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    L’Actu vue par Remaides : « Dépistage hors les murs : la prévention sort du cadre »

    • Actualité
    • 29.05.2025

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    France Lert et Christophe Martet, respectivement présidente d’honneur et président de Vers Paris sans sida à la restitution de l'enquête « Le dépistage communautaire hors les murs à Paris et en Seine-Saint-Denis »,
    le 13 mai 2025 à la Marie du 10e (Paris).
    Crédit photo : Page Facebook de VPSS

    Par Fred Lebreton

    Dépistage hors les murs :
    la prévention sort du cadre

    Menée au printemps 2024, une vaste enquête de Vers Paris sans sida (VPSS) dresse une cartographie inédite du dépistage communautaire à Paris et en Seine-Saint-Denis. Dix-huit associations ont participé à ce diagnostic de terrain, révélant l’efficacité et la diversité d’un dispositif souple, militant et ancré dans les réalités sociales. Objectif : aller vers celles et ceux que le système de santé classique peine à atteindre.

    Dix-huit associations mobilisées sur le terrain à Paris et en Seine-Saint-Denis
    Vers Paris Sans Sida a mené au printemps 2024 une enquête inédite sur le dépistage « Hors les murs », menée entre avril et juillet auprès des associations actives à Paris et en Seine-Saint-Denis. Dix-huit structures ont accepté de participer à des entretiens en visioconférence, à partir d’une grille d’analyse commune portant sur les lieux d’intervention, les profils des personnes touchées, les modalités de dépistage et leur efficacité perçue. L’objectif ? Cartographier les actions, mieux comprendre les pratiques, identifier les spécificités territoriales et les besoins des publics.
    L’enquête exclut volontairement les actions menées par les hôpitaux ou les Cegidd en dehors de leurs murs, pour se concentrer sur le travail des acteurs-rices associatifs-ves de terrain. Toutes les structures sollicitées ont répondu présent, preuve de l’importance accordée à ce diagnostic collectif. Parmi elles : Acceptess-T, Afrique arc-en-ciel, Afrique avenir, Agir pour la santé des femmes, AIDES Paris et AIDES Seine-Saint-Denis, Amicale du Nid, Aremedia, Bamesso & ses amis, Le Bus des Femmes, Comité des Familles, Enipse, Ikambere, Kiosque Info Sida Checkpoint, Médecins du Monde, Pastt, Shams-France et Uraca-Basiliade. En croisant les données recueillies et les spécificités géographiques, l’étude permettra d’ajuster les réponses à des publics souvent éloignés des structures de santé classiques.

    Un maillage associatif dense et ciblé
    Déployer le dépistage du VIH, des hépatites et des IST au plus près des personnes, là où elles vivent, travaillent ou se regroupent : c’est le pari du dispositif « Hors les murs », coordonné par les associations. Conçue au printemps 2023 par France Lert, présidente d’honneur de Vers Paris sans sida, et coordonnée par Jean-Bastien Payet pour le compte de VPSS, cette cartographie du dépistage communautaire hors les murs a recensé 18 associations actives à Paris et en Seine-Saint-Denis. En tout, ce sont plus de 170 lieux de dépistage communautaire qui ont été répertoriés sur les deux départements. L’étude met en évidence une stratégie ancrée dans les territoires : structures mobiles, interventions dans les foyers de travailleurs-ses migrants-es, squats, salons de coiffure, saunas, et autres lieux de sociabilité souvent ignorés par les circuits classiques de santé publique. « Ces actions de proximité s’adressent aux publics les plus exposés au VIH et aux hépatites, mais aussi les plus éloignés des structures de soins », explique France Lert. Le dépistage communautaire devient ici un outil d’aller-vers, fondé sur la médiation, la réduction des risques et la confiance. En 2022, 17 000 tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) ont été réalisés par ces structures, selon Santé publique France. Le principe : aller au-devant des publics, dans des lieux stratégiques comme les squares, les foyers de travailleurs-es, les squats, les quartiers populaires ou encore les événements communautaires. Un choix assumé. « Il ne s’agit pas de faire du chiffre, mais d’aller vers ceux qui ne viennent pas », résume une association. Selon les données recueillies, 42 % des personnes testées n’avaient jamais fait de test VIH auparavant. Un chiffre qui souligne la portée inclusive de cette démarche. Par ailleurs, ces actions permettent de travailler en partenariat avec des structures locales, comme des centres d’accueil, des CHU, des relais sociaux ou des associations de terrain, dans une logique de maillage territorial.

    Sortir du cadre pour recréer de la confiance
    Les acteurs-rices communautaires saluent unanimement la souplesse du dispositif. La mobilisation se fait à partir des besoins du territoire, des réalités du public, et s’adapte aux contraintes logistiques : horaires décalés, présence dans les lieux non médicaux, grande écoute. Cette approche nécessite des équipes formées et à l’aise dans la relation avec des publics en situation de précarité. Un acteur résume : « Il faut être capable de parler de sexualité, de drogues, de santé mentale, et surtout d’écouter sans juger. » En pratique, les associations utilisent des tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) pour le VIH, les hépatites et la syphilis, parfois couplés à des autotests et à des kits de réduction des risques. Si un test est réactif (positif), un accompagnement vers le soin est systématiquement proposé, avec parfois un lien direct avec l’hôpital. « On ne laisse pas les gens seuls avec leur résultat », insiste un intervenant. Ces dispositifs permettent aussi de recueillir des données précieuses : parmi les personnes testées, une proportion importante cumule précarité, isolement et méfiance vis-à-vis des institutions. Ce type d’action joue un rôle crucial dans la réduction des inégalités d’accès au dépistage, mais reste sous-financé et dépend encore trop souvent de la bonne volonté locale.
    Au-delà des chiffres, l’étude révèle la force d’un engagement humain et militant. Chaque association adapte ses modalités d’intervention en fonction des publics rencontrés. « Il faut pouvoir dépister, mais aussi écouter, orienter, conseiller », insiste Christophe Martet, président de Vers Paris sans sida. Les équipes, souvent constituées de pairs-es ou de médiateurs-rices communautaires, jouent un rôle crucial pour lever les barrières liées à la peur du diagnostic, au statut administratif ou à la langue. Ce maillage de terrain constitue un rempart face aux inégalités d’accès à la santé. « Le dépistage hors les murs, ce n’est pas juste une technique. C’est une démarche de reconnaissance, d’accueil et de soin au sens large », souligne un professionnel de l’enquête. À l’heure où les politiques de santé publique peinent encore à atteindre certains publics dits « invisibilisés », cette cartographie offre un précieux outil pour penser une réponse mieux intégrée et plus juste face au VIH.

    Pour télécharger l’étude complète, c’est ici.