretien téléphonique, volet internet, volet biologique), après que les objectifs et les procédures leur ont été présentés. Ces informations leur étaient également fournies par écrit, courriel, SMS ou par consultation du site web de la recherche, sur lequel elles pouvaient aussi vérifier que leur numéro avait bien été tiré au sort pour participer. Les participants-es au volet sur les IST ont confirmé leur accord par écrit lors du renvoi des auto-prélèvements. Comme dans les éditions précédentes, une attention particulière a été portée aux réactions que pouvait susciter la participation à la recherche, en particulier pour les réponses aux questions sur les violences sexuelles. Des informations sur des structures de soutien psychologique et juridique ont été fournies à toutes les personnes, que ce soit pour elles-mêmes ou une personne de leur entourage.
Taux de participation et représentativité de l’échantillon des répondants-es
L’enquête CSF-2023 se caractérise par un taux de réponse de 34 % en France hexagonale, sensiblement plus bas que les enquêtes précédentes. Cette baisse du taux de participation est observée dans toutes les enquêtes en population générale, en France et à l’étranger. Un total de 21 259 personnes ont répondu au questionnaire téléphonique, dont 21 066 adultes étaient éligibles pour le deuxième volet, et 12 906 ont complété le questionnaire en ligne (61 %). Enfin, parmi les 15 280 personnes de 18-59 ans sexuellement actives éligibles pour le volet sur les IST, 4 872 (32 %) ont participé au dépistage des IST bactériennes et parmi les 2 959 personnes de 18-29 ans éligibles pour le dépistage HPV, 811 ont participé (27 % des éligibles). « Les données de CSF-2023 ont fait l’objet de pondérations pour tenir compte des probabilités d’inclusion et des non réponses. Ces pondérations, qui s’appuient sur les données de recensement, permettent d’obtenir des résultats représentatifs de la population âgée de 15 à 89 ans vivant en France », soulignent les auteurs-rices.
Qu’en est-il de la fiabilité des réponses dans les recherches scientifiques sur la sexualité ?
« La fiabilité des réponses est un enjeu central dans toutes les enquêtes scientifiques, en particulier lorsqu’il s’agit de sujets sensibles, explique l’équipe scientifique. Nombre de précautions ont été prises pour permettre d’obtenir des réponses fiables, c’est-à-dire des réponses qui reflètent les pratiques et opinions des personnes interrogées et non celles qu’elles pensent socialement dicibles ou valorisantes (…) les enquêtrices et enquêteurs ont tous et toutes été formés-es aux enjeux scientifiques et éthiques de l’enquête par l’équipe de recherche, garantissant la standardisation du recueil de données tout en créant une relation de confiance facilitant les déclarations sur des sujets sensibles. En second lieu, la garantie express de la confidentialité et l’anonymat des réponses est une condition fondamentale pour que les personnes se sentent véritablement en confiance. De plus, il était demandé aux participants-es de s’isoler pour répondre à l’enquête. Par ailleurs, certaines questions étaient posées au téléphone et par internet pour vérifier la cohérence des réponses. Enfin, les analyses menées attestent de la cohérence des réponses avec les enquêtes précédentes en comparant les résultats obtenus sur les deux périodes d’observation et dans les mêmes générations ».