L’Actu vue par Remaides : « La Contrôleure des prisons dénonce un « délaissement coupable » dans son rapport annuel »
- Actualité
- 30.05.2025
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Par Jean-François Laforgerie
La Contrôleure des prisons dénonce un "délaissement coupable" dans son nouveau rapport annuel
Les années se suivent et le constat ne s’améliore pas. Dans son rapport d’activité annuel, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) dénonce un « délaissement coupable » à tous les niveaux et étrille certaines décisions du garde des Sceaux. Explications.
En fin d’article, d’autres infos Droits des personnes étrangères
Des prisons aux établissements de santé mentale, en passant par les centres de rétention administration (CRA) et les centres éducatifs fermés, « ce délaissement coupable se retrouve partout », cingle Dominique Simonnot en avant-propos de ce nouveau rapport.Publié aux éditions Lefèbvre-Dalloz, ce rapport est disponible en librairie depuis le le 22 mai. Il sera mis en ligne en intégralité sur le site internet du CGLPL à compter du 6 juillet 2025 (délai conventionnel de six semaines en accord avec l’éditeur). indique l’AFP.
« On délaisse ces gens dans des calculs à la petite semaine, des calculs politiques, parce que tout le monde s’en moque », a tonné auprès de l’AFP l’ancienne journaliste du Canard enchaîné. « Sauf que ce sont des calculs à très court terme. Si on regarde plus loin, les dégâts sont énormes », met-elle en garde.
Selon le rapport, l’année 2024 a été « marquée pour la quatrième fois consécutive par une croissance inquiétante et nocive de la surpopulation carcérale ». Des chiffres qui marquent « l’échec des mesures » inscrites dans les lois adoptées en 2021 et 2023, du temps où Éric Dupond-Moretti était place Vendôme.
Dans ce contexte, « la mise en place d’une régulation carcérale contraignante fondée sur la loi demeure plus urgente que jamais », estime cette autorité administrative indépendante. Elle réclame depuis plusieurs années un « mécanisme permettant d’examiner les possibilités de sortie d’un prisonnier en fin de peine avant de faire rentrer d’autres détenus ». Une proposition soutenue par de nombreux-ses acteurs-rices du secteur. Dans un rapport rendu en mars, une mission, mise en place par le précédent ministre de la Justice Didier Migaud et composée de magistrats-es, d’un directeur de prison et d’une avocate, préconisait aussi « un dispositif pérenne de maîtrise des effectifs au sein des établissements pénitentiaires ». Mais le nouveau garde des Sceaux Gérald Darmanin s’est dit « totalement défavorable » à une telle mesure. Dans une lettre envoyée la semaine dernière aux magistrats-es, il préfère mettre en avant la construction de prisons modulaires, l’expulsion de détenus-es étrangers-ères ou encore la différenciation des prisonniers en fonction de leur niveau de dangerosité pour remédier à ce problème.
En attendant, la promiscuité induite par la surpopulation carcérale « accroît les risques de conflit » et de fait, le « nombre des incidents augmente », souligne le rapport. L’accès à des activités ― travail, enseignement, sport, activités socio-culturelles ― est « drastiquement insuffisant dans une très large majorité d’établissements », déplore-t-il. Or, « l’absence d’activités constitue un facteur évident d’accroissement des tensions (...) tant il relève du bon sens le plus élémentaire que le fait de maintenir trois personnes enfermées 22 heures sur 24 dans 9 m2, sans autre horizon que télévisuel, ne peut qu’impacter négativement leur santé mentale ». La CGLPL en profite pour fustiger la décision de Gérald Darmanin d’arrêter toutes les « activités ludiques » en prison qui ne concernent pas l’éducation, la langue française ou le sport, après « une rumeur de massages prodigués aux détenus » à la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses. Une décision qui a été annulée partiellement lundi 19 mai par le Conseil d’État (voir encart ci-dessous).
« Tout était faux d’un bout à l’autre dans cette histoire », grince Dominique Simonnot auprès de l’AFP, y voyant un épisode de « politique spectacle ». « En fait, des esthéticiennes leur ont donné des conseils pour prendre soin de leur peau, mais prendre soin de sa peau, il me semble que ça sert dehors. Ça sert déjà à reprendre un peu d’estime de soi, mais ça sert aussi dehors, à se présenter bien, à trouver une formation, du travail, à se réintégrer ». De même, elle étrille dans le rapport la création, toujours par Gérald Darmanin, de quartiers de haute sécurité pour y incarcérer les narcotrafiquants les plus dangereux, y voyant une « vertigineuse régression » vers ce qui avait été aboli en 1982 par Robert Badinter.
