Je fais un don

    L'Actu vue par Remaides : En finir avec la guerre contre les drogues… en Europe

    • Actualité
    • 18.06.2024

     

    guerre aux drogues

    © DR

    Par Jean-François Laforgerie 

    En finir avec la guerre contre les drogues... en Europe

    Offensive. Le 23 avril dernier, 56 associations de santé partenaires du réseau international de lutte contre le sida de Coalition PLUS ont publié un Manifesto, assorti de recommandations à destination des futurs-es parlementaires européens-nes pour « en finir avec la guerre contre les drogues ». Explications.

    Mettre en place une politique des drogues centrée sur la santé et le respect des droits humains
    Ce texte propose une « vision de l'Europe de la santé » dont un des axes majeurs serait « d’en finir avec la guerre contre les drogues en Europe et dans le monde ». Les prochaines élections européennes auront lieu du 6 au 9 juin (les élections françaises se déroulent, elles, le dimanche 9 juin). À l’occasion de cette échéance électorale importante, pas moins de 56 structures de la société civile (dont 100 % LIFE, Actions Traitements, AIDES ; AIDS Action Europe, Coalition PLUS, l’EATG, Exæquo, la Fédération Addiction, GAT, Médecins du Monde, Positive Voice, SAFE, etc.) ont élaboré un manifeste pourtant sur la « dépénalisation des drogues », le « déploiement de la réduction des risques liés à la consommation de produits psychoactifs à l'échelle européenne », la « valorisation de l’approche communautaire », etc. « Nous appelons l’Union Européenne (UE) à mettre en place une politique des drogues centrée sur la santé et le respect des droits humains, qui lutte contre toutes les formes répressives de discrimination et de stigmatisation », défend le texte commun. Le manifeste s’appuie tout particulièrement sur un principe défendu par l’Onusida. L’agence onusienne défend, en effet, le principe : « Sauver des vies : décriminaliser » ; une position forte selon laquelle « la décriminalisation est un élément essentiel pour mettre fin au sida d'ici à 2030 ». De plus, contrairement aux idées reçues, la décriminalisation n’incite pas à la consommation de drogues, défendent les signataires du manifeste. En effet, depuis la dépénalisation en 2011, les niveaux de consommation observés au Portugal sont restés en-deçà de la moyenne européenne, quel que soit le produit, avancent notamment les auteurs-rices du manifeste. 

    "La dépénalisation favorise la réduction des risques"

    Le manifeste rappelle des évidences largement connue des acteur-rices de la RDR. Par exemple, le fait que la « pénalisation de la consommation de produits psychoactifs marginalise les usagers-ères de drogues ». Et le manifeste d’expliquer : « Elle les contraint à cacher leur consommation par crainte d’être criminalisés-es ou stigmatisés-es, et les éloigne de fait du système de santé et de la réduction des risques ». Les signataires notent que ce constat est largement partagé par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’Onusida et l’ONUDC (Office des Nations unies contre la drogue et le crime). Par exemple, l’Onusida souligne qu’il a été « démontré que les lois punitives bloquent l'accès aux services liés au VIH et augmentent le risque de contracter le VIH » et que « les pays qui criminalisent les populations clés [dont les personnes qui consomment des drogues] ont moins progressé vers les objectifs de dépistage et de traitement du VIH au cours des cinq dernières années ». De fait, les « politiques répressives » représentent donc un frein au recul des épidémies de VIH et de VHC.
    Le manifeste rappelle que lorsqu’on considère les pays de l’Union européenne, on retrouve chez ceux ayant dépénalisé la consommation, qui ont redoublé d’efforts sur la réduction des risques, une prévalence du VIH et du VHC beaucoup moins importante. On peut citer les exemples de la Croatie et de la République Tchèque, dont les personnes consommatrices ont environ cent fois moins de risques d’être infectés-es par le VIH et deux fois moins par le VHC qu’en Pologne ou encore en Roumanie. De plus, le nombre de programmes de réduction des risques déployés est en moyenne vingt fois plus élevé dans les pays qui ont dépénalisé.

     

    Des revendications au Parlement européen pour "mettre fin à la guerre visant les usagers et usagères de drogues"

    Elles sont à la fois nombreuses et complémentaires.
    On les trouve en intégralité dans le manifeste :
    - il est recommandé « d'adopter une position forte pour que soient supprimées les lois criminalisant la consommation et la possession de drogues pour usage personnel » ;
    - de favoriser l'implication de la société civile et des personnes concernées dans l'élaboration des politiques, leur mise en œuvre et leur évaluation ;
    - de permettre le renforcement des dispositifs de recueil de données, de veille sanitaire et des programmes de recherche dans le suivi de la dépénalisation ;
    - de porter une voix progressiste et humaniste sur la scène internationale en demandant à ce que les politiques de drogues s’inscrivent dans les objectifs de développement durable et les recommandations du Groupe Pompidou (voir encart ci-dessous).
    Sont aussi demandés une mise en œuvre et un financement des interventions fondées sur des données probantes, en matière de réduction des risques, suivant les recommandations officielles de l’OEDT (Observatoire européen des drogues et des toxicomanies), de l’Organisation mondiale de la santé et de l’Onusida, avec :
    - des politiques de réduction des risques ambitieuses pour tous-tes et qui prennent en compte les besoins spécifiques des femmes, des personnes en migration, des personnes trans, des travailleurs-ses du sexe, des personnes en prison, des personnes sans-abris, des jeunes et des personnes consommant des produits dans un contexte sexuel (chemsex) ;
    - l’accès gratuit et universel aux différents traitements de substitution, l’accès gratuit à la Naloxone (traitement d'urgence des surdoses) sous toutes ses formes (spray nasal et injection intramusculaire) et sa délivrance communautaire ;
    - le renforcement de la mise à disposition gratuite de matériel de réduction des risques ;
    - la promotion des salles de consommation à moindre risque offrant des installations d’injection supervisée ;
    - le renforcement de l’éducation et l’accompagnement à l’injection ;
    le développement de l’analyse et du testing de drogues comme outil de réduction des risques (RDR).

    Encart : Qu'es-ce que le groupe Pompidou?

    Le Groupe Pompidou (Groupe de coopération internationale du Conseil de l’Europe sur les drogues et les addictions) est la plateforme de coopération sur les politiques en matière de drogues du Conseil de l’Europe – un atout pour l’Europe et une source de soutien pour la communauté internationale. Voici comment le groupe explique sa mission : « Le Groupe Pompidou défend les valeurs essentielles du Conseil de l’Europe – les droits de l’Homme, la démocratie et l’État de droit. Dans sa réponse à la consommation et au trafic illicite de substances, le Conseil de l’Europe cherche à concilier les intérêts de la société dans son ensemble avec la protection des droits fondamentaux des individus ». Le Groupe Pompidou, fruit des réflexions de l’ancien président français Georges Pompidou, a été créé en 1971 afin de mieux comprendre et traiter les problèmes liés aux drogues, qui gagnaient de l’ampleur en Europe. En 1980, le Groupe a intégré le cadre institutionnel du Conseil de l’Europe en tant qu’organisme intergouvernemental. Actuellement composé de 41 États membres, le Groupe Pompidou coopère avec les pays du monde entier. C’est un Accord partiel élargi ouvert aux États qui ne sont pas membres du Conseil de l’Europe, y compris aux États en dehors de l’Europe. L’organisme réalise de très nombreux travaux qui donnent lieu à des publications.