L'Actu vue par Remaides : États-Unis : La Prep menacée par le retour de Trump
- Actualité
- 24.01.2025
© Studio Capuche
Par Fred Lebreton
Etats-Unis : la Prep menacée par le retour de Trump
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Alors que la Prep a permis de réduire efficacement les transmissions du VIH dans les villes où elle a été déployée, une décision judiciaire et le retour au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis pourraient limiter son accès. Ces menaces suscitent de vives inquiétudes chez les militants-es de la lutte contre le VIH. Explications.
Une décision fédérale qui met en péril la prévention du VIH
Dans un article publié le 14 janvier dernier, le média LGBT+ Gay Times tire la sonnette d’alarme et se demande : « Quel sera l’avenir de la Prep sous Trump 2.0 ? ». En 2022, la Prep, reconnue comme une avancée majeure dans la lutte contre le VIH, s’est retrouvée au cœur d’une bataille judiciaire au Texas. Reed O’Connor, un juge fédéral réputé pour ses positions conservatrices, a statué en faveur d’un groupe d’employeurs souhaitant contourner une disposition clé de l’Affordable Care Act (ACA). Cette disposition exige une couverture intégrale et gratuite des mesures de prévention, dont la Prep, par les assurances de santé américaines. Les employeurs-ses, menés par Braidwood Management et représentés par Gene Hamilton, ancien collaborateur de l’administration Trump, ont affirmé que la Prep, en raison de son usage majoritairement par les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), violait leurs croyances religieuses. Selon eux-elles, financer ce traitement les rendait « complices d’encourager des comportements homosexuels », en contradiction avec leurs convictions protégées par le Religious Freedom Restoration Act.
Le juge O’Connor a validé ces arguments, estimant que cette obligation portait atteinte à l’exercice religieux des plaignants-es. Bien que la décision ne concerne que les employeurs impliqués dans l’affaire, ses répercussions pourraient être plus larges. La Cour suprême des États-Unis (Scotus) a récemment annoncé qu’elle examinerait une partie de ce dossier, en se concentrant sur la structure de l’US Preventive Services Task Force. Cette agence fédérale est responsable des recommandations médicales préventives, et son rôle pourrait être redéfini. En jeu : la capacité du gouvernement à imposer une couverture à 100 % pour des services préventifs comme la Prep, mais aussi pour des dépistages du cancer ou des maladies cardiovasculaires.
Un contexte politique inquiétant pour les militants-es de la santé sexuelle
Alors que l’affaire est sur le point d’être débattue devant la Scotus, l’arrivée d’une administration Trump et d’un Congrès républicain exacerbe les craintes des défenseurs-ses de la santé publique. À la tête du ministère de la Santé (HHS), Trump a nommé Robert F. Kennedy Jr., une figure controversée proche des sphères complotistes et antivax et qui a souvent remis en question les avancées scientifiques. Kennedy a exprimé des doutes sur le lien entre le VIH et le sida et soutenu des théories niant l’efficacité des traitements antirétroviraux. Il a même salué des ouvrages dénonçant ces traitements comme des « violations des droits humains ». Ces positions extrêmes, combinées à son appel à un moratoire sur la recherche sur les maladies infectieuses, font craindre un désengagement fédéral envers la lutte contre le VIH.
Parallèlement, des figures conservatrices comme Mike Johnson, président de la Chambre des représentants, plaident pour des réductions drastiques dans les budgets de santé publique. Johnson, connu pour ses propos virulents sur les droits des personnes LGBT+, pourrait contribuer à fragiliser les financements pour des programmes essentiels comme l’accès à la Prep. Jeremiah Johnson, directeur exécutif de PrEP4All, tire la sonnette d’alarme : « Si les financements disparaissent, nous perdrons les moyens d’améliorer l’accès à la Prep. Avec une majorité républicaine, ces programmes deviennent des cibles faciles. »
Des inégalités d’accès qui persistent
Depuis son autorisation en 2012 aux États-Unis (2016 en France), la Prep a significativement réduit les nouveaux cas de VIH aux États-Unis, notamment dans des États comme New York et la Californie, où son déploiement est plus élevé. Cependant, des inégalités criantes subsistent. Une analyse des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) a révélé que, parmi les bénéficiaires potentiels, 94 % des Blancs-ches reçoivent des prescriptions de Prep, contre seulement 13 % des Afro-Américains-es et 24 % des Hispaniques, ces derniers-ères étant pourtant parmi les plus exposés-es. Les disparités géographiques sont également frappantes : les États libéraux et aisés affichent des taux d’utilisation de la Prep élevés, tandis que les États conservateurs, particulièrement dans le Sud, enregistrent des chiffres bien plus faibles. Par exemple, 22 % des personnes éligibles à New York utilisent la Prep, contre seulement 4 % en Virginie-Occidentale. Ces écarts s’expliquent par des obstacles financiers, des biais institutionnels et des stigmates persistants autour de la santé sexuelle. John Meade, responsable des politiques chez AVAC, résume : « Nous avons tous les outils nécessaires pour mettre fin à l’épidémie de VIH, mais nous échouons à les apporter aux communautés qui en ont le plus besoin. »
Un avenir incertain pour un traitement innovant
Ces défis arrivent à un moment critique pour la Prep. Gilead, la société pharmaceutique à l’origine du Truvada, travaille actuellement sur une version injectable tous les six mois de la Prep (le fameux lénacapavir), offrant une solution plus pratique pour les usagers-ères. Toutefois, si la Scotus décide que le gouvernement ne peut plus imposer une couverture intégrale, ce traitement injectable pourrait devenir inaccessible pour de nombreuses populations exposées au risque de contracter le VIH. Malgré ces menaces, les militants-es refusent de baisser les bras. « Les attaques contre les besoins en santé sexuelle des communautés marginalisées ne sont pas nouvelles. Nous devons évaluer la situation, élaborer des stratégies et continuer à avancer », affirme Jeremiah Johnson. Pour ces défenseurs, la Prep représente bien plus qu’un traitement : elle incarne un outil décisif pour atteindre l’objectif d’éradiquer le VIH. Mais sans une volonté politique et un soutien financier solides, cet objectif pourrait s’éloigner, laissant des millions de personnes sur le bord de la route.