Du côté des établissements de santé mentale, la situation n’est pas mieux, avec « des services ravagés par le manque de soignants », ce qui in fine cause des préjudices aux droits des patients-es. Dans les centres de rétention administrative (CRA), « les conditions matérielles de vie sont indignes », relève-t-elle encore.
Le rapport s’intéresse aussi aux geôles des tribunaux, notamment de celui de Paris, où la durée d’attente y est souvent prolongée « de manière excessive », faute de moyens et d’effectifs de police.
Interdiction des activités ludiques en prison : le Conseil d’État désavoue Gérald Darmanin
Le Conseil d’État a annulé lundi 19 mai l’interdiction de toute activité « ludique » en prison, annoncée dans une circulaire par le ministre de la Justice, Gérald Darmanin. Les activités « provocantes » de nature à porter atteinte au respect dû aux victimes peuvent être légalement interdites, mais pas les activités « ludiques » car contraires au code pénitentiaire, a décidé le Conseil d’État dans une ordonnance consultée par l’AFP. La plus haute juridiction administrative a relevé que si le garde des Sceaux pouvait fixer les conditions d’exercice des activités proposées par l’administration pénitentiaire, il ne pouvait « interdire, par principe des activités conformes au code pénitentiaire, simplement parce qu’elles auraient un caractère "ludique" », selon un communiqué de presse. Le code pénitentiaire prévoit pour les détenus-es condamnés-es l’organisation d’activités permettant leur réinsertion. S’agissant des activités « provocantes », le Conseil d’État précise que seules pourront être interdites les « activités qui sont, en raison de leur objet, du choix des participants ou de leurs modalités pratiques, de nature à porter atteinte au respect dû aux victimes ». Plusieurs organisations dont l’Observatoire international des prisons (OIP) avaient saisi le Conseil d’État pour suspendre la décision du garde des Sceaux d’interdire les « activités ludiques » en prison. Cette interdiction « contribue à entraver le droit de toute personne détenue à la réinsertion », affirmaient ces organisations. « Cette décision constitue un camouflet pour Gérald Darmanin qui a voulu interdire, par principe, toute activité ludique en détention, en réaction à la polémique médiatique des prétendus "soins du visage" à la maison d’arrêt de Toulouse », a réagi l’avocat de l’OIP, Me Patrice Spinosi.
En bref, d'autres infos Droits des personnes étrangères
Seine-Saint-Denis : la justice ordonne la suspension d’un document préfectoral accusé de « ficher » les étrangers-ères
La justice administrative a ordonné mardi 20 mai la suspension d’un document par lequel la préfecture de Seine-Saint-Denis demandait aux services de police des renseignements sur les personnes étrangères en situation régulière interpellées ; une démarche que plusieurs associations avaient dénoncée comme un « fichage ». Le tribunal administratif de Montreuil, statuant en référé ― c’est-à-dire en urgence ― a fait valoir un « doute sérieux quant à la légalité du document attaqué », selon sa décision consultée par l’AFP. Il a notamment estimé que le préfet de Seine-Saint-Denis avait empiété dans ce dossier sur les compétences dévolues au préfet de police de Paris dans les départements de « petite couronne ». « Il résulte (...) qu’il y a lieu d’ordonner la suspension » du document en cause « jusqu’à ce qu’il soit statué sur la requête au fond », a conclu le tribunal.
Loi « refondation » de Mayotte : le Sénat approuve un volet migratoire contesté
Conditions d’accès au séjour durcies, expulsions de familles dont l’enfant est jugé dangereux, rétention des mineurs-es... Le Sénat a approuvé mardi 20 mai dans la soirée plusieurs mesures gouvernementales pour lutter contre l’immigration irrégulière à Mayotte, un volet contesté du projet de loi pour « refonder » l’archipel après la catastrophe climatique Chido. « La lutte contre l’immigration clandestine doit être une priorité. C’est une réalité du territoire, et vous ne trouverez aucun Mahorais pour le contester », a lancé devant les sénateurs-rices le ministre des Outre-mer Manuel Valls. Depuis des années, le territoire ultramarin fait face à l’afflux massif de personnes immigrées sans titres de séjour venues notamment des Comores voisines. Une enquête de l’Insee menée en 2016 estimait que « près de la moitié des habitants » de Mayotte étaient des étrangers-ères, et que la moitié d’entre eux-elles étaient alors en situation irrégulière. Le gouvernement a donc intégré de nombreuses mesures, souvent dérogatoires et spécifiques à Mayotte, dans le projet de loi-programme pour la « refondation » de l’île. Toutes ont été adoptées par la chambre haute, dominée par une alliance droite-centristes, malgré l’hostilité de l’ensemble de la gauche, indique l’AFP. Sur les conditions d’accès au séjour, les sénateurs-rices ont ainsi accepté d’imposer aux étrangers-ères la détention préalable d’un « visa de long séjour » pour obtenir certaines cartes de séjour temporaire, ou encore d’étendre la durée de résidence régulière exigée pour obtenir une carte de résident-e « parent d’enfant français ».
