L’Actu vue par Remaides : « Hépatite B : un score fondé sur les comportements pour prédire le risque de cancer du foie »
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- 22.05.2025
DR. IAS.
Par Jean-François Laforgerie
Hépatite B : un score fondé sur les comportements pour prédire le risque de cancer du foie
L’hépatite B chronique est un facteur de risque majeur de cancer du foie, rappelle une récente communication de l’Inserm. « Cependant, évaluer le risque individuel de chaque patient reste un défi en pratique clinique », explique l’institut de recherche qui y a consacré des travaux de recherche. Explications.
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L’hépatite B chronique est un facteur de risque majeur de cancer du foie, rappelle une récente communication de l’Inserm. « Cependant, évaluer le risque individuel de chaque patient reste un défi en pratique clinique », explique l’institut de recherche. Pour y répondre, des chercheurs-ses français-ses ont développé un « score prédictif innovant, qui combine des facteurs comportementaux et des paramètres biologiques simples, disponibles lors du suivi médical habituel ». L’enjeu est d’autant plus important que l’hépatite B chronique touche près de 250 millions de personnes dans le monde. Cette maladie infectieuse, causée par le VHB (virus de l’hépatite B), est un facteur de risque majeur de carcinome hépatocellulaire (CHC), la forme la plus courante de cancer du foie. « S’il est possible d’anticiper la survenue de cette complication et de proposer des mesures de suivi adaptées, encore faut-il pouvoir identifier les patients les plus à risque », souligne l’Inserm.
Dans ce type de situation, les professionnels-les de santé utilisent souvent des outils appelés « scores prédictifs » pour évaluer la probabilité qu’une personne donnée développe une pathologie. L’hépatite B ne fait pas exception : « Il existe plus d’une trentaine de scores prédictifs du développement d’un cancer hépatique chez les patients infectés par le VHB, mais la majorité d’entre eux repose sur des données biologiques qui nécessitent des analyses complexes, comme la recherche d’une mutation génétique ou le dosage d’un marqueur sanguin spécifique », explique Clémence Ramier, doctorante en santé publique au Sesstim à Marseille. De ce fait, le recours à ces scores est rare, cantonné aux services d’hépatologie ou à la recherche clinique. « Notre objectif était de concevoir un score qu’il est possible de calculer à partir des données disponibles dans le cadre du suivi standard des patients atteints d’hépatite B chronique », précise Camelia Protopopescu, ingénieure de recherche en charge des aspects méthodologiques de l’étude.
Les chercheurs-ses ont utilisé les données de la cohorte française ANRS CO22 Hepather, mise en place en 2012 afin d’évaluer l’efficacité des nouveaux traitements contre les hépatites virales. Cette cohorte suit plus de 20 000 personnes atteintes d’hépatite B et/ou C chronique. L’équipe a analysé les données de 4 370 d’entre elles, chroniquement infectées par le VHB. Parmi elles, 56 ont développé un cancer du foie au cours des huit années de suivi. « Nous avons commencé par tester tous les facteurs disponibles afin d’identifier ceux qui étaient associés au risque de carcinome hépatocellulaire [cancer du foie, ndlr]. Nous les avons ensuite intégrés dans un même modèle statistique : chacun d’entre eux s’est vu attribuer un poids relatif en fonction de son importance, permettant de construire un score global. Nous avons ensuite pu déterminer un seuil de risque le plus fiable possible pour identifier avec précision les personnes les plus à risque », explique Camelia Protopopescu. Ces travaux ont abouti à la création de deux scores.
Le premier score est nommé Adaptt, un acronyme qui regroupe les initiales des six facteurs qui le composent : A pour l’âge du patient, D pour la surinfection par le virus de l’hépatite Delta (VHD), A pour une consommation d’alcool à risque pour la santé, P pour un faible taux de plaquettes (moins de 200x109/L), T pour le tabagisme (20 paquets par année ou plus), et le deuxième T pour le traitement anti-VHB. Ce dernier paramètre est un reflet indirect du niveau de l’atteinte hépatique : en effet, aucun traitement actuel ne permet de guérir cette maladie, qui disparaît rarement spontanément. Les médicaments antiviraux sont donc prescrits lorsque le virus est trop actif ou que le foie est trop sévèrement atteint, afin de ralentir la progression de la maladie.
