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    L’actu vue par REMAIDES : "Le planning familial sur tous les fronts"

    • Actualité
    • 04.12.2023

    équipe planning familial

    © Fred Lebreton

    Par Fred Lebreton 

    Le planning familial sur tous les fronts 

    Le 18 octobre dernier, le Planning familial conviait journalistes et partenaires associatifs-ves pour une conférence de presse afin de présenter son Plan stratégique 2023-2025. L’occasion pour l’association de revenir sur son histoire, ses valeurs et ses combats. Un rappel salutaire dans une société française plus que jamais fracturée et attaquée par des mouvements conservateurs de plus en plus organisés et visibles. La rédaction de Remaides y était.

    Un peu d'histoire...

    En 1955, à la suite d'un fait divers ayant conduit un an plus tôt les époux Bac à être condamnés-es pour avoir laissé mourir faute de soin leur quatrième enfant, la sociologue Évelyne Sullerot proposait à la gynécologue Marie-Andrée Lagroua-Weill-Hallé de fonder, avec l'aide de Catherine Valabregue, une association de femmes pour lutter contre les avortements clandestins (estimés entre 400 000 et 600 000 à cette époque). Ces trois personnalités sont à l'origine de la création de la « Maternité heureuse », fondée dans la quasi-clandestinité en 1956, par des protestantes, notamment issues du Mouvement Jeunes Femmes.

    Le Mouvement français pour le planning familial (MFPF dit « le Planning familial), fondé en juin 1960, prend le relais de la « Maternité heureuse », poursuivant son œuvre d'information, d'éducation populaire incluant le conseil familial et sexuel. Au départ parisienne, l’association se développe ensuite sur l’ensemble du territoire national, en métropole et les Outre-mer. Aujourd’hui, la confédération du Planning familial, tête de réseau du mouvement, rassemble 79 associations départementales et neuf fédérations régionales aux réalités variées, mais aux valeurs communes. Le Planning familial est un mouvement militant qui prend en compte toutes les sexualités, défend le droit à la contraception, à l’avortement et à l’éducation à la sexualité. Il dénonce et combat toutes les formes de violences sexistes et sexuelles. Il participe à la lutte contre le VIH/sida et les IST, et contre toutes les formes de discriminations et les inégalités sociales.

    D’après le Rapport d’activité 2022 présenté en conférence de presse, le Planning familial a touché 441 012 personnes en 2022 dont une grande majorité de femmes cisgenres (283 442) et en très grande majorité (85 %) des jeunes de moins de 25 ans. Il s’agit d’« Un baromètre de la santé sexuelle et reproductive en France » pour Sarah Durocher, militante féministe et d’éducation populaire pour les droits sexuels et reproductifs et présidente du Planning familial.

    L'éducation à la sexualité : un recours en justice 

    Le Planning familial intervient régulièrement dans les établissements scolaires (principalement dans les collèges et lycées) pour y dispenser des cours d’éducation à la sexualité. Au total, en 2022, le Planning a effectué 12 054 interventions devant 156 934 élèves. Un travail conséquent, mais qui ne peut pas se substituer à celui de l’Éducation Nationale. En effet, l’éducation à la sexualité est une obligation légale, inscrite au sein du Code de l’éducation. Depuis 2001, en effet, le Code de l’éducation (Article L312-16) prévoit que l’ensemble des élèves doit bénéficier d’une éducation à la sexualité, tout au long de leur scolarité, à raison d’au moins trois séances annuelles. Selon la durée de la scolarité, on devrait donc arriver à un nombre de 27 à 36 séances. Ces dernières années, ces obligations n’ont pas été respectées. La situation s’est tellement dégradée qu’en mars 2023, le Planning familial, associé à SOS Homophobie et Sidaction, a décidé d’assigner l’État en justice. Les trois associations ont saisi le tribunal administratif de Paris pour demander « l’application pleine et entière de la loi de 2001 relative à l’éducation à la sexualité des élèves, tout au long de leur scolarité ». Les trois organisations non gouvernementales qui ont saisi la justice, rappellent que « cette éducation à la sexualité est cruciale puisqu’elle comprend la lutte contre les IST, dont le VIH/sida, la promotion de la santé sexuelle et reproductive, la lutte contre les violences de genre et celle contre les discriminations LGBTQIphobes ». La loi précise d’ailleurs : « Ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes. Elles contribuent à l'apprentissage du respect dû au corps humain et sensibilisent aux violences sexistes ou sexuelles ainsi qu'aux mutilations sexuelles féminines ».