Mesures plus controversées encore : la création de « lieux spécialement adaptés » à la rétention de familles accompagnées de mineurs-es, et surtout la possibilité inédite de retirer des titres de séjour aux parents d’enfants considérés-es comme menaçant l’ordre public, y compris lorsque la défaillance des parents compromet la « moralité » ou « l’éducation » de leur enfant. Cette réforme, bien que très encadrée, a fait bondir la gauche, qui fustige un mécanisme « sans précédent aucun » car il pénaliserait les parents pour le comportement de leurs enfants. « Nous sommes en train, progressivement, de faire rentrer dans le droit, via la brèche de Mayotte, des dispositions en violation totale des principes fondamentaux », s’est alarmée la sénatrice écologiste Mélanie Vogel. À l’initiative de la droite, les sénateurs-rices ont durci les conditions du regroupement familial en l’interdisant lorsque l’étranger-ère occupe « sans droit ni titre », ou que son logement relève de l’habitat informel. Sans surprise, les débats ont débordé sur l’une des revendications principales des élus de l’archipel : la fin des « visas territorialisés », ces titres de séjour spécifiques qui empêchent leurs détenteurs de venir dans l’Hexagone ou à La Réunion voisine. Mesure qui permettrait selon ses défenseurs-ses de « désengorger » hôpitaux et écoles, mais que le Sénat n’a pas souhaité adopter, en accord avec le gouvernement, face au risque avancé de renforcer l’hypothèse d’un supposé « appel d’air » migratoire. Ce projet de loi, qui comporte de nombreuses autres mesures sur les champ social, économique, foncier et institutionnel, sera mis au vote dans son ensemble le mardi 27 mai au Sénat.
Coupes budgétaires : le syndicat du HCR craint 3 000 à 4 000 suppressions d’emplois
Le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés-es devrait supprimer entre 3 000 et 4 000 d’emplois dans le monde dans un contexte de coupes budgétaires, a estimé mardi 20 mai la présidente de l’organe représentant le personnel de l’agence. Depuis la décision de l’administration Trump de geler l’aide internationale américaine, les annonces de licenciements se succèdent au sein des organisations humanitaires, d’autant que nombre d’entre elles soulignent que les États-Unis ne sont pas les seuls à réduire leur soutien. « C’est cette semaine que les collègues vont recevoir leur lettre de licenciement. C’est donc une semaine très difficile pour notre organisation », a déclaré en conférence de presse la présidente du Conseil du personnel du HRC, Nathalie Meynet, qui préside aussi le Comité de coordination des associations et syndicats internationaux du personnel onusien (CCISUA). « Et on s’attend à 3000 à 4000 suppressions de postes globalement », y compris au siège du HCR à Genève, a-t-elle indiqué. Interrogé sur ces chiffres, un porte-parole du HCR, Matthew Saltmarsh, a indiqué à l’AFP : « nous ne disposons pas encore de chiffre sur le nombre total de collègues qui seront touchés ». « Nous estimons que les coûts du personnel seront réduits d’environ 30 % d’ici la fin de ce processus. La mise en œuvre se déroulera au cours des prochains mois et la nouvelle configuration sera en place d’ici octobre 2025 », a-t-il indiqué. Le patron du HCR Filippo Grandi avait de son côté déjà indiqué devant le Conseil de sécurité de l’ONU craindre devoir conclure, à l’issue d’un examen interne, à un recul de l’agence « jusqu’à 30% » de ses capacités, alors que la contribution américaine représentait ces dernières années environ 40% du budget, à hauteur d’environ deux milliards de dollars par an. Le chef de l’ONU Antonio Guterres a lancé le 12 mars un processus d’examen interne visant à rendre « plus efficace » le système onusien qui fait face à des contraintes budgétaires chroniques, renforcées par les politiques du président américain Donald Trump.