Parmi les facteurs qui interviennent dans ce score, le rôle de l’alcool est bien connu du grand public pour favoriser l’évolution vers un cancer du foie. Mais d’autres le sont moins comme l’infection par le VHD : « La transmission de ce virus ne peut se produire que simultanément ou ultérieurement à une infection par le VHB, car le VHD a besoin du matériel génétique de ce dernier pour se répliquer. Or, la présence du VHD est associée à une progression plus rapide vers des formes sévères de la maladie hépatique, ce qui impose son dépistage chez tous les patients infectés par le VHB », précise Camelia Protopopescu. Le rôle du tabac reste, quant à lui, souvent sous-estimé, alors qu’il contribue également au risque de cancer.
Le second score, Sadaptt, reprend les six mêmes facteurs et en ajoute un supplémentaire : S pour la consommation quotidienne de sodas. Cette consommation est connue pour favoriser la stéatose hépatique (qu’on appelle aussi la maladie du foie gras ou du soda), une affection qui peut évoluer vers la fibrose du foie, puis la cirrhose, deux étapes intermédiaires qui peuvent aboutir au cancer hépatique. « Bien qu’elle soit facile à recueillir, cette consommation est une donnée rarement disponible dans les études de cohorte. Ainsi, pour faciliter l’utilisation de notre score dans un grand nombre de contextes, nous avons choisi d’en proposer deux versions : l’une avec, et l’autre sans la consommation de sodas », souligne Clémence Ramier (doctorante en santé publique au Sesstim à Marseille). Comment cela fonctionne-t-il ? « Pour calculer les deux scores, chacun des facteurs retenus est associé à un certain nombre de points lorsqu’il est présent chez un patient. En additionnant ces points, on obtient un score global qui va de 0 à 14 pour Adaptt et de 0 à 13 pour Sadaptt. Un score Adaptt ou Sadaptt supérieur ou égal à 3 indique un risque accru de carcinome hépatocellulaire, avec de bonnes performances en matière de prédiction », précise l’Inserm. Et « plus le score est élevé, plus le risque l’est aussi », précise Clémence Ramier. Les performances prédictives des deux scores sont, par ailleurs, comparables à celles des outils prédictifs déjà existants, mais avec l’avantage d’utiliser des données simples et des comportements facilement identifiables, ce qui ouvre la voie à une utilisation en médecine de ville ou dans des contextes à ressources limitées.
L’objectif est clair : permettre une évaluation précoce du risque de cancer du foie chez tous-tes les patients-es atteints-es d’hépatite B chronique, pour leur proposer un suivi et une prise en charge adaptés. Cela passe aussi par des recommandations concrètes : réduire ou arrêter le tabac et l’alcool, limiter la consommation de boissons sucrées, bien suivre les traitements prescrits et respecter les rendez-vous de suivi préconisés par le médecin. La prochaine étape consistera à valider les scores dans d’autres cohortes, dans des contextes géographiques variés.
Les scores Adaptt et Sadaptt pourraient compléter des outils déjà bien connus, comme le score FIB‑4, utilisé pour évaluer la fibrose hépatique à partir des paramètres simples (âge, taux de transaminases et de plaquettes). En ciblant spécifiquement le risque de cancer du foie, les scores Adaptt et Sadaptt permettraient un suivi précis à chaque stade de l’évolution de la maladie hépatique.
Source : C. Ramier et coll. Behaviour-Based Predictive Scores of Hepatocellular Carcinoma in People With Chronic Hepatitis B (ANRS CO22 HEPATHER). Liver International, 2025 Apr;45(4):e70065 ;
En bref, d'autres infos Santé
Papillomavirus (HPV) : rattrapage vaccinal recommandé jusqu’à 26 ans pour les hommes et les femmes
L’infection par le HPV (papillomavirus humain) est responsable chaque année de près de 6 400 nouveaux cas de cancer, principalement du col de l’utérus et 35 000 lésions précancéreuses, souligne la Haute autorité de santé. La HAS a recommandé mardi 13 mai le rattrapage vaccinal contre le HPV jusqu’à 26 ans pour les hommes comme les femmes, tout en rappelant que la priorité demeurait la vaccination des adolescents-es de 11 à 14 ans. « Jusqu’à présent, la vaccination de rattrapage anti-HPV était prise en charge pour les femmes et les hommes hétérosexuels jusqu’à 19 ans et jusqu’à 26 ans pour les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes, créant une inégalité d’accès à la vaccination selon le genre et l’orientation sexuelle », rappelle la HAS dans son communiqué. L’organisme public indépendant recommande désormais « l’élargissement du rattrapage de la vaccination contre les virus HPV par le vaccin Gardasil 9 aux jeunes hommes et aux jeunes femmes, indépendamment de leur orientation sexuelle et qui n’auraient pas été vaccinés à l’adolescence entre 11 et 14 ans, jusqu’à l’âge de 26 ans révolus ». La stratégie de rattrapage anti-HPV constitue, selon la HAS, « un levier supplémentaire de prévention, contribuant à réduire la circulation des virus HPV dans la population générale » alors que la couverture vaccinale des adolescents-es de 11 à 14 ans « reste insuffisante ». Pour se prononcer, la HAS s’est appuyée notamment sur des données montrant que « trois-quarts des jeunes adultes » jusqu’à 26 ans « n’ont pas encore été exposés aux infections par le HPV, mais sont à risque élevé de les acquérir et de les transmettre ». Le pic d’incidence pour les femmes en France se situe dans la tranche d’âge de 20 à 24 ans, détaille l’autorité.
