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Par Jean-François Laforgerie

Drogues de synthèse en Europe :
"une menace émergente" alerte l'agence européenne des drogues

Les produits de synthèse dérivés du cannabis, opioïdes et cathinones « gagnent du terrain », a alerté jeudi 5 juin l’Agence de l’Union européenne sur les drogues (EUDA) qui appelle à la « vigilance » face à cette « menace émergente ». Explications et points clefs.

D’abord des chiffres.  « L’EUDA estime qu’il y a eu 7 500 décès liés à l’usage de drogues en 2023 » contre 7 100 en 2022 en Europe. Ce sont des cas « dans lesquels des opioïdes associés à d’autres substances étaient principalement en cause », indique-t-elle dans son rapport annuel. Ce document regroupe et analyse des données sur l’évolution de la consommation et du marché des stupéfiants dans 29 pays : les 27 États membres de l’Union européenne, ainsi que la Norvège et la Turquie.

Des recommandations à mieux surveiller
Face à la hausse des saisies, notamment de précurseurs (    ), et devant « l’augmentation de l’intimidation, de la violence liée au trafic de drogue » et « l’implication accrue de jeunes vulnérables partout en Europe », le directeur exécutif de l’EUDA, Alexis Goosdeel, a plaidé, lors d’une conférence de presse, pour « l’action » des membres de l’Union européenne afin de renforcer les systèmes de surveillance et d’alerte. « L’accès aux données est essentiel » pour « donner les outils nécessaires à nos forces de l’ordre pour lutter contre les criminels » et éviter qu’elles aient « les mains liées », a déclaré pour sa part le commissaire européen chargé des questions migratoires, Magnus Brunner. Selon lui, la coopération est « la clé », en particulier avec des pays d’Amérique latine.

Des modes de consommation plus complexes
La consommation simultanée de plusieurs drogues ou produits « reste source de préoccupation » et complique la prise en charge des personnes consommatrices, souligne l’agence. « La progression de substances très puissantes et de modes de consommation plus complexes pèse lourdement sur les systèmes de santé et de sécurité », a insisté Alexis Goosdeel, dans un accès de lyrisme, il a même comparé la situation actuelle au mythe de Sisyphe. Depuis 2009, « 88 nouveaux opioïdes de synthèse sont apparus sur le marché européen des drogues », indique le rapport de l’EUDA, qui les décrit comme « très puissants » et présentant « un risque important d’intoxication et de décès ». L’EUDA s’inquiète, en outre, de la production croissante sur le sol européen d’autres drogues de synthèse comme les amphétamines, la MDMA ou les cathinones. Cette proximité entre lieux de production et consommateurs-rices « pourrait accélérer l’évolution des tendances de consommation », note-t-elle.

Les cathinones en très forte hausse
Les saisies de cathinones synthétiques ― comme la 2-MMC ou la 4-BMC ―, des stimulants de synthèse semblables à la cathinone (principe actif du khat), sont en forte hausse, note le rapport annuel. En 2023, 37 tonnes ont été saisies en Europe, contre 27 en 2022 et 4,5 en 2021. « Il s’agissait principalement d’importations conséquentes en provenance d’Inde, transitant principalement par les Pays-Bas », précise l’agence, ajoutant que des quantités importantes de ces substances sont également produites dans des pays européens « où un nombre croissant de lieux de production de drogue sont détectées ». Ainsi, quelques 53 sites de production de ces cathinones ont été démantelés dans l’UE en 2023, la plupart en Pologne, contre 29 en 2022.

Cannabis : 24 millions de consommateurs et consommatrices
La cocaïne reste toutefois le stimulant illicite « le plus consommé en Europe, par environ 4,6 millions » d’Européens-nes âgés-es de 15 à 64 ans en 2024. Mais la drogue la plus prisée demeure le cannabis, avec 24 millions de consommateurs-rices en 2024 en Europe, selon les chiffres de l’EUDA. L’agence alerte sur le fait que certains produits vendus comme du cannabis « peuvent être frelatés avec des nouveaux cannabinoïdes de synthèse à forte teneur en principe actif, à l’insu des utilisateurs ». Les cannabinoïdes sont des substances synthétiques ou semi-synthétiques qui imitent les effets du THC, composant psychoactif du cannabis. En juin 2024, une trentaine de personnes avaient été gravement intoxiquées en Hongrie après avoir consommé des « bonbons gélifiés contenants des cannabinoïdes semi-synthétiques puissants ».

Un marché en constante adaptation, des produits aussi
Selon l’EUDA, « les changements rapides sur le marché européen des drogues créent de nouveaux risques pour la santé et la sécurité », avec « des fournisseurs-ses et des consommateurs-rices qui s’adaptent à l’instabilité géopolitique, à la mondialisation et aux avancées technologiques ». L’agence annonce de nouvelles initiatives, comme un « système européen d’alerte », « un système d’évaluation des menaces pour la santé et la sécurité » et un réseau de laboratoires d’analyses médico-légales et toxicologiques pour mieux partager les informations « sur ces drogues de synthèse, [et] dispositifs » qui sont en cours d’élaboration.