    Où en est ce recours en justice aujourd’hui ? Remaides a posé la question à Sarah Durocher, la présidente du Planning familial : « Nous sommes dans l’attente d’une réponse de l’Éducation nationale. C’est une longue procédure car notre demande doit d’abord passer au Tribunal administratif qui doit statuer sur sa recevabilité au premier semestre 2024. Nous sommes dans une volonté de co-construction avec l’Éducation Nationale. Le jour où Gabriel Attal [Ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, ndlr], nous dira qu’il met des moyens humains et financiers pour mettre en place l’éducation à la sexualité, nous mettrons fin à ce recours. Ce n’est pas un coup de communication, nous avons vraiment envie que cette loi soit effective ». Quel serait le coût de cette mise en application de la loi ? « Aujourd’hui les trois ministères, Éducation Nationale, Santé et Droits des Femmes sont incapables de nous répondre » déplore Sarah Durocher. Et la présidente du Planning familial d’ironiser : « Ils ont sorti un plan d’harcèlement scolaire sans parler d’éducation à la sexualité ce qu’on trouve assez dingue ! Et maintenant ils parlent de cours d’empathie... Pourquoi créer de nouvelles choses alors que la loi qui est prévue nous convient très bien. Il suffit de l’appliquer ! ».

    Les anti-choix : un mouvement très organisé

    Véronique Sehier a été co-présidente du Planning familial et membre du Haut Conseil à l'Égalité entre les Femmes et les Hommes jusqu'en 2015. La militante féministe est revenue sur la longue d’histoire des mouvements anti IVG qu’elle qualifie d’anti-choix (le choix pour une femme de disposer de son corps et de mettre fin à une grossesse non désirée). « Ces mouvements anti-choix sont aujourd'hui alliés avec des mouvements politiques de droite et d’extrême-droite, et ils ont un projet global de faire reculer les droits sexuels et reproductifs. C’est vraiment un projet inégalitaire et patriarcal, qu'ils veulent mettre en œuvre au niveau européen », explique Véronique Sehier.

    La militante insiste sur le fait que ce ne sont pas « quelques petits cathos intégristes qui se baladent par-ci par-là,  mais vraiment un mouvement organisé au niveau européen ». Pour Véronique Sehier, le mouvement anti-choix français s’est organisé autour de la Manif pour tous en 2012/2013. Un mouvement issu majoritairement de la droite et l’extrême droite catholique et conservatrice qui a créé un syndicat qui s'appelle le Syndicat de la famille. Elle cite également le lobbying du groupe « Restaurer l'ordre naturel », une offensive des anti-féministes et anti-LGBT dans l'Union européenne en 2019. « La montée de ces organisations et la banalisation de leurs discours sont un vrai danger pour les droits humains », souligne Véronique Sehier. Dans cette guerre idéologique et politique entre « pro choix » et « anti choix », la question de l’IVG est centrale. Ces mouvements conservateurs défendent le « droit de ne pas avorter », un véritable retournement sémantique et idéologique. Leur objectif est aussi d'obtenir un statut juridique pour l'embryon et un droit de l'enfant à naître. Il faut savoir qu'au niveau juridique en France, l'enfant n'existe qu'à partir du moment où il est né. Donner un statut juridique à un embryon reviendrait à remettre en cause le droit à l’IVG. Véronique Sehier rappelle que ces menaces ne sont pas à prendre à la légère et que plusieurs pays (États-Unis, Hongrie, Pologne, etc.) ont vu le droit à l’IVG reculer ces dernières années : « Une de leurs cibles, c'est le fait de dire que l'avortement n'est pas un droit humain fondamental. L’enjeu pour nous, c'est de faire reconnaître l'avortement et les droits sexuels comme des droits humains fondamentaux et puis créer aussi une force pro-choix  au niveau européen (…). Les élections européennes, c'est l'année prochaine. Il y a un enjeu fondamental important. Il y a des résolutions qui ont été prises au niveau du Parlement européen pour renforcer l'accès aux droits sexuels et reproductifs qui sont très peu connus et qu'il faut diffuser très largement », exhorte la militante. Pour le Planning familial, il est crucial de connaître ces mouvements, et de les faire connaître afin de protéger le droit à l’IVG au plus haut niveau (la Constitution). « Le savoir, c’est le pouvoir », rappelle Véronique Sehier. Un slogan bien connu des militants-es de la lutte contre le sida.