Le vaccin Gardasil 9, fabriqué par le laboratoire américain MSD, peut être administré au moment du rappel du vaccin dTcaP (diphtérie, tétanos, coqueluche, poliomyélite) à 25 ans et la vaccination de rattrapage contre les infections invasives à méningocoques (vaccins ACWY), dorénavant recommandée entre 15 et 24 ans, indique la HAS. Elle insiste cependant sur le fait que « la protection conférée par le vaccin est optimale lorsqu’il est administré le plus tôt possible et que la vaccination ne doit donc pas être retardée à l’âge adulte ».
En 2024, l’Académie de médecine et d’autres sociétés savantes, des associations médicales et des syndicats de professionnels-les de santé avaient préconisé une vaccination contre le HPV jusqu’à 26 ans pour toutes et tous afin d’accélérer l’élimination des cancers liés aux papillomavirus.
Recommandations nutritionnelles en France : où en sont les consommations alimentaires ?
L’alimentation est aujourd’hui reconnue comme un des principaux facteurs de risque modifiables intervenant dans le déterminisme de nombreuses maladies chroniques non
transmissibles. En France, le Programme national nutrition santé (PNNS) vise depuis 2001 à améliorer l’état de santé de l’ensemble de la population en agissant sur ce facteur. « Une étape importante de cette démarche est l’évaluation des consommations alimentaires de la population », expliquent Valérie Deschamps, Benoît Salanave et Charlotte Verdot. Dans cette publication, les chercheurs-ses présentent, à partir des résultats du Baromètre de Santé publique France 2021 (hexagonal et DROM – départements et régions d’outre-mer), les niveaux de fréquences de consommation par « les individus adultes de quelques groupes alimentaires : les fruits, légumes, féculents complets, légumes secs et boissons sucrées par rapport aux recommandations du PNNS, ainsi que les facteurs sociodémographiques associés ». « En France hexagonale en 2021, 19 % des hommes et 25 % des femmes âgés de 18 à 85 ans déclaraient des consommations de fruits et légumes en adéquation avec les recommandations du PNNS. Près de 23 % des adultes consommaient des légumes secs deux fois par semaine ou plus alors que 29 % des hommes et 26 % des femmes déclaraient une consommation quotidienne de féculents complets. Par ailleurs 18 % des hommes et 12 % des femmes consommaient plus d’un verre de boissons sucrées par jour, expliquent les chercheurs-ses. Le non-respect des recommandations, en particulier une consommation insuffisante de fruits et légumes ou une consommation excessive de boissons sucrées, concernait davantage les hommes que les femmes. Le respect des recommandations s’améliorait avec l’âge et le niveau de diplôme, sauf pour la consommation de féculents complets. Des associations différentes ont été mises en évidence avec la situation professionnelle, le revenu, le type de ménage et la taille de l’agglomération. Les régions Hauts-de-France, Normandie et Grand Est se distinguaient par une moindre adhésion que la moyenne hexagonale. Les DROM présentaient des situations qui différaient de la France hexagonale. » La situation des DROM était « contrastée, avec des situations souvent défavorables en Guadeloupe, Guyane et Martinique (plus particulièrement chez les femmes). L’ensemble des DROM se caractérisait également par des pourcentages plus favorables en termes de consommations de légumes secs », explique l’article.
Source : Deschamps V, Salanave B, Verdot C. Fréquences nationales et régionales de consommations alimentaires par rapport aux recommandations nutritionnelles des adultes français : résultats des Baromètres 2021 hexagonal et DROM de Santé publique France. Bull Epidemiol Hebd. 2025 ; (8) :112-23.