    Quand l'extrême droite inflitre les parents d'élèves...

    Lors d’une session de questions-réponses, la rédaction de Remaides a évoqué l’actualité récente autour d’un mouvement de parents d’élèves nommé « Parents vigilants » issu de l’extrême droite catholique. Dans un tweet publié le 16 octobre, Éric Zemmour, le président du parti d’extrême droite Reconquête, se félicitait de la victoire de plus de 3 500 sièges pour les Parents Vigilants aux élections des parents d’élèves : « Nos parents vigilants serviront l’intérêt général dans une école plus que jamais menacée par l’islamisation et l’endoctrinement », a commenté l’ancien candidat à la présidentielle de 2022. « Un mode d'action, c'est l'infiltration dans les instances. Jusque-là, on ne les avait pas vus dans les conseils de parents d'élèves. C'est en train de se mettre en place, clairement (…). Je crois qu'il y a un gros travail à faire pour voir comment ces « parents vigilants » vont infiltrer l'école et l'influence que cela va avoir. Ils agissent beaucoup sur la peur et la désinformation », souligne Véronique Sehier. De son côté, Sarah Durocher insiste sur la nécessité d’inclure les associations et acteurs-rices de la santé sexuelle et reproductive dans les discussions sur l’éducation à la sexualité. Et la présidente du Planning familial d’annoncer qu’un livre blanc de l’éducation à la sexualité sera présenté le 6 novembre pour montrer « la force de la société civile ». Rien pour nous, sans nous. Pour consulter ou télécharger le Rapport d’activité 2022 du Planning familial.

    Planning familial : des attaques sur les subventions

    Ces derniers mois, le Planning familial a fait l’objet de nombreuses attaques. Elles avaient atteint un sommet après la polémique suscitée par la droite, l’extrême droite et une frange des milieux féministes à propos d’une affiche de l’ONG représentant un homme transgenre enceint. Ces attaques portent désormais sur le nerf de la guerre : les ressources financières. Le Planning familial s’alarme, en effet, des appels à couper ses financements et dénonce la désinformation entourant ses ateliers d’éducation à la sexualité auprès des jeunes. « On a des appels à enlever les financements du Planning, ce qui est très fragilisant et très oppressant pour les bénévoles et les militantes », a déclaré, début novembre, Sarah Durocher, présidente de l’association féministe, lors d’une audition devant la commission des Finances de l’Assemblée nationale, citée par l’AFP.  « Si on enlevait les financements du Planning, 400 000 personnes seraient dans des difficultés importantes, c’est très alarmant », a-t-elle ajouté, en référence au nombre de personnes accompagnées ou accueillies par l’association chaque année. À l’heure actuelle, « au niveau tête de réseau, on est plutôt sur un maintien des financements », mais les antennes locales ne verront « l’impact de ces appels qu’au premier semestre 2024 », précise-t-elle auprès de l’AFP.

    Fondée en 1960, l’association féministe a été la cible à l’été 2022 d’une partie de la droite et de l’extrême-droite qui a dénoncé des « militants archi-subventionnés » et qui a appelé à faire cesser ces « dérives » notamment en réduisant les subventions de l’État. Dans leur collimateur, une affiche portant le slogan « Au Planning, les hommes aussi peuvent être enceints », avec un dessin représente un homme transgenre pendant sa grossesse. « L’idée avec cette affiche, c’était de dire que le planning accueille les personnes trans et de leur dire qu’elles pouvaient venir au planning, ça a été fait dans cette démarche », a souligné auprès de l’AFP Sarah Durocher, qui évoque des « attaques et des propos transphobes » d’une « rare violence » à la fois pour les bénévoles et pour les personnes concernées. La perspective d’une baisse des subventions est d’autant plus problématique qu’elle survient dans un contexte d’inflation et « de précarité des femmes seules avec enfants », a indiqué la présidente de l’ONG. Depuis le début 2023, des attaques ont par ailleurs visé des antennes du Planning familial : en février en Gironde, en mars à Strasbourg et en août dans les Hautes-Alpes. De nouvelles dégradations ont été commises ces derniers mois et des plaintes ont été déposées, indique Sarah Durocher, sans donner plus de détails. Outre ses missions historiques, le Planning familial s’est très investi, ces dernières années, dans la lutte contre le VIH et plus globalement sur tous les enjeux de la santé sexuelle. C’est un partenaire majeur de nombreuses associations de santé, notamment dans le champ de la lutte contre